jeudi 20 mars 2008

Un En Saignant à la maternelle (6e station)

Pour les lecteurs intéressés, retrouver les cinq premières stations dans mes archives. Inspiré par les aventures de Bagoo à la maternelle.

-Il y a des choses qui vont devoir changer, En Saignant! me dit-elle, le regard sévère.

-Si vous parlez du coin-blocs, j'avais peut-être quelques idées à vous suggérer, justement, lui dis-je.

-NON, JE NE PARLE PAS DU COIN-BLOCS! cria t'elle.


Je baissai la tête. Tous les élèves s'étaient tus et me regardaient en hochant la tête. Un premier s'avança pour me faire un calin, puis un deuxième, puis un à un, ils vinrent vers moi et se produisit la dernière chose que je croyais possible: un minuscule, mais tout petit sentiment d'amour, aussi petit que leurs petits bedons, me traversa. Une larme se pointa timidement au coin de mon oeil gauche.



-Madame, l'oeil d'En Saignant pleure! s'écria une fillette blonde comme les blés.


-Je veux goutter! s'écria Potelé.


-Non, moi! s'écria un petit rouquin la langue déjà sorti avec comme objectif ma joue.


-Qu'est-ce que vous f...? Nan! dis-je en me relevant d'un coup sec, entraînant un enfant suspendu à mon cou qui se mit à crier.



La maîtresse me regarda, la tristesse ayant remplacé sa colère.



-Tu viens de manquer une autre occasion de rapprochement, je crains bien.. me dit-elle.


-Un rapprochement? Il aurait donc fallu que je me laisse lécher le visage par des enfants de cinq ans pour me rapprocher d'eux? Et quand je voudrai vraiment établir un lien, devront-ils me péter au visage? lui répondis-je.



-Il a dit le "mot qui vente"! s'écria Peanut, toute fière d'elle.



-Tu as été la première à t'en apercevoir, alors c'est à toi que revient l'honneur, Peanut! répondit la maître-associée.



Peanut se dirigea vers la fenêtre, me traînant par la main. Elle me tourna dos à celle-ci et l'ouvrit.



-Allez, En Saignant, dis la formule magique.



-La formule magique? De quoi parles-tu? lui répondis-je, non sans avoir remarqué la mayonnaise qui décorait sa lèvre supérieure.



-Pfffffttttt, envole-toi et ne reviens plus dans cette classe-là! me dit-elle lentement afin que je comprenne bien ou tout simplement pour rire de moi.



-Bien voyons! Qu'est-ce que...



-Allez, En Saignant, la formule magique! Pense aux rapprochements! me dit la maître-associée.

-Mais le môme qui est accroché à mon cou, les ongles bien ancrés dans ma mâchoire, ça ne compte pas comme rapprochement? lui demandai-je.

-Sentirais-je un refus de s'engager? demanda l'enseignante.

-Non, non, ça va... Envole-toi, ne reviens plus dans cette classe-là! dis-je d'une voix monotone.

-Il n'a pas dit la formule comme il le faut, enseignante, il me semble que je sens encore quelque chose, dit Peanut en reniflant l'air autour de nous.

-Mais je n'ai même pas pété! criai-je.

-Encore le mot! cria Peanut.

-Pfffffff... dis-je, les yeux en l'air.

-Il a fait le son! cria Peanut.

-Moustache de mayo! lançai-je à la fillette.

-Fesses qui puent! lança Peanut.

-Ah, ah! lançai-je à la manière de la pub de Familiprix en regardant l'endroit où se trouvait l'enseignante quelques minutes plus tôt.

Mais elle n'était plus là, elle était maintenant adossée au mur à côté de la porte accompagnée de... la directrice qui me regardait d'un oeil loin d'être amusé.

-Oh mince! lançais-je en signe de désespoir.

-Chippeur, arrête de chipper! lança une petite frimousse à mes côtés.

-Je peux te voir dans mon bureau, En Saignant? demanda la directrice.

Alors que je quittais la classe, sous les regards inquiets des élèves et le sourire satisfait de Peanut, je me demandai si j'y reviendrais un jour.

-Je peux reprendre mon élève? demanda l'enseignante en décrochant le minuscule-cul, qui avait lentement migré vers mes cheveux.

Je marchai avec la directrice d'un pas lent vers son bureau, comme un agneau qui s'en va à l'abattoir. Je vis du coin de l'oeil la femme que j'avais rencontré et qui m'avait fait entrer dans une classe un peu spéciale. Elle s'approcha de moi, marchant au même rythme que moi, sortit un foulard de sa poche et m'essuya le visage avec.

-Ne les laisse pas t'avoir! Viens me voir demain, cogne à la case 124, me chuchota t'elle.

-Space, retourne dans ta classe tout de suite! cria la directrice.

-Oui madame, dit-elle en repliant son foulard.

En quittant, elle mima avec sa main les chiffres 1, 2 et 4. Je lui souris et suivit la directrice vers mon destin...

Bientôt, la septième station: En Saignant tombe pour la deuxième fois.

9 commentaires:

Une femme libre a dit…

Ayoye! Ça va mal!

Hortensia a dit…

C'est fou comme des enfants, aussi minuscules soient-ils, ont la faculté de devenir des personnages effrayants.

Anonyme a dit…

Suis vraiiiiiment pas faite pour ce métier. Heureusement, je ne le pratique pas. Très rigolo le mince fil entre ton imagination et la réalité et tous les efforts qu'il faut euh... que je dois faire pour trouver le chemin.Z

Anonyme a dit…

vite vite, la classe 124, la 124!!

Prof Malgré Tout a dit…

Anachronisme(s).

Chiant Malgré Tout

Mais merci de continuer, c'est succulent.

La belle Lurette a dit…

PMT: J'allais le dire!

L'ensaignant a dit…

Femme libre: Et ce n'est pas fini... il faut parfois toucher le fond pour remonter, j'en suis la preuve vivante!

Prof en Exil: la 124... Savais-tu que ça faisait ABD en lettres? (musique des X-Files) :)

PMT: bla, bla, bla... C'est dans des moments précis comme ceux-ci que je me rends compte que tu es vraiment dépendant de moi. J'ai beaucoup de sentiments pour toi. Reste à me décider si c'est de l'amour ou de la pitié :)

Belle Lurette: O.K. :)

Hortensia: C'est vrai. Honnêtement, je regarde souvent mes grands et imagine qui ils deviendront en tant qu'adultes. C'est parfois épeurant. C'est pas correct de penser celà, hein?

Z: Plus cette série avance et plus la réalité est loin derrière. Pour le chemin, tu le connais, tu le sais bien! :)

Hortensia a dit…

Euh... Je crois que tu as mal interprété mon commentaire précédent. Je voulais dire "effrayant" au sens propre. Oui, dans la littérature fantastique, par exemple, les personnages d'enfants ont souvent des pouvoirs maléfiques ou sont décrits comme diaboliques. Je lisais ton billet et ça m'a fait penser à ça...

L'ensaignant a dit…

Hortensia: Tu as raison, j'avais mal interprété ton commentaire. Mais maintenant que tu me fais penser à celà, pourquoi ne pas pousser le personnage de Peanut jusqu'au bout? J'y reviendrai...

Merci de la mise au point.