mercredi 11 juin 2008

Pétage de coche

Pensez-vous que je pourrais me permettre, ne serait-ce qu’une fois, de péter ma coche ici? J’essaie de faire de ce blogue un endroit souvent drôle, parfois émouvant mais toujours distrayant pour vous. Mais là, j’en ai plein mon c…

C’est que voyez-vous, ça fait douze ans que j’enseigne et que j’observe le même comportement chez des enseignants, certains étant dans le métier depuis plusieurs années, et je ne suis plus capable d’en prendre. Le constant que j’en ai fait est pourtant tout simple, certains sont des cannibales. Leur bouffe? Les enfants ou plutôt la confiance en soi de ceux-ci.

Il m’arrive de crier, pas souvent mais il m’arrive de le faire. Le pire, c’est que bien souvent, ce n’est même pas leur faute. J’ai eu une mauvaise nuit ou tout simplement, je préfèrerais être ailleurs ce matin-là. Alors, je perds patience à la moindre offense et mes réactions sont alors exagérées. Et les murs de la classe tremblent, je vous le jure. Mais après une dizaine de minutes, lorsque tout est redevenu calme, vous savez ce que je fais? Je m’explique avec mon groupe et surtout, leur dit la vérité lorsqu’elle est racontable et que j’en ai le goût. Sinon, je cite des « raisons personnelles » et prends le temps de leur dire que j’ai la peau sensible et qu’il vaudrait mieux faire attention l’un à l’autre. Et vous savez quoi? Ils font attention à moi, tout comme je fais attention à eux lorsqu’ils ne se sentent pas bien et qu’ils viennent m’en parler.
Loin de moi l’idée de me penser parfait, loin de là. Croyez-moi, il vous suffirait d’une seule journée dans ma classe et vous me trouveriez mille défauts, c’est certain. Et je ne demande pas la perfection à personne non plus. Ce qui se passe dans leurs classes, jusqu’à un certain point, je n’en ai rien à foutre.

Mais lorsque certains enseignants nous prennent pour complice dans leur destruction quotidienne, moments où ils rejettent toutes leurs frustrations de la journée sur les enfants à qui ils doivent enseigner, c’est assez! Vous voulez des exemples? Et bien en voilà quelques-unes :

-On sait bien, toi, tu ne fais jamais rien!
-En Saignant, voudrais-tu d’un gros bébé dans ta classe?
-En Saignant, attends avant de partir! Sais-tu ce que ton élève a fait? Il a …

Et tout ça, toujours en s’assurant d’avoir le plus d’oreilles possible, histoire de faire un effet bœuf, but qui sera atteint lorsque la victime regardera par terre, honteux.

Ces personnes n’ont aucune notion du respect qu’ils essaient d’inculquer aux enfants. Ils n’ont pas le temps de prendre l’élève à part pour lui parler, c’est certain. Certains trouvent le temps mais pas eux. Et sans le savoir, ils durcissent l’image de « looser » que l’élève a de lui-même, image qu’il s’assurera de perpétrer car c’est la seule que lui renvoie son miroir lorsqu’il prend le risque de se mirer dedans.

Heureusement, ils ne sont pas légion. Il y en a toujours un ou deux par école qui n’ont pas le temps, en un an, de faire trop de dégâts. Je me demande seulement comment ils font pour être heureux dans ce métier en agissant de la sorte 180 jours par année.

Excusez-la...

Vous, en avez-vous de cette race dans vos écoles?

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Être auprès d'enfants et en aussi grand nombre aussi fréquemment et aussi longtemps, avec de plus, des objectifs précis, une discipline à faire, etc. demande une patience infinie. On a jusqu'à un certain point raison, je trouve, de parler d'une vocation plus que d'une profession.

Je ne pourrais pas, moi. Alors, je n'y suis pas. Si je comprends bien, d'autres auraient dû s'abstenir.

Pédagogie, on étudie ça, non? Méthodes d'intervention, non?

Zed

Anonyme a dit…

Oui, tu as tout à fait raison: y en a qui l'on d'autres pas mal moins. J'ai été chanceuse cette année: mon fiston encore plus. Il a retrouvé son enseignante de 1ere année, pour sa dernière année du primaire. Il n'avait pas été diagnostiqué pour la Tourette à cette époque.

Sauf cette année, je n'ai eu à peu près aucun services pour mon fils: pas assez affecté pour en avoir, mais assez pour en baver pour apprendre.

Cette année scolaire, malgré une première partie pénible pour le fiston qui vivait des difficultés familiales importantes, a été géniale en majeure partie à cause de son enseignante.

Elle l'a pris sous son aile, l'a soutenu, l'a challengé, encouragé, lui a offert de l'aide aux devoirs, et mon fils a tellement évolué avec elle qu'elle l'a inscrit au Gala des Bourses Bonne Mine.

Elle lui a rendu un hommage très émouvant qui nous a rendus tout croches. J'ai fais un article d'ailleurs http://nickie.canalblog.com/archives/2008/06/11/9506878.html

Alors, des enseignants comme elle, ça nous réconcilie avec le monde de l'enseignement...

Une femme libre a dit…

Je ne suis pas d'accord avec le dernier paragraphe de cet excellent et courageux billet. Ils ont le temps, en un an, et même en un jour, de faire extrêmement de dégâts. Ils ont le temps de détruire des personnalités car ces enseignants lâches s'en prennent le plus souvent à des enfants vulnérables, ceux qui sont le plus facilement atteints, ceux qui sont déjà fragilisés, ceux qui ont peu de défenses. Un an avec un tel enseignant peut les achever.

Marie... a dit…

J'ai eu, au long de mon parcours scolaire, quelques enseignants de ce type. Il fallait avoir la carapace solide pour ne pas se faire atteindre par leurs remarques. Par contre, j'en ai eu plusieurs autres géniaux, dont un à qui je dois beaucoup. J'étais allée rencontrer cet enseignant de mathématiques en secondaire 3, car mes notes n'étaient pas à la hauteur de mes efforts et je ne comprenais pas pourquoi. Après avoir brièvement analysé mon cas, il m'a dit: "As-tu confiance en toi lorsque tu fais un examen?" Il avait mis le doigt sur le problème. J'ai travaillé là-dessus et mes notes ont considérablement augmenté. Le mental, c'est plus de 50% d'un examen et les professeurs qui sont capables d'apprendre aux élèves à avoir confiance en leurs moyens sont ceux qui, selon moi, ont réellement la "vocation". Bien sûr, ils ne réussiront pas avec tous, car certains cas sont plus lourds que d'autres, mais en évitant de taper sur la tête d'un élève ayant des troubles de comportement ou d'apprentissage, ils accomplissent déjà beaucoup.

Anonyme a dit…

C'est fou ce que je te comprends. Je suis à l'université en éducation et juste dans ma cohorte, je vois des futurs enseignants qui semblent déjà détester les enfants (et les ados) avec qui ils vont travailler. Je sais que je ne peux pas juger les styles d'enseignement des autres mais merde...quand ils réfèrent aux jeunes comme des «p'tits criss que je vais remettre à leur place en osti» avant même de partir en stage...ça me fait peur...

Mme Marie-Andrée a dit…

Moi, ce qui me tue ce sont les profs qui passent devant les enfants à la cafétéria, à la bibliothèque, dans l'escalier... Pour moi, mes élèves sont des petites personnes que j'aide à grandir encore plus. Ils ont tant besoin d'adultes qui croient en eux et ce ne sont malheureusement pas tous les enseignants qui y croient assez fort pour les aimer inconditionnellement.

Le professeur masqué a dit…

En saignant: chez nous, on a une clientèle FACILE. Il y a quelques petits cons, bien sûr, mais pas plus que dans la société en général. Et quand ils sont cons, c'est souvent parce qu'on les laisse aller en n'intervenant pas et en ne les éduquant pas.

Or, j'entends souvent-parfois-à l'occasion des collègues se plaindre des élèves. S'il savait la réalité ailleurs...

Oui, un prof jouit d'un pouvoir considérable. Il peut démolir un jeune comme lui donner une confiance incroyable.

Quand on est un enseignant, on a des responsabilités des règles éthiques à respecter.

Ta façon d'intervenir avec tes jeunes quand tu ne files pas ressemble à la mienne. Mais pour qu,elle marche, il faut un lien, du respect et de la confiance.

Jhon a dit…

Bordel. Je sais pas comment tu fais pour résister, mais moi si j'en croise un comme ça le jour où mon tour viendra, je crois bien que je lui rentre tout de suite dedans. J'ai l'habitude d'être attaqué et j'ai une bonne patience, mais un seul des trois exemples que t'as donné ça me fous hors de moi. C'est juste pas normal d'abuser de sa force comme ça, alors que c'est justement le métier qui doit donner au gosse sa propre force et la développer.
Ta façon d'intervenir est MILLE fois mieux: non seulement y'a pas d'injustice, mais tu leur permet de le comprendre, et en plus tu montres le bon exemple.
Je crois que je comprendrai jamais ce que font certaines personnes dans l'enseignement. Ils doivent être là par sadisme et rien d'autre...

D'accord avec Femme Libre, ça prend que quelques mots parfois pour détruire tout ce qui a été bâti avant par les "bons" profs :)

unautreprof a dit…

Tu sais quoi?

Où je travaille, je ne vois pas tellement ce genre de choses.

Je suis en milieu difficile et je pense bien que ceux qui y sont veulent y être, les autres semblent plus au bord du burn out (genre les enfants grimpent sur les bureaux) que de ce genre de comportement.

Aussi, on est une toute petite école.

J'ai toutefois déjà vu ce comportement ailleurs.
Humilier un enfant c'est inacceptable.
Comme tu dis, si un jour on se fâche plus, si on élève la voix inutilement, on récupère et on parle à nos élèves.