mardi 11 mars 2008

Un En Saignant à la maternelle (5e station)

Cinquième station: En Saignant se fait aider à porter sa croix

Ça y est, le grand jour était finalement arrivé. Ma première heure seul avec mon groupe de maternelle qui ressemblait, dans ma tête, à ma dernière heure dans le monde de l'enseignement. Si jeune pour un suicide professionnel...

-Es-tu certain que ça va aller? me demanda ma maître-associée.

-Bien oui, ne me dis pas que ça t'inquiète! lui répondis-je.

-Non, non... les pansements sont dans le troisième tiroir et mon cellulaire est ouvert. Bonne fin d'avant-midi! me lança t'elle, en embrassant chacun des élèves en leur rappelant comment elle les aimait, une larme à l'oeil.

Bon! Enfin seul avec eux. C'était facile, un atelier tout simple qui consistait à placer des dessins représentant des éléments de différentes saisons dans la bonne pochette. "Ils réussiront celà les deux doigts dans le nez", pensai-je en observant Potelé qui en avait justement trois de rentrés dans la narine gauche.

-Allez, tout le monde, on vient s'asseoir! criai-je de ma voix enthousiaste.

-En Saignant sent le vomi! entendis-je.

Je fis comme si je n'avais rien entendu car je ne savais pas qu'elle était le rime de l'enseignante avec cette expression-là. Plusieurs expressions me faisaient hésiter: "Le vomi, par la sortie!", "Tout ce qui pue, dans la rue!" ou encore, "Tout ce qui remonte, à la dompe!"

-Allez, hop! Au cercle des sentiments avant que j'en exprime un! criai-je.

Deux ou trois frimousses entendirent et vinrent s'asseoir, vous l'aurez deviné, sur mon genoux gauche, sur mon genoux droit et l'autre aggrippé sur mon cou en appuyant bien ses mains sur ma pomme d'Adam. Ce qui me donna une voix un peu bizarre, un peu comme un Winnie the Pooh. Une voix qui vient des profondeurs, comme Pierre Bruneau qui lit ses malheurs. Les enfants trouvèrent celà très drôle, m'imitant tous à tour de rôle, dans une cacophonie épouvantable. Ceux qui étaient restés plus loin s'approchèrent, invités par leurs amis pour venir voir le "freak-show". Enfin, je les tenais.

Je commençai donc mon activité, muni de mes cartons dans mes mains.

-Bon, les namis, nous allons jouer à un jeu. Est-ce que ça vous tente?

-Oui!!! Moi, je veux jouer aux Barbies! dit une petite fille qui se leva aussitôt.

-Moi, aux blocs, dit un petit garçon aux lunettes immenses qui se leva, trébucha sur son lacet détaché, se releva, trébucha sur les jambes étendues de la voisine, se releva à nouveau et courut trébucher plus loin.

Tous les élèves se levèrent ainsi, m'annonçant le jeu qu'ils avaient choisi. Je restai seul avec Potelé, qui respirait difficilement à cause de la pression mise sur son bedon plié en deux.

-Toi, Potelé, as-tu envie de jouer à un jeu? lui demandai-je.

-Boffffffffffffff, me répondit-il avec le son d'un ballon qui perd de l'air.

Je regardai le groupe, chacun occupé à son activité et je me trouvai bon pour la première fois du stage. J'avais réussi à organiser une activité structurée et à placer chaque élève au bon "atelier". Pour la première fois, je me sentais à ma place. J'étais devenu Pré-En-saignant, heureux propriétaire de 18 enfants qui totalisaient 90 années de vie. Tant pis pour l'activité que j'avais pris plus de trois heures à bâtir la veille, n'était-ce pas dans la spontanéité que l'on reconnaissait les meilleurs titulaires?

L'enseignante revint au bout d'une heure et me retrouva bien écrasé dans mon fauteuil, les deux pieds sur Potelé qui était rendu à quatre pattes, après 25 minutes d'effort pour se remettre debout.

-Qu'est-ce que tu fais? me demanda t'elle.

-Regarde autour de toi, ils sont en plein processus de création, ne trouves-tu pas celà touchant? lui dis-je, ému.

-Non, les pieds sur un élève, tu es confortable au moins? me demanda t'elle, s'inquiétant de mon sort.

-Oui, oui, ne t'en fais pas! lui répondis-je.

Ah, la belle vie...

Bientôt, la sixième station: Une femme pieuse essuie le visage d'En Saignant.

6 commentaires:

Hortensia a dit…

Je rigole, je rigole, mais je ne sais toujours pas si c'est toi que je dois le plus plaindre ou les petits.;-)

L'ensaignant a dit…

J'avoue qu'avec la tangeante que prend cette histoire, je me questionne aussi. Je retrouverai bien mon rôle de victime down the way :)

Gooba a dit…

As-tu envie de savoir comment s'est passé mon avant-midi en maternelle, ce matin? Ça pourrait pimenter ton histoire! :o))

L'ensaignant a dit…

Oui, oui, oui, allez, raconte, je suis à court d'idées. Et je te promets de prendre ce qui ressort de ton message pour mon prochain billet...

Gooba a dit…

Je le ferai, mais tu devras attendre. Je manque de temps! :o(

Anonyme a dit…

Il y a déjà un enfant qui s'est penché pour regarder DANS ma narine afin de voir ma boucle de nez de l'intérieur. C'était euh... gênant???

Ça t'inspire?

:D