lundi 2 février 2009

Vieillir

Le quotidien laisse parfois des miettes derrière lui, un peu comme mes filles qui déjeunent à la table. En analysant les graines qui traînent sur leurs chaises, je peux facilement conclure qu'elles ont mangé un muffin aux bleuets pour déjeuner, même si je n'y étais pas. Il est vrai que parfois, c'est un bleuet complet qui est sur la chaise mais bon.

Je me réveille ce matin avec les images d'un SuperBowl à la hauteur de mes attentes. Et pourtant, de minuscules indices me laissent croire que quelque chose a changé. Depuis dix ans. Depuis toujours, on dirait.

Je me souviens, à vingt-cinq ans, dans le sous-sol avec ma gang de chums à analyser les moindres décisions des entraîneurs lors de leur match ultime. Je me souviens des bouteilles de bière qui remplissaient la table basse, laissant peu de place pour nos pieds. Je me souviens des yeux que nous faisions lorsqu'un d'entre nous recevait un appel de sa blonde et ce, bien avant que les téléphones cellulaires envahissent notre quotidien.

On était des hommes, des vrais. On écoutait le football et notre poil poussait d'un centimètre à chaque fois qu'un receveur de passe se faisait clouer par un demi défensif. Et là, on bondissait, tous en même temps, en se tapant dans les mains, comme si c'était nous qui venait de plaquer un adversaire.

Parfois, en sourdine, il y avait une musique rock. Du Metallica, du Pearl Jam, du Rage against the Machine, des trucs doux et mélodieux.

Quand le match prenait fin, après trois quarts écoutés attentivement et un autre à dégriser avant de reprendre le volant, nous revenions à la maison ou encore, nous continuions à fêter jusqu'à tard dans la nuit si notre équipe avait gagné ou jusqu'à tard dans la nuit si notre équipe avait perdu.

Hier, Blondinette a voulu me faire plaisir. Nous avons mangé des assiettes de nachos, devant la télévision. Comme une vraie soirée de SuperBowl. Mon Koala bougeait sans cesse, mettant sa grosse tête devant la télé non-HD, m'obligeant à m'étirer le cou de tous les côtés. Entre le repas et le dessert, ainsi qu'après le dessert, mes petites m'ont attaqué, sautant sur mon dos, montant sur mes épaules. Kurt Warner avait moins de difficulté à retracer ses receveurs de passe que moi à suivre l'action je crois bien.

Avoir voulu, j'aurais pu faire quelques téléphones. Il devait bien exister quelques amis ou connaissances qui se réunissaient pour boire, crier, gérer des estrades...

Mais voilà, je ne bois plus de bière depuis trois ans et demi, je crie rarement et mes filles le font tellement souvent que j'en ai mal à la tête, je devais me lever tôt ce matin car c'était le retour au boulot et ma place est à la maison, tout simplement. Et "Douze hommes rapaillés" n'entre certainement pas dans la catégorie d'album à écouter entre chums en secouant la tête au rythme de la musique.

Si vieillir était tout simplement changer nos priorités? Redéfinir notre quotidien avec les nouveaux acteurs qui s'y retrouvent, parce qu'on le veut bien, parce qu'on leur veut du bien?

Et s'oublier de plus en plus. Et comprendre que c'est bien ainsi lorsque notre plus jeune nous fait une énorme caresse dans son lit lorsqu'on prend deux minutes pour aller lui souhaiter bonne nuit.

Même si ça veut dire qu'on rate la passe de 46 verges de Warner à Boldin...

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Beau billet, En Sagnant.

Il est bien vrai que l'on doive se redéfinir et redéfinir nos priorités à plusieurs moments de la vie, parfois là où on s'y attend le moins.

L'accord avec toi-même se ressent dans la fluidité de ton texte.

Bonne semaine, Zed xox

La Tortue têtue a dit…

Touché!... heu... touchant ;)

Pour ma part, bien sûr, ça s'est passé avec le paternel: les Steelers au Superbowl, comment faire autrement? mais...

...j'ai manqué la première demie: regarder Nemo avec ma Grande, donner le bain à ma Petite, le souper, le biberon, les dodos, alouette! mais, la compagnie était parfaite et, somme toutes, oui les priorités changent mais l'important c'est que le Bonheur soit intact.

Lapsus a dit…

L'un n'empêche pas l'autre. Même si tu cries, tes enfants vont te faire un câlin quand même, à moins de crier après elles :-)

Crier est même sain. J'ai crié hier sur le dernier touché de FITZ, comme un perdu même avec des trois neveux. Nous avons même fait une genre de boule d'amour en beuglant WOU-WOU-WOU. Maudit que ça a fait du bien.

Et sans bière... pour moi en tout cas.

Anonyme a dit…

La seule chose qui me dérange dans ton texte est ça : "et s'oublier de plus en plus..."


Ne-t'oublie-jamais.

Anonyme a dit…

J'abonderais plutôt dans l'autre sens,
j'aime bien le « s'oublier de plus en plus » c'est à dire découvrir de mieux en mieux que l' « on » ne se limite plus à son petit « moi ». Moins on est « soi » plus on est «gros» et que l'on a une vue sensible large.

Enfin je ne sais pas si c'est ce que vous vouliez dire.

M. Gronde Lacolère a dit…

C'est un beau texte. En effet, il faut savoir s'Ajuster à ses désirs et ou besoins réels. Je crois que ce n'est pas parce que le mode de vie d'un individu ne correspond à l'idéal que nous retrouvons dans les médias , la télévision et notre idéal collectif qu'il faut chercher à s'en soustraire.
N'empêche que j'étais très déçu sur le trottoir sur Lajeunesse en sortant après le match, dommage pour Warner...

Le professeur masqué a dit…

Ensaignant: ne pas s'oublier mais découvrir autre chose peut-être en soi-même. Changer ne veut pas dire s'oublier mais, au contraire, se trouver plus chaque jour.

Tu ne vieillis pas: tu grandis. Tu agrandis ce que tu es. Et ça, on peut le faire à n'importe quel âge.

Les câlins de tes mousses valent plus que n'importe quel autre toucher. Chanceux!

L'ensaignant a dit…

Zed: merci Zed. Redéfinir ses priorités, ouais, toujours, jusqu'à la prochaine fois. Ça fait mal souvent cependant.

CAtharsis: Ah, ton paternel. Savais-tu combien de fois je t'ai enviée d'en avoir un comme cela?

C'est sûr que c'était fête au village, dans sa maison.

Nos quotidiens se ressemblent finalement terriblement.

Lapsus: Les boules d'amour. Ça m'en aurait pris quand j'étais jeune. Mais "Minuit le soir" n'existait pas encore.

On avait tellement d'imagination. On aurait pu inventer cela, non?

Morgane: Je sais. Mais pour l'instant, ça ne change rien. Comprendre une notion et l'appliquer, c'est deux.

Mais j'ai bien senti l'insistance de ton propos ;)

Anonyme: C'est ce qu'il y a de beau dans l'écriture. Chacun le comprend selon son vécu. Et moi, je ne suis même pas certain de me comprendre!

Merci d'avoir laissé une trace.

M.Lacolère: Tu me manques...

PM: Que de paroles sages, mon super-héros favori. J'essaie de digérer tout cela et je te reviens...

Le professeur masqué a dit…

En Saignant: n'essaie pas d'être téteux. Ça serait un signe de régression...