lundi 10 mars 2008

Un En Saignant à la maternelle (4e station)

L'inspiration de ce billet vient des doutes de Bagoo sur son "orientation pédagogique".

Ce n'est pas de ma faute. C'est la faute de l'U.Q.A.M. Obliger les futurs enseignants à aller faire un tour dans la jungle préscolaire pour plus d'un mois, ça pouvait sembler une bonne idée pour la plupart mais pas pour le principal intéressé. Vraiment pas. Résumé d'un chemin de croix.

Quatrième station: En Saignant rencontre sa Très Sainte Mère

Donc, après quelques jours de stage, voici l'étendu des dégats: des odeurs suspectes, des postillons dans les cheveux d'une élève, une gomme avalée de travers, des liquides corporels plein le corps, une morsure sur le bedon et des blessures corporelles légères causées à quelques enfants. J'étais un peu découragé par la direction que prenait ce stage et demandai à mon maître-associé si je pouvais aller aux toilettes.

-Pas besoin de me le demander, tu es grand, tu peux y aller tout seul. À moins que tu aies besoin de quelqu'un...

Peanut, assise sur ses genoux, fut prise d'un fou rire que j'entendais encore lorsque je quittai la classe.

Je marchai dans les corridors déserts de l'école. La seule présence qui m'accompagnait était l'écho de mes pas. Les murs "jaunes rhume" contrastaient de façon quelconque avec les tuiles vertes forêts du plancher. Heureusement que les moulures noires en ciment venaient embellir le tout.

Je pris le premier corridor à gauche, le deuxième à droite et m'aventurai vers une section de l'école que je n'avais jamais visité encore. Les fenêtres dans les portes des classes me montraient des élèves assis derrière leurs bureaux, écoutant les enseignants. Mes yeux se remplirent de larmes. C'était ÇA, l'enseignement. Pas des minuscules-culs qui sautent sur nous à la moindre occasion.

Je continuai mon chemin quand j'entendis "PSSSTTTTT", venant d'une classe située au bout du corridor. Je m'approchai d'un pas discret. C'est alors que je vis une tête sortir d'un casier. Une tête énorme avec des lunettes tellement épaisses qu'un alcoolique y aurait vidé son cognac.-Viens voir, j'ai quelque chose à te montrer! C'est par ici!

Je suivis cette femme qui aurait pu avoir quarante comme cinquante-cinq ans, allez savoir. Il y a de ces gens qui n'ont pas d'âge.

J'entrai dans une classe peinte en vert et jaune fluo. Elle était habitée par une faune comme je n'en avais jamais vu. Des adultes qui semblaient tout ce qu'il y a de plus normal mais qui faisaient des choses complètement bizarres.

Deux jouaient au Monopoly sans dés ni cartes, se contentant de déplacer leurs doigts sur le plateau. Un autre qui, à l'aide d'un tournevis, s'amusait à faire le tour des chaises et des bureaux de la classe afin d'en vérifier la solidité. Enfin, une autre enfilait des chandails les uns par-dessus les autres. Elle en avait maintenant six, suait à grosses gouttes et se préparait à en enfiler un septième.

-Qui sont-ils? demandai-je.

-Et toi, qui es-tu? me demanda t'elle.

-En Saignant, stagiaire dans la classe de maternelle.

-Tu crois? me demanda t'elle.

-...

Je la regardai. Elle me regarda, les yeux hagards à travers ses lunettes. Elle avait cet air qui me faisait douter de son étât de conscience. Je sortis du local rapidement, sans regarder en arrière, me promettant d'y revenir en inventant une autre raison pour quitter la classe.

Alors que je parcourais le corridor en sens inverse, j'entendis une case s'ouvrir. Je regardai et vit disparaître le personnage dedans, la porte se refermant derrière elle.

Je passai par les toilettes pour prendre un bout de papier brun que je mouillai et dissimula dans ma main, sous mon chandail dont je laissai pendre la manche et rentrai en classe.

L'enseignante était assise par terre, entourée des élèves qui chantaient une chanson. Peanut était seule dans le coin des poupées. Je m'approchai d'elle discrètement, sans qu'elle me voit. Je sortit le papier et lui essuya la bouche avec, sans qu'elle eut le temps de réagir. Le fromage à la crème qu'elle gardait depuis le matin disparut aussitôt. Elle me jeta un regard qui aurait fait trembler de peur le plus dur des directeurs d'école. Je me retournai, ravi et alla rejoindre le groupe.

Alors que nous commençions le troisième couplet de "Trois Petits Chats", au deuxième "Paillasson-son-son", pour être plus précis, une petite main me tapocha sur l'épaule. Je me retournai et vit Peanut avec une nouvelle couche de confiture au-dessus des lèvres, un sourire victorieux à la bouche. Sourire qui disparut lorsque Potelé lui saute dessus pour lui lécher le visage.

Je ne comprenais plus rien...

Bientôt, la cinquième station: En Saignant se fait aider à porter sa croix.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Somnambule, somnambule, bule, bule.
Cette journée-là aurait été idéale, racontée avec l'ivresse de la journée précédente ! ;-)

Catherine a dit…

Étrange comment on ne veut tout simplement pas voir les murs "jaunes rhume".

Anonyme a dit…

si je peux me permettre, ça me fait penser à une anecdote de mon passage au présco...étant prof d'éduc à temps partiel, je faisais une journée en maternelle.
ça me prendrait quelques pages pour vous mettre en contexte, mais une petite fille était vraiment perturbée et perturbante. Pétant de solides coches, étant violente avec les autres, parlant de sexe, etc.
Une fois qu'elle voulait battre une autre élève parce qu'elle même n'arrivait pas à se concentrer et devait se défouler sur quelqu'un, je l'ai prise par le bras pour l'empêcher de frapper.
C'est pas mal le seul âge ou je peux prendre un élève par le bras! ;)
Pour se défaire de mon emprise, elle m,a regardé dans les yeux et m'a pincé un sein, deux fois de suite... résultat je l'ai lâché et elle est parti frapper l'autre enfant.
Encore à ce jour je suis un peu traumatisée! Pas parce qu'elle m'a pincé un sein, mais plus à cause du regard qu'elle avait quand elle l'a fait. Pas un regard de prédateur sexuel, mais celui d'une psychopate...

Enfin bref, je voulais juste te soutenir dans ton épreuve de faire remonter ces souvenirs à la surface!
Je me marre bien de mon côté de l'atlantique!
ça me fait même m'ennuyer de ces petites bêtes-là!! ;)
xx

Gooba a dit…

Misère, ce que je peux me bidonner à te lire! :o) Faudrait que tu fasses un téléroman avec ça! :o))