lundi 29 mars 2010

mercredi 10 mars 2010

Sauter et atterrir au bon endroit

Nous sommes en 1992. Je suis assis sur le rebord de la fenêtre de ma minuscule chambre située au seizième étage des résidences de l'U. de M. Je regarde en bas et ma tête tourne...

Vous souvenez-vous de votre jeunesse? Large comme question? O.K., rétrécissons la période un petit peu... Vous souvenez-vous de votre adolescence? Disons, le secondaire?

L'apparition de l'amour dans votre petit coeur pour quelqu'un n'appartenant pas à votre famille, l'impression que votre vie débute avec son arrivée et se termine avec son départ, les frissons, les fou-rires avec les amis dans les vestiaires après les cours de gym, la première cigarette, le premier verre, ressorti quelques heures après avoir été ingurgité, les pactes de sang, à la vie, à la mort, les réussites, parfois, les échecs, souvent, les parties de football, de hockey, de volleyball, les trahisons...

Vous me voyez venir, n'est-ce pas? Vous imaginez sûrement que s'en suivra un récit de mon adolescence et de mes nombreuses conquêtes amoureuses. Ou encore un texte humoristique sur le lien entre l'apparition de l'acné juvénile et la passion pour les films d'horreurs. Nan...

En regardant mon bulletin il n'y a pas si longtemps, je me suis aperçu qu'en secondaire II, ma moyenne générale avait chuté de 30 points entre la première et la troisième étape pour ne plus jamais remonter plus haut que la ligne d'horizon. Ça m'a intrigué. J'ai questionné ma mère mais n'ai pas obtenu de réponses.

Je me suis aussitôt aperçu que mes souvenirs étaient, comment dire, rares et espacés. Certes, le premier décolleté d'Annie R. en secondaire un me marque encore, ainsi que les railleries d'un groupe de secondaire V qui avaient vu chez la tuque de ce petit cul à frickles l'opportunité de provoquer une bonne rigolade me reviennent à l'esprit sans trop d'efforts mais c'est à peu près tout. Un grand trou noir pas d'étoiles.

J'ai longtemps cherché la cause de cela, m'imaginant un drame gigantesque qui aurait créé un écran dans ma mémoire, bloquant le bon comme le mauvais. Ce n'était pas le cas. Enfin, je ne crois pas.

Je crois que la responsable de cette amnésie est la même qui a rendu compliquée une bonne partie de ma vie. Cette maudite sensibilité.

Si on place notre main sur quelque chose de brûlant, notre corps commandera à notre main de s'enlever de là au plus cr... Si j'enveloppe de ma main votre bouche et votre nez et que vous ne pouvez plus respirer, votre corps se battra avec une énergie que vous ne lui connaissiez pas pour survivre. Autant de réflexes que de menaces.

Qu'arrive-t-il si ça fait mal en-dedans, tout le temps? Si les actions, comme les souvenirs, provoquent une souffrance si grande que vous avez l'impression que vos organes veulent exploser? Que fera votre corps alors?

Black-out.

Heureusement, il y a la sérénité, enfin, un semblant de sérénité qui arrive un jour. On vit une grosse peine, on n'en meurt pas et on comprend que jamais on n'en mourra. Puis, on s'endurçit sans permettre à notre coeur de s'arrêter. On aime moins mais on survit. On se passionne moins mais on est encore là.

...d'un geste brusque, je saute... dans ma chambre. Peur de moi. Et alors que j'écoute ma Loutre me raconter sa journée à l'école où elle m'avoue, entre deux histoires naïves de petits gars, que son amie lui a fait de la peine et que ça lui a fait mal à son petit coeur, son précieux coeur, je suis content d'avoir fait le bon choix.

mardi 9 mars 2010

Une journée dans la vie d'Ensaignant: 12h45

De retour du diner, qui fut en réalité une causerie car nous avions un C.P.E.P.E. élargi. Qu'est-ce qu'un C.P.E.P.E.? Une organisme de consultation des enseignants qui a comme mission de donner une illusion de pouvoir décisionnel au zoo. Un C.P.E.P.E. élargi, c'est la même chose sauf qu'on agrandit le zoo. Et qui dit zoo élargi dit discussions qui partent à gauche et à droite, élargissant le sujet de discussion jusqu'à en faire un ramasse-tout. Parfois comme une petite compétition à savoir qui en connaît le plus. Une plage où déverser des tsunamis de savoir qui nous rend si "meilleur". Amusant, mais non productif.

Parlant de productivité, seriez-vous surpris d'apprendre que mes premiers élèves qui ont terminé leur évaluation sont ceux qui se situent dans le dernier échelon quant aux résultats en mathématiques? Mes plus performants, les cons, révisent.

Plus que vingt-cinq minutes avant le début du cours d'éducation physique. On essaie quelque chose de nouveau cette semaine: mélanger les élèves en trouble de comportement et les élèves dits "du régulier". Et ça, plus que tout dans notre école point de service, ça me plaît.

C'est comme si tous les enfants, l'instant d'un 60 minutes, étaient égaux. C'tu pas beau, ça?

Une journée dans la vie d'Ensaignant: 10h54

Je les regarde, s'étirant, le regard fuyant pour plusieurs. Ils sont assis physiquement devant leur test mais sont rêveurs. J'aimerais penser qu'ils s'imaginent dans un champs, jouant au baseball avec leur cousin ou sous le balcon du chalet, bécôtant une charmante.

Et là, je fuis mes souvenirs et reviens à la réalité. Ils rêvent sûrement à leur console vidéo...

À plus tard...

Une journée dans la vie d'Ensaignant: 9h20

Ce matin au menu, évaluation de mathématiques. Sur tout ce qu'on a vu depuis le début de l'année scolaire. Notes à remettre vendredi, échéance que je réussirai sûrement à reporter à lundi, moyennant un café à notre secrétaire chérie.

Je viens de terminer une courte révision à l'oral du contenu de l'examen. La plupart des élèves m'écoute mais il existe encore quelques gaulois qui voient dans leur passivité un geste courageux et bravant face au terrible système scolaire. Je suis intervenu auprès d'une qui avait l'esprit ailleurs mais je laisse tomber pour les autres.

Je pense sérieusement me déguiser en Pokémon l'an prochain. Un gros ostie de Pokémon vert qui possède comme pouvoir de pénétrer l'inconscient de ses élèves et d'y semer les connaissances!

À plus tard...

Une journée dans la vie d'Ensaignant: 8h19

Ils viennent de se taire, cinq minutes après être entrés dans mon local. Ils attendent que je commence ma journée et sont intrigués de me voir taper les touches de mon ordi sans les regarder. Si je les regarde, ils s'attendront à des mots et je n'en ai pas encore envie.

Ils sont deux à m'en vouloir en ce moment. Ma congolaise, une grande noire qui était absente hier à cause de fatigue, sûrement pour se remettre de sa semaine de relâche, mais qui est arrivée la tête toute tressée. À défaut de stress... Tout allait bien avec elle jusqu'à mon retour de mon congé de paternité. Maintenant, ses yeux sont noirs lorsqu'elle me regarde et son sourire est resté en vacances.

Puis, il y a Pinochio, un rouquin qui prend un vilain plaisir à répliquer d'un soupir à toutes mes interventions. Je l'ai averti hier que ces fausses impressions de ne pas être dérangé par quoi que ce soit me donnaient envie de sévir plus fort mais il est trop fier pour me donner la satisfaction d'avoir compris.

On se reparle tantôt, je dois commencer...