dimanche 27 janvier 2008

Du théâtre-réalité (modifié)

La salle des enseignants a toujours été pour moi un objet de curiosité. Je m'explique.

Il existe dans toutes les écoles primaires un code de vie. Pour les non-initiés, il s'agit d'un ensemble de règles que les élèves doivent suivre afin d'assurer un climat encourageant les apprentissages. Dans certaines écoles, il est responsable de l'ambiance et des relations entre les élèves et dans d'autres, il n'est rien de plus que quelques feuilles oubliées dans le bureau du directeur.

Peu importe son importance, je suis toujours surpris de voir, dans les salles des profs, des enseignants et enseignantes, compétents et compétentes pour la plupart, passer à côté du code de vie qu'ils exigent de leurs élèves, quand ce n'est pas des règles plus larges régissant la vie en société. Or, ils sont l'exemple à suivre pour plusieurs jeunes. Sans rechercher la perfection, ils se doivent au moins, par souci de cohérence, d'appliquer ce qu'ils demandent à leurs élèves.

Heureusement, il y a des rayons de soleil qui tentent d'amuser l'auditoire de conversations complètement irréelles. Mais, question d'équilibre, il y a aussi les nuages qui s'assurent que le niveau de souffrance et de plaintes est atteint quotidiennement dans le purgatoire. L'équilibre des forces, le yin et le yan, le noir et le blanc...

Alors, je tente une expérience. Un marathon d'écriture de six jours, durant lesquels j'écrirai une pièce de théâtre en cinq actes. Mais pas du théâtre traditionnel car nous sommes en 2008, si vous vous y êtes habitués. Non, du théâtre-réalité. Pourquoi du théâtre? Afin de rester le plus près possible des évènements. Car je veux que tout celà ne tombe pas dans la caricature ou la critique facile, choses pour lesquelles je suis particulièrement doué!

Un acte par jour, décrivant les hauts et les bas de la salle des profs, avec des personnages plus vrais que nature qui sauront, je l'espère, me donner du matériel pour vous intéresser. De toute façon, si c'est ennuyant, ce n'est pas ma faute!

Vos commentaires seront les bienvenus mais j'essaierai de ne pas y répondre avant samedi, histoire de voir votre perception de l'histoire et de ne pas l'influencer.

Pour ceux que le concept intrigue, on se revoit demain. Pour les autres, à la semaine prochaine.

Pour les mises en demeure, je suis une enseignante de 63 ans travaillant dans une école privée de Laval et qui combat quotidiennement mes poils au menton.

Mise à jour du 4 février:
Les cinq actes qui ont suivis durant cinq jours consécutifs viennent d'être détruits. J'écris un billet là-dessus dans quelques jours... Ne vous en faites pas, je ne suis pas dans le donjon!

jeudi 24 janvier 2008

L'épice rit

Il y a environ une semaine...

Blondinette: En Saignaaaaannntt, j'ai pensé à quelque chose!

En Saignant (inquiet): Oui?

Blondinette: L'épicerie, c'est toujours moi qui la fait à la course pendant mes périodes de spécialistes. Peut-être qu'on pourrait faire une semaine, une semaine? Tu pourrais y aller le lundi ou le mardi soir, une semaine sur deux?

En Saignant: O.K.

Vous pensiez que je serais déçu? Nan... Le IGA, un soir de semaine, presque désert? N'importe quand! Je suis à la recherche de moments Zeds, oups, zens, surtout depuis quelque temps. Et quoi de mieux qu'une belle musique d'épicerie pour réchauffer le coeur et se geler le cerveau?

Arrive donc mardi. Je suis tout excité d'aller me promener dans les allées, sans vieille madame avec des poils au menton pour me barrer le chemin. En plus, cette semaine, nous essaierons une nouvelle pièce de viande: le carré de porc à la méditéranéenne. Ma vie a t'elle déjà été plus excitante?

Je stationne ma Saignantmobile tout près de la porte d'entrée. Pas beaucoup de voitures, c'est un bon signe, non? En me dirigeant vers l'entrée, une voix que je connais trop bien vient à mes oreilles par les haut-parleurs:

La pendule fait tic tac tic tac
Les oiseaux du lac font pic pic pic pic
Glou glou glou font tous les dindons
Et la jolie cloche ding din don
Mais ...

Alors là, c'est le pied! Le fou chantant qui m'accompagne d'une de ses hymnes au bonheur dont seul lui a le secret. C'est trop, je regarde si quelqu'un me voit et je me risque pour quelques pas de danse bien sentis.

Boum
Quand notre cœur fait Boum
Tout avec lui dit Boum
Et c'est l'amour qui s'éveille.
Boum
Il chante "love in bloom"
Au rythme de ce Boum
Qui redit Boum à l'oreille

Le soleil n'est pas là pour me regarder mais même dans ce froid, je me sens au chaud. Deux jeunes qui ramassaient des paniers, que je n'avais pas vu, applaudissent mes efforts, un grand sourire accroché aux lèvres. Je leur souris et leur fait mon salut. Ça sera une belle soirée!

Je commence par les fruits. Une vieille dame, épilée, tente d'atteindre les bananes tout en haut de l'étalage.

En Saignant (souriant): Vous avez besoin d'aide?

Madame Épilée: Oh, vous seriez tellement gentil!

Je prends les bananes, les lance de ma main droite et les rattrape de ma main gauche. Elle lâche un "oh!" admiratif et applaudit.



Madame Épilée: Merci. Vous direz à votre conjointe qu'elle est chanceuse que des mains aussi habiles habitent dans sa maison...

En Saignant: Je n'y manquerai pas. En passant, vous avez un très joli menton!

Madame Épilée: Merci!

Je poursuis ma route, le coeur léger, l'esprit tranquille d'avoir pu permettre à une vieille madame de manger des bananes mûres. Des vieilles dents, c'est connu, ça aime bien manger mou.

Je jongle avec les pommes, je chante avec les oranges, pendant que les mandarines me sourient. J'arrive devant les mangues.

Mangue: Ça fait longtemps que tu ne nous as pas choisies. Ta bouche nous "mangue" beaucoup!

En Saignant: Peut-être la prochaine fois?

Mangue (triste): Promis?

En Saignant: Je n'y "manguerai" pas!

Tout a changé depuis hier
Et la rue a des yeux qui regardent aux fenêtres
Y a du lilas et y a des mains tendues
Sur la mer le soleil va paraître

Un jeune avec une moppe dans les mains nettoie le plancher d'un mouvement suivant le rythme de la musique. Le plancher brille et mes yeux deviennent tout petits. Lors d'une journée ensoleillée comme celle-ci, vaut mieux ammener des lunettes-soleil.

Je me dirige maintenant vers les carrés de porc, mais pas avant d'avoir caressé quelques baguettes de pain, fait un clin d'oeil à un camembert et salué les croissants. Les boulangères pétrissent pas tristes pour un sous. Elles chantonnent comme des chatonnes.

Arrivé devant le petit endroit réfrigéré, je regarde les carrés de porc. Tiens, ce n'est pas fait comme je le pensais. Si je vous dis le terme "carré de porc", à quoi pensez-vous? À un triangle, à un losange, à un carré? Mais non, ça possède une forme un peu difficile à décrire.

Un jeune boucher s'approche de moi.

Jeune bouché: Bonjour monsieur, quel bon vent vous ammène?

En Saignant: Un vent de fraîcheur, mon ami. Dites-moi, cette pièce de viande a t'elle un meilleur goût que son allure?

Jeune bouché: Je ne sais pas.

En Saignant (surpris): O.K., qu'est-ce que ça goûte?

Jeune bouché: Le porc, j'imagine.

En Saignant (???): Combien de temps pour la cuisson?

Jeune bouché: Bofff, comme le porc, j'imagine.

En Saignant (sarcastique): Tu sembles avoir beaucoup d'imagination...

Jeune bouché: Ouais...

Ouais, un boucher qui ne connaît pas ses viandes, c'est comme un sourd qui travaille chez Music World. Qui sait, peut-être est-il végétarien? Ce n'est pas grave, il avait l'air gentil malgré tout. Et rien ne viendra gâcher cette belle soirée. Allez, M.Trenet, un autre couplet.

Boum
L'astre du jour fait Boum
Tout avec lui dit Boum
Quand notre cœur fait Boum Boum

J'arrive dans la section des poissons. Je cherche le tilapia. Pour les incultes, le tilapia ressemble un peu à la sole mais a une consistance plus... consistante. Ce qui le rend plus facile à cuisiner. Il était annoncé en spécial cette semaine mais je ne le vois pas. Ah, voilà le poissonnier.

En Saignant: Pardon, monsieur...

Le Pas Sonné fuit mon regard, mais je vois bien qu'il m'a vu. À cause du regard croche qu'il me lance. Un regard périphérique.

En Saignant (impatient): Excusez, le tilapia, il était bien en spécial, non?

Pas Sonné: J'pense pas...

En Saignant: O.K., je vois que vous avez du mahi-mahi. Je n'y ai jamais goûté. Son goût s'apparente à quoi?

Pas Sonné (sûr de lui): À la raie des îles.

En Saignant: O.K., mais je ne connais pas la raie des îles. Un peu comme le filet de sole?

Pas Sonné: J'sais pas, je n'y ai jamais goûté.

En Saignant: Au filet de sole?

Pas Sonné: Non, aux deux.

Oh boy! Charlot, s.v.p...

Le vent dans les bois fait hou hou hou
La biche aux abois fait mê mê mê
La vaisselle cassée fait cric crin crac
Et les pieds mouillés font flic flic flac
Mais...

Là, je me dézennize de plus en plus. Madame Épilée repasse devant moi mais finalement, elle possède quelques poils bien dissimulés sur son menton. Elle ne m'apperçoit pas et me cogne juste sous mollet, à la base de la cheville avec son panier.

En Saignant (sarcastique): Excusez-moi...

Madame Poilue (les yeux au ciel): Pffff...

En Saignant: Et mes mains habiles?

Elle est déjà partie. Je continue mon chemin en entendant rire derrière moi. Je me retourne et apperçoit Jeune Bouché et Pas Sonné qui me pointent du doigt, le sourire accroché aux lèvres.

Boum
Quand notre cœur fait Boum
Tout avec lui dit Boum
L'oiseau dit Boum, c'est l'orage

En Saignant: Ah, ta gueule Trenet!

Mais je croyais que tu m'aimais Boum

En Saignant: Nan, je ne t'ai jamais aimé! J'ai juste fait assemblant pour montrer à mes connaissances que je n'écoutais pas seulement du Ferré ou du Brel. Je voulais que les gens pensent que j'étais joyeux. Je me suis servi de toi! As-tu compris, Boum?

... boum

Voilà, bon débarras. Je passe à la caisse avec ma carte de crédit qui ne fonctionne jamais et que la caissière est obligée de rentrer au clavier, chiffre par chiffre, avec un regard haîneux, sous les yeux de l'emballeur qui travaille tellement lentement...

De retour à la maison, je sors les sacs de la voiture. Des sacs avec deux items dedans, ça fait des sacs en ...

Blondinette: Et puis, relaxé?

Comme réponse, j'ai été chercher les disques du fou chiant chantant et les sacre aux vidanges. Devinez quel bruit ils ont fait...

mardi 22 janvier 2008

Comment ne pas faire la différence

Je suis curieux, très curieux. Parce qu'élevé comme cela. Parfois, cette curiosité me sert, comme par exemple quand il n'y a rien à la tévé. Rien pour vous, c'est possible. Toujours quelque chose pour moi. Un émission de cuisine, un reportage sur l'arrivée des syndicats dans les usines chinoises, un autre sur la vie sexuelle des otaries, n'importe quoi. Ma mère m'a toujours dit que la curiosité, c'était le meilleur remède contre l'ennui. Et elle avait raison.

Cette année, mon groupe est tout sauf curieux. Enfin, presque. C'est certain que sur vingt-quatre élèves, il y en a bien une dizaine qui sont intéressés par les offres que je leur fais mais en général, l'écoute s'amoindrit beaucoup lorsqu'on sort des sentiers battus. Et les sentiers battus, pour un groupe d'ado, ils ne sont pas larges.

Tant que l'on parle de mathématiques ou de français, ça va assez bien. Ils y voient la raison même de leur incarcération. Tant qu'à être enfermé, pourquoi ne pas apprendre, non? Si on va faire un tour du côté de l'univers social, ça commence à se gâter. Va pour les explications sur ce qui s'est passé durant la deuxième guerre mondiale, c'est écrit dans le manuel. L'arrivée du Panzer et comment son utilisation par le peuple allemand a créé ces blitz qui lui permettait de prendre un pays en trois jours, ça passe encore auprès de mes gars. Par contre, je perds déjà le trois quart de mes filles. Mais si j'essaie de pousser leur raisonnement un peu plus loin, comme leur demander quelles ont été les conséquences de cette guerre pour l'Amérique et le Moyen-Orient, alors là, je les perds presque tous.

Et parmi ces élèves, il y a Baboune. Il s'agit d'un code 33, ce qui signifie qu'il souffre d'un handicap physique. Son handicap ressemble à une dystrophie (ou distrophie??? il est tard et je suis un peu paresseux...) et l'embête surtout quand c'est le temps de courir ou d'écrire longtemps. D'ailleurs, si je me fies à l'ensemble du groupe, je crois que j'ai plusieurs code 33 lorsque vient le temps d'écrire longtemps!

Toujours est-il que Baboune possède un handicap, non-répertorié, qui l'isolera peut-être encore plus que sa dystrofie (ou distrofie?). Son esprit est aussi fermé que la remise de Marie, cette voisine de 68 ans qui semble obsédé par le vol dans les remises d'un coin tranquille de Montréal. C'est connu, les voleurs iront tout de go vers une remise qu'ils ne peuvent pas voir de la rue, qui est situé à l'intérieur d'une cour clôturée, avec des portes patio à la dizaine comme voisins arrières. Mais c'est une autre histoire...

Donc, Baboune écoute depuis un certain moment ma leçon d'histoire sur le Québec des années 60 et 70 et toutes ses grandes réalisations (Expo, Manic 5, etc.) avec, vous l'aurez deviné, sa baboune. Avant même l'incident qui va suivre, je tiens à vous préciser que plusieurs jugements de sa part avaient déjà construit une image, disons-le, assez difficile à accepter pour un esprit aussi ouvert que le mien. Je vous livre tout de suite quelques-unes de ses critiques:


Sur "La Vita è Bella", que j'avais présenté pour montrer aux élèves l'impact des camps de concentration: "Pas mon genre de film, il manquait d'action!"




Sur l'opéra, que j'essaie d'apprivoiser en même temps qu'eux: "C'est plate, moé, j'aime juste le hip-hop!"




Sur Terry Fox, lors d'une discussion sur la persévérance: "C'est con, traverser le Canada à pied!" Manuterge, celle-là, j'pensais pourtant qu'il l'aurait pogné!




Donc, vous voyez un peu le portrait. Peu importe ce que je lui propose, aussitôt que mon univers s'éloigne du sien, non seulement l'intérêt se perd mais en plus, il se permet d'expliquer à toute la classe, à l'aide de ses arguments-chocs, le pourquoi de cette perte d'intérêt.




Juste avant de partir pour les vacances de Noël, j'ai pété les plombs, mais sérieusement pété les plombs. D'autant que je sache, jamais les plombs n'ont été pétés à ce point. Ouais, les plombs ne seront jamais plus les mêmes...




Pour me montrer qu'elle avait bien compris ce que je tentais d'illustrer en expliquant que des chantiers comme ceux de la révolution tranquille, il n'y en avait plus beaucoup au Québec de nos jours, Élève Blonde Parfaite (EBP, pour les intimes), me donne comme exemple l'avortement du projet de déménagement du Casino de Montréal. Bonne réflexion, qui m'ammène sur le chemin du Cirque du Soleil et du success story de Guy Laliberté. Bla, bla, bla... Et je découvre que plusieurs de mes élèves ne connaissent même pas le Cirque du Soleil!




Je sors mon portable, et leur fait écouter la chanson-titre du spectacle Allegria, pour leur faire sentir un peu l'atmosphère de leur création. Après coup, je leur demande leurs commentaires. EBP lève la main.




-Oui, EBP




-Baboune n'arrêtait pas de rire tout le long de la chanson.




-Oui, je sais. Ce n'était pas son truc, j'imagine.




Visage Pâle lève moyennement haute sa main moyenne.




-Toi, Visage Pâle, tu as aimé?




-Oui, moyennement, mais j'ai eu de la misère à me concentrer sur la chanson. Baboune me dérangeait.




-Comment ça, Baboune te dérangeait?




-Il riait.




-Je sais, je l'ai vu. Qu'est-ce que tu veux? Ce n'était pas du hip-hop!




Je suis là à essayer d'avoir leur avis, à espérer des commentaires pertinents, positifs ou négatifs sur la chanson et eux, ils continuent à me ramener vers Baboune, qui rit d'ailleurs de la situation directement en face de moi. Mes oreilles deviennent de plus en plus rouges et quand les oreilles rougissent, la souffle devient court et la patate se fait aller. Ma vigileance faiblit et je sens la colère monter en moi doucement, méthodiquementcomme seules les grandes colères savent le faire. Je lui demande ce qui le fait tant rire.




-Ben, c'est sa voix. Elle chante comme un gars.




-C'est vrai qu'elle a une voix rauque, mais as-tu aimé?




-Non, j'aime pas ça quand ça chante.




-Tu n'aimes pas ça quand ça chante? Je comprends pas...




-J'aime ça quand ça chante en rap!




-Tu veux dire, tu aimes ça quand ça parle?




-...




-Mais la musique, ça t'as-tu donné des images dans ta tête? T'es-tu imaginé de la magie?




-(Rires) Non, juste une grosse fille qui chante comme un gars!




Et vlan, c'est là que ma tête a laissé la place à mon coeur blessé de Wannabe-DJ. Voici quelques courts extraits de mon discours sur le cas de Baboune dont je me souviens.




-Tu as un niveau de culture d'à peu près 10% d'un élève normal de sixième année.




-Tu vas être en plein le genre d'adultes à avoir des préjugés sur les noirs, sur les gais et les autres minorités.




-Tu seras le genre de personne qui sera tellement ennuyante plus tard, dès que la discussion va sortir de ton petit univers...




Aïe! Pas fort comme intervention. Pourquoi? Je crois que l'ouverture d'esprit et la curiosité sont des qualités essentielles pour moi. J'aime discuter, échanger, écouter, enseigner aux gens que je rencontre. Rien ne me fait plus plaisir que de faire la connaissance d'une personne qui évolue dans un milieu complètement différent du mien. Fais-moi écouter de la musique que je ne connais pas et je suis séduit. Fais-moi goûter à quelque chose de nouveau et je tombe en amour avec toi. Fais-moi... Je crois que vous avez compris le principe!




En même temps, je connais le nombre d'évènements qui peuvent survenir à l'intérieur d'une vie et qui peut nous changer à jamais. Ce n'est pas parce qu'il est une jeune Baboune qu'il deviendra une vieille Baboune.



Mais, malgré tous mes efforts, je ne serai pas CELUI qui aura fait la différence pour lui.




dimanche 20 janvier 2008

Comment se servir de ses enfants

Koala est à l'âge des certitudes. Deux ans, et elle est certaine qu'elle connaît l'ordre universelle des choses. On n'a plus rien à y apprendre mais on ne cessera jamais d'essayer, juste au cas où elle aurait un trou dans ses connaissances.

Lorsqu'elle est préoccupée par quelques questions tellement importantes pour elle, comme la raison pour laquelle sa soeur est passée devant elle pour se laver les mains ou encore les raisons entourant notre refus qu'elle écoute une huitième émission de "Toupie et Binou", il lui arrive d'avoir de la peine, beaucoup de peine. Surtout quand elle est frustrée, beaucoup frustrée. Et pour frustrer un petit Koala de deux ans, ça ne prend pas beaucoup d'imagination.

Lorsqu'elle est ainsi, j'ai un truc infaillible qui fonctionne depuis près de six mois. Je l'ammène devant la fenêtre et nous cherchons les écureuils, les oiseaux ou tout autre être vivant autour de la maison. Lorsqu'ils sont là, elle les regarde mais je n'ai pas de plaisir. C'est quand ils ne s'y trouvent pas que ça devient intéressant.

-Koala, ils sont où les écureuils?
-Sont dans leurs maisons.
-Elle est où leur maison? Dans un arbre?
-Non, dans l'auto à Marie (la voisine de 68 ans qui s'est acheté une Swift jaune fluo).
-Qu'est-ce qu'ils font dans l'auto de Marie?
-Ils font dodo!

Quelques jours après Noël, j'ai le même genre de discussion avec elle.

-Papa, y'est où Père Noël?
-Il est dans sa maison.
-Pôle Nord?
-Oui. Qu'est-ce qu'il fait?
-Y fait dodo!

Pour mon Koala, la vie n'est pas compliquée. Lorsqu'on est devant elle, on mange, on court, on rit, on danse, etc. Lorsqu'on est absent, on fait dodo.

Cette semaine, mon groupe a été passif au possible. Je ne sais pas ce qu'il y avait dans l'air mais les profs était brûlés et les élèves aussi. J'enseignais la multiplication de nombres décimaux et je me sentais comme ce groupe de heavy metal qui passait juste après Marie-Martine dans un festival cet été. Vous auriez dû les voir, se démenant sur scène devant environ dix personnes alors que la foule de 400 enfants traînaient en ligne pour avoir l'othographe de leur idole. Anyway, donc, c'est à des yeux absents, à des têtes tournées vers leur bureau et trois ou quatre paires de yeux attentifs que j'essayais de toutes mes forces d'enseigner cette semaine. Je pourrais ajouter que j'avais plus le goût d'en saigner que d'enseigner mais il y a une limite à ne pas franchir.

Vendredi, au souper, comme à tous les soupers, Blondinette amorce la discussion.

-Loutre, qu'est-ce que tu as fait à la garderie?, demanda Blondinette.
-Koala d'abord! lui répond Loutre (un classique...).
-O.K., Koala, qu'est-ce que tu as fait à la garderie?
-Lu histoires.
-Elles parlaient de quoi, tes histoires? demanda Blondinette.
-...
-Bon, Loutre, qu'est-ce que tu as fait à la garderie?
-Attends, je termine ma bouchée! répondit Loutre avant de prendre une grande bouchée.
-O.K., En Saignant, qu'est-ce que tu as fait aujourd'hui à l'école?
-Pas grands choses! dis-je de ma voix enjouée du vendredi soir.
-Et tes élèves, comment ils étaient? insista Blondinette, qui commençait franchement à se sentir seule.
-Mes élèves? Qu'est-ce qu'ils font mes élèves, Koala?
-Y font dodo!
-Voilà!

Blondinette m'a regardé avec des yeux douteux. Elle pensait sûrement que j'essayais de me sortir de la discussion. Mais, ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants?

mercredi 16 janvier 2008

L'Inconnu

Je ne saurais dire quand il avait arrêté de parler. En tout cas, c'était avant que je naisse. Peut-être était-ce quand il avait été envoyé au "marais". Cet endroit, situé au beau milieu d'un bassin noséabond était réservé aux derniers-nés des familles nombreuses. On envoyait là que les crapauds. Les rainettes, même si elles demandaient autant d'énergie, devaient apprendre le métier de femme au foyer. Et pour un métier si compliqué, des années à observer sa mère torcher les petits et le grand, ce n'était pas de trop. Ouais, mais un crapaud dans une maison, ça pleure. Surtout quand il vient de quitter son nénuphar chéri. Mais il est jeune et c'est un mâle, il comprendra.

Là-bas, son travail principal était celui de videur de pot. Vous avez déjà deviné de quoi il s'agissait, j'en suis certain. Le vieux maître du "marais" avait quelques difficultés à se déplacer. Or, comment asservir un petit peuple si on ne peut aller vers lui. On le fera vider la pisse chaude de la nuit au petit matin, sans même un merci.

Je connais cette histoire parce qu'il en a parlé à Blondinette une fois, alors que j'étais parti faire la promenade avec Maman. C'est sorti comme un rot. Ça venait des tripes et l'esthétique n'était pas importante. Dans le fond, il lui a peut-être raconté pour qu'elle l'embelisse pour les oreilles de son fils, un peu comme quelqu'un qui voudrait qu'on copie une lettre pour lui.

Si ce n'est pas là que le son de sa voix s'est envolé pour toujours, c'est peut-être dès son retour chez lui, à cinq ans. Aussitôt rentré, sa mère, qui était parfois venue le voir, lui présenta un homme maigre, le dos fourchu et les yeux perçants.

-Tiens, En Saignant Sr., c'est ton père.

Il fit un sourire à l'Inconnu. Son regard devait être par terre, comme il l'a été dans la partie de sa vie où je l'ai connu. L'Inconnu ne doit pas s'être seulement retourné. C'est qu'il n'était pas paternel, l'Inconnu. Enfin, par envers ses enfants. Quatre garçons, deux filles, ça coûtait beaucoup d'argent à faire vivre. Et l'argent, c'était sa maîtresse. Les hommes, ça partage leur amour, leur maison, leurs vacances mais jamais leurs maîtresses. C'est une question de territoire.

Peut-être ne s'est-il pas arrêté de parler à ce moment-là. Peut-être qu'il a simplement suivi l'exemple de l'Inconnue. C'était une femme grasse, toujours assise sur la même chaise berçante, à se bercer d'un rythme lent, le seul que pouvait supporter son vieux dos. Elle avait toujours le sourire aux lèvres. Un sourire qui parlait quelquefois, lorsqu'elle l'accompagnait d'un regard. Un sourire qui aurait crié, qui aurait pleuré, qui aurait joui s'il était apparu dans une autre maison. Mais dans cette maison, les émotions autre que la colère étaient interdites. Parce qu'elles se contrôlent moins bien. "Mourir de rire? Jamais..." Dans cette maison, on était morts avant même d'être nés.

Peut-être s'est-il arrêté de parler à ma naissance. Avoir une fille, ça allait. C'était de l'inconnu. Mais un garçon, c'était l'Inconnu. M'a t'il déjà embrassé? Je ne parle pas des becs obligés avant la nuit ou bien le jour de son anniversaire. Je parle des baisers gratuits, ceux qui se méritent par le seul fait de respirer. Je ne m'en souviens plus.

Le dernier acte de sa vie a commencé il y a trois ans et demi. Le grand C était dans son corps.

-Normal, lui dit le docteur, vous avez travaillé 35 ans dans une usine.

Normal? C'est bizarre, ça n'a jamais été écrit dans la convention collective.

Le grand C a commencé en bas et a remonté rapidement, n'offrant aucun espoir à son hôte. Un massacre qui aura duré six mois.

J'aimerais vous dire qu'il s'est battu avec rage. Qu'il a crié des insultes à son grand C. Qu'il lui a craché au visage en lui annonçant que jamais il ne serait de taille à le battre. J'aimerais vous dire que c'était celà mon père et bien plus. Qu'il m'a laissé l'image d'un homme courageux, un battant qui a livré le combat de sa vie, un soldat tombé à la guerre.................

Non, ce n'était pas celà mon père. Je vous ai dit qu'il ne parlait pas mais je vous ai menti. J'étais peut-être le seul à le comprendre. C'est que pour le comprendre, il fallait regarder au bon endroit. Il parlait avec les yeux. De beaux yeux en amande, d'un bleu pur et naïf. Des yeux qui même fâchés, savaient vous attendrir l'âme de jeune garçon qui avait fait un mauvais coup. Des yeux qui vous disaient alors:

-J'suis fâché mais j'oublierai...

On s'est beaucoup parlé durant ces longs mois. Tous les matins à l'hôpital avant que ma mère vienne me remplacer. Le silence régnait, souvent pesant alors qu'il ne voulait pas se lever de son lit pour aller marcher. Ce n'est que dans un silence partagé qu'on peut se rendre compte qu'on est loin de quelqu'un. Parfois, par un hasard, nos yeux se croisaient et se dépêchaient de se parler avant que la pesanteur du regard gâche tout.

-Merci d'être là, disaient les siens.
-C'est correct, disaient les miens.
-Tu crois qu'il y a encore une chance?
-Non, mais fais plaisir à Maman et fais semblant...
-J'suis pas capable. J'suis pu capable.
-C'est correct, j'lui expliquerai, mais tout doucement.
-Merci d'être là...

La même journée, il m'a demandé de le raser car l'infirmier n'était pas passé ni hier, ni aujourd'hui. J'ai accepté avant même d'avoir le temps de dire non. Un vieux réflexe d'accompagnateur que j'avais développé.

Et là, j'ai touché ses joues, son menton, son front. Sa peau était rude et flasque. Je me suis rendu compte que je touchais l'Inconnu à mon tour. Au coin de sa bouche, il m'a demandé de faire attention et j'ai fait attention. Une proximité qui fait mal. Et ses yeux qui me parlaient.

-Merci.
-C'est correct.
-Vas-tu demander celà à ta Loutre un jour?
-Seulement si elle a l'habitude de me toucher.
-Pourquoi?
-Parce que...

Il est mort un vingt-trois décembre, seul avec maman. Je venais de passer cinq jours à ses côtés après avoir parcouru plus de cent kilomètres pour suivre l'ambulance qui l'amenait de la maison, de sa maison, à l'hôpital. C'était au fils à faire celà. Si ça prend la douceur d'une femme pour nous montrer comment entrer dans la vie, ça prend la dureté d'un homme pour nous montrer comment en sortir.

Trois ans ont passé. Trois ans de colère pour les mots non-dits, pour les poignées de main froides alors que je voulais le toucher, pour les envies de silence alors que j'aurais eu tellement de choses à lui dire, pour ne pas m'avoir montré comment construire, comment garder la tête haute, comment faire des conneries, mais seulement les belles, comment devenir un homme et surtout, le rester jusqu'à la fin, comment devenir un père et le rester toute sa vie.

J'ai dit plus haut que la colère était plus confortable que les pleurs, surtout lorsqu'on la choisit. Elle est sous notre contrôle et en plus, elle fait pitié à entendre pour les oreilles choisies. Mais voilà qu'elle s'en va aujourd'hui et laisse toute la place à une réconciliation.

Ouais, explorer l'Inconnu et chercher les raisons de son silence. Et surtout, accepter que les yeux parlent parfois plus fort que la bouche.

Si vous avez lu jusque là, bravo. Mais il y a quelque chose qui me dit que ce billet-là, il n'était pas pour vous. Sans rancune?

dimanche 13 janvier 2008

Le sexe fort

Je dors comme je dors toujours en après-midi: sommeil léger, rêves courts et fréquents, réveils aux dix minutes. Au loin, à travers la brume, un son vient à mes oreilles:

-iiiiiisssssssssss, iiiiiiinnnnnnn.

Je me rendors.

***
Chaque classe possède sa personnalité. Et il n'y en a pas deux pareilles. J'ai eu des classes d'artistes, de p'tits bums et p'tites bumettes et des classes tranquilles. J'ai même eu une classe que j'appelais "la classe des gentils". Rien de mesquin ne semblait leur traverser l'esprit. C'est comme si le soleil régnait en permanence dans mon local. L'an passé, c'était une classe adolescente. Drogue, nudité sur internet, name it. Douze ans et ils avaient plus de vécu que moi, ce qui n'est pourtant pas une mince affaire...
***
Je me rendors peut-être une seconde ou deux, le son se précise:
-ppppppppppiiiiiiiiiiiissssssssssssssssss eeeeeeeeeeeennnnnnnnnnnnn mmmmmmmmmmmaa vvvvvvvvvinnnnnnnnnnnnnnnnnn.
Je remarque que la voix va et vient, au son de petits boum, boum, boum et je me rendors.
***
Cette année, j'ai une classe à l'atmosphère bien spéciale, peut-être la plus bizarre de ma carrière. Mais d'abord, un petit principe que j'ai toujours appliqué face à mes élèves. Chacun a sa place dans ma classe et est libre de participer comme il le désire à en créer la personnalité. Il y a les clowns (qui doivent apprendre quand "clowner"), il y a les défenseurs de la veuve et l'orphelin, les brillants, les élèves moyens (on en a déjà parlé de ceux-là), etc. Ce n'est pas vrai qu'une journée de 300 minutes se divise également entre le nombre d'étudiants mais je m'assure que chacun aura sa part.
***
Encore ce bruit. Je remarque deux paires de pieds qui martelent le plancher. L'une doit appartenir à Loutre et l'autre à Koala. Oui, elles courent ensemble. Cette fois-ci, c'est Koala que j'entends crier:
-Pénis en vagin!
Hein? Je sais qu'elle connaît ces mots mais bon, ça surprend toujours un peu en plein après-midi.
***
Donc, cette année, il y a un groupe de filles dont les parents sont d'origine africaine. Six belles grandes noires avec des rallonges de cheveux de toutes les couleurs. Avec leurs beaux sourires, elles sont comme un arc-en-ciel lorsqu'elles s'asseoient les unes à côté des autres. En plus, elles possèdent des talents dans toutes les sphères: artistiques, scolaires, sociales, etc. Surtout, elles possèdent beaucoup, mais vraiment beaucoup d'aptitudes sportives. Un groupe d'athlètes comme on en voit rarement dans un même niveau.
Elles prennent beaucoup de place dans ma classe. Mes garçons les regardent avec méfiance, pas parce qu'elles sont noires mais parce qu'ils ne peuvent se prouver auprès d'eux d'aucune façon. Pas moyen pour eux de jouer les machos, ils vont se faire bousculer. Pas moyen de jouer la carte de la séduction, elles ne sont pas intéressées. Même pas moyen de les battre au ballon chinois, ils se font défoncer.
***
Je suis maintenant réveillé et j'attends le prochain passage de la fanfare pour être bien sûr de ce que j'ai compris. Les voilà.
-J'ai un pénis dans le vagin! crie la Loutre.
-Pénis en un vahin! répète du mieux qu'elle peut Koala.
***
Qu'est-ce qu'ils font mes gars? Et bien, ils se réfugient entre eux. Et des gars ensemble, devinez ce que ça fait? Des niaiseries. Même moi, vous devriez me voir lors de ma soirée de poker mensuelle. Ce n'est pas compliqué, l'atmosphère de ma classe se résume ainsi: élève xx se lève en classe lorsque je demande un exemple tiré de leur vécu dans le cour de morale, il donne un exemple juste assez grasse pour faire rire ses amis et mes filles le regardent, les yeux au ciel et font suivre celà d'un sourire en se regardant, quand ce n'est pas l'éclat de rire tout simplement.
***
Je me lève et demande des explications à Blondinette, le sourire aux lèvres et les yeux collés.
-Ta fille a découvert son clitoris et elle pense que c'est un pénis, me répond-elle.
-OK, je comprends.
Je comprends??? Je ne suis pas prude pour un sous. Je suis même pour que mes enfants utilisent les vrais termes plutôt qu'entendre parler de zizis et de zouzounes... Mais clitoris? Est-ce nécessaire, quand on sait que plusieurs femmes nées au début du XXe siècle ont découvert le leur au début de la révolution tranquille? J'en parle à Blondinette.
-Aimes-tu mieux qu'elle dise à tout le monde qu'elle a un pénis dans le vagin? fut sa seule réponse, mais quelle réponse!
-Ouais, tant qu'à ça! répondis-je.
Que voulez-vous? J'écris plus que je parle, surtout en me réveillant.
***
Ouais. Qu'est-ce que je fais de mes gars. Plus ça va, plus ils s'enfoncent dans leur univers. Je garde espoir que les hormones et leurs désirs de plaire aux filles les feront évoluer bientôt. Leur donneront le goût d'impressionner mes têtes fortes. En attendant, ils m'entendront leur dire, parfois même leur crier de se calmer. Et ils continueront de voir des yeux en l'air et d'entendre des rires moqueurs à peine camouflés.
Il y a des fois où, lorsqu'ils voient ces grandes filles être plus drôles qu'eux, prendre plus de place qu'eux à l'école et surtout, lorsqu'ils "mangent une garnotte" en plein cour d'éduc., ils doivent se dire intérieurement:
-Ces filles, ont-elles un pénis dans le vagin?

jeudi 10 janvier 2008

Gris foncé

mardi, 8 janvier 2008

FICTION
Il fait gris ce matin mais dans mon coeur, il fait soleil. Je retrouve ce matin mes élèves qui reviendront sûrement regaillardis par deux semaines de plein air et de rires en famille.
Je stationne mon auto et mon poulx s'accélère. J'ai tellement hâte de raconter à mes collègues ce que j'ai fait dans le Temps des Fêtes. Ces rires qui m'ont habités méritent d'être racontés, partagés.
J'embrasse les petites comme les grandes profs, leur rappelant entre deux souhaits de bonnes années comme je les apprécie avec leurs bons et leurs moins bons côtés.
À la cloche, je marche le plus vite que je peux. Si j'avais le droit de courir, c'est ce que je ferais, afin de pouvoir profiter d'eux ne serait-ce que cinq minutes de plus cette année.
Aussitôt qu'ils me voient, ils prennent leur rang en silence et je lis dans leurs yeux que je leur ai manqué. Certains s'empêchent d'essuyer les larmes qui se pointent au coin de leurs yeux. Moi-même, j'ai de la difficulté à croire que ce moment est enfin arrivé.
Nous montons en classe et aussitôt, nous nous mettons à nous raconter nos vacances.
-J'ai été chez mon père et il m'a ammené au musée!
-Le 2 janvier, j'ai été à l'Accueil Bonneau servir des repas et j'ai réalisé à quel point j'étais chanceuse de ce que j'avais dans ma vie!
-Ma mère m'a amené au théâtre...
Et à ce moment-là, je comprends toute la chance que j'ai d'enseigner à un groupe aussi vivant et que tout se passera pour le mieux pour le dernier droit.
RÉALITÉ
Il fait gris ce matin, tout à l'image de mon petit coeur. J'ai trop consommé de Loutre, de Koala et de Blondinette durant les vacances et j'ai d'la misère à dégriser. Je retrouve ce matin mes élèves et je me demande comment ils seront. Fatigués, maganés, écorchés? Sont-ils seulement sortis dehors? Ont-ils soupé au moins une fois avec leurs parents?
Je stationne mon auto en échappant un long soupir. Dans ce soupir, il y a des tiraillages, une partie de cache-cache et des calins à profusion qui s'envolent dans l'air froid. Je n'ai pas le goût de revoir mes collègues. Je monterais dans ma classe directement, sans un mot mais je ne me donne pas le droit. Je n'ai pas envie de leur raconter mon Temps des Fêtes. Leurs réactions lorsque je leur raconterais mes flashs de bonheur me décevraient à coup sûr. M'écoutant d'une oreille, regardant dans une autre direction et s'échappant dès qu'une personne nouvelle entre dans la cuisine. Certaines choses sont tellement belles qu'on les garde pour soi.
Je n'embrasse personne, me contentant d'un "Bonne Année!" lâché bien fort. Ça compte, non? Je serai capable de me concentrer sur leurs bon côtés pendant un bout en tentant d'oublier leurs mauvais.
La cloche sonne dans l'école et résonne en moi. Je me dirige d'un pas lent, me décourageant du peu de motivation que je démontre après une si longue pause, tentant de retarder le moment. Ce n'est pas que je ne les aime pas, je les aime... c'est que j'en aime trop trois autres...
J'arrive devant le rang et ils me voient à peine. Je lis dans leurs yeux qu'ils auraient eux aussi prolongé leurs vacances. Cela nous permet un petit haussement de sourcils qui ressemble à une entente mutuelle. Ça nous fait du bien.
Nous montons en classe et, après avoir calmé les troupes qui ne se sont pas vus depuis deux semaines (c'est long à raconter, deux semaines...), je leur demande ce qu'ils ont fait durant leurs vacances.
Sur vingt-trois élèves, dix répondront. Les autres resteront dans leur silence. Un silence que mon coeur peuple des pires évènements mais que ma tête rationnalise. Peut-être que la tristesse se pleure plus qu'elle ne se raconte. Et pleurer pour un grand de onze ou douze ans, c'est génant en plus d'être douloureux. Les hormones qui sortent par les yeux, ça ne passe pas facilement.
CONCLUSION
Voilà! Je sais que vous aurez le goût de m'écrire de ne pas m'en faire. Que la fiction est souvent idyllique et je le comprends bien. Et je ne m'en fais pas. Les être humains, grands et petits jouent dans les teintes de gris plus souvent que dans le blanc et le noir, surtout dans le domaine des émotions.
Mais j'aime mieux le gris pâle que le gris foncé.

lundi 7 janvier 2008

Comme au cinéma

Un petit exercice intéressant, auquel vous pourrez vous amuser quand vous aurez le temps. S'imaginer quelques synopsis de film et les adapter à la réalité scolaire (ou au fantasme scolaire, selon le cas!). Un peu de légèreté en ce début d'année...

Forrest Gump: Un enseignant, un peu simple d'esprit, se met à courir dans la cour d'école un matin, en plein milieu d'une surveillance, franchit la porte de la cour, arrive au coin de la rue avec la ferme intention de traverser le Canada d'un océan à l'autre avant de s'apercevoir qu'il n'a pas planifié sa troisième étape et rentre au bercail, l'air penaud sous les rires moqueurs des élèves et les hochements de tête désaprobateurs de ses collègues.

Groundhog Day: Un enseignant revit toujours la même journée, un vendredi, 22 décembre, sans période de spécialiste avec surveillances à toutes les entrées, sorties et récréations, à répétition... Après s'être rendu compte du manège, au lieu d'en profiter pour faire tout ce à quoi vous pensez, il essaie de faire rentrer 180 jours d'apprentissage dans cinq heures afin que les enfants ne manquent de rien. Finalement, il réussit mais est déçu car il n'a pas eu le temps de faire de portfolio.

I am Legend: Un enseignant entre dans son école mais il n'y a pas de secrétaire, pas de directeur, pas de concierge et surtout, pas d'élève. Il pense durant un cour instant qu'il est le dernier prof vivant sur terre. Après avoir cherché durant quelques heures un chien, un chat ou un raton-laveur pour lui tenir compagnie dans cette école au décor post-apocalyptique, il se rend compte qu'il avait oublié la Fête de Dollard. Au lieu de rentrer chez lui, il entre au secrétariat et accapare la "plastifieuse", le sourire accroché aux lèvres, un rire un peu troublant sortant de sa bouche.

Back to the Future: Un jeune enseignant entre en relation avec un collègue d'expérience qui, pendant les récréations, les pauses du midi, les quelques minutes avant la cloche du matin, du midi, après l'école et durant toutes leurs libérations ensemble, lui dit: "En tout cas, quand j'ai commencé à enseigner, les élèves y .... les parents y ...". L'enseignant, après quelques mois de ce manège, demande à son grand d'aller allumer le four à bois au fond de la classe et s'excite en se faisant frotter le cou par le concierge de son école pendant que deux écureuils coppulent devant eux.

Aliens: Un enseignant, avec son groupe d'élève le suivant dans un rang impeccable, s'arrête soudainement dans le corridor. Un bruit inquiétant venant du plafond suspendu, il se dépêche à prendre les présences afin de s'assurer que tous ses élèves sont là. Ils attendent, les yeux rivés au plafond. Le bruit se rapproche de plus en plus, les élèves se ressèrent autour de leur héro, puis soudainement arrive le concierge à l'autre bout du corridor annonçant: "Fais-toi en pas avec le bruit, j'viens d'saigner le chauffage!".

La Vita è Bella: Un groupe d'enseignants sont ammenés de force dans un perfectionnement sur le nouveau cour d'éthique religieuse avec prise de présence. Les gens du réseau sont partout et les surveillent. Pour survivre, ils s'inventent des jeux, font des concours de pets (des profs, ça pète???), s'écrivent des messages, se racontent leurs fins de semaine, etc. Le lendemain, pendant qu'ils enseignent les additions de fractions avec dénominateurs différents, ils se plaignent que leurs élèves s'inventent des jeux, font des concours de pets, s'écrivent des messages, se racontent leurs fins de semaine, etc.

The Exorcist: Un directeur d'établissement scolaire découvre qu'un de ses enseignants est possédé par un groupe de démons qui se fait appeller "L'Alliance". Avec l'aide de ses collègues du réseau ouest, il réussit à faire sortir la Bête de lui en l'obligeant à écouter la lecture du projet éducatif de l'école, du plan de réussite ainsi que des politiques locales d'évaluation. L'enseignant terminera sa carrière au 3737, en bon petit soldat exempt de toute malice syndicale.

Bientôt dans une école près de chez vous! Bon cinéma!