mardi 10 février 2009

Ma face normale

C'est dans le visage que ça se passe. Tu ne sais pas danser? Pas grave. Fais une face de danseur et hop!, tu danses bien. Tu veux sembler sérieux? Fais une face de sérieux et voilà, tu ressembles à Benoit Dutrizac. Tu veux faire taire tes élèves? Tu sors ta face fâchée et les voilà aussi silencieux que la psychologue de Guy Corneau.

J'ai été à l'hôtel avec mon petit zoo en fin de semaine. Repos, baignade, repos, raquette, repos, vous voyez l'agenda.

En papa responsable que je suis, nous avons pris une chambre non-fumeur. Mais j'ai vite trouvé la faille pour ne pas avoir à aller trop loin pour assouvir mon besoin. Parce qu'il y a toujours une faille, vous savez. Une minuscule porte située à quelques enjambées de notre chambre. La porte ouvrait seulement de l'intérieur mais bon, il suffit d'un briquet bien placé et elle ne se referme tout simplement pas. Ingénieux, le boucaneux.

Samedi soir, j'ai bu une bouteille et trois quart de vin. Blondinette, enceinte, m'encourageait en claquant des mains, heureuse de voir son chum fêter pour eux deux. Enfin, c'était presque comme ça.

Vers la fin de la soirée, je descends fumer une cigarette en pyjama et en t-shirt, botté de mes bottes d'hiver dans mes pieds nus et les cheveux ébouriffés du moins, ceux qui me restent. J'ouvre la porte, allume ma cigarette et place mon briquet mais il tombe par terre et la porte se referme. Elle ne se referme pas rapidement mais tout doucement, comme au ralenti, juste assez lentement pour que je puisse y toucher une ou deux fois de mes doigts pendant que l'hôtel se ferme devant mon nez et que le ridicule m'accueille à bras ouverts.

Pour avoir fait le tour de la place durant la journée, je comprends vite que ma seule issue (ou plutôt entrée) se trouve de l'autre côté du bâtiment. C'est l'entrée principale avec le lobby, les maîtres d'hôtels, les fumeurs de cigare et tout le tralala. Et moi en pyjama, c'est évident.

Je commence donc ma promenade hivernale en passant devant le bain tourbillon extérieur où environ dix adultes relaxant doivent avoir une impression contraire à un déjà vu. Un gars en pyjama, flottant dans ses bottes, qui marche à l'horizon. Et en plus, je titube légèrement. Le cauchemar.

J'arrive devant l'hôtel et un fumeur me voit venir de loin. Il m'observe attentivement, me faisant comprendre que si j'espérais un peu de solidarité de nicotine, je serais bien mal servi. Mais ce n'est pas grave. J'avais mis ma face normale, celle du gars qui n'a rien de spécial à déclarer. La même face que lorsque je passe la douane, quoi.

J'ouvre la porte, accompagné du regard de l'homme dans la quarantaine qui semble avoir même oublié qu'il tenait une cigarette à la main et qu'il devait fermer sa bouche devant un idiot car c'est plus poli et j'entre dans le loby.

Les deux jeunes femmes qui travaillent derrière le comptoir et qui parlaient, je les ai vues par les portes vitrées, arrêtent leur discussion et me fixent, l'air inquiet. Ce n'est pas grave, j'ai ma face normale et avec celle-là, je passe partout. Comme la cannelle et les pruneaux.

Les hommes qui riaient bien grassement, je les ai entendus pendant que les femmes me dévisageaient, arrêtent de rire. Pourtant, ils n'ont pas vu d'ange passer devant eux. Qu'un p'tit con à la démarche malhabile. Vous savez, cette démarche trop rapide et trop droite pour penser pendant un instant que le marcheur est à jeûn? Et surtout, sa face normale, celle qui ferait passer une constipation pour une fête au village.

Plus j'approche de la chambre, moins j'ai l'air bizarre. C'est une question de contexte. Un gars en pyjama dehors, ça fait un peu weird. Un gars en pyjama dans le couloir, c'est seulement quelqu'un qui avait un besoin urgent.

Je suis finalement rentré dans la chambre. Blondinette, qui n'en manque pas une, me demande:

-Ça a donc bien été long! En as-tu fumé quatre?

J'ai mis ma face de clown et lui ai raconté. Elle a bien ri.

5 commentaires:

Drew a dit…

Vive les faces interchangeables!

Et on classe tout ça dans quelle catégorie mec?

La loi de Murphy?
La loi de l'emmerdement maximale?
La loi de Lenz-Fafraday?
Celle de Finagle?

Ah pis tiens, on mets toutes ces lois dans un panier, on brasse le tout pis ça fait pareil :-P

Anonyme a dit…

Ah ça, oui alors! Un visage timide et tout le monde nous fuit!

Très, très drôle, ton billet, bien écrit et très bien ficelé. T'as pas dû l'écrire sur le moment. ¦D

L'ensaignant a dit…

Drew: Que dirais-tu de la loi "do-things-stupid-while-you're-drunk"? J'ai fait une maîtrise là-dessus dans ma jeunesse.

Zed: Merci. Non, sur le moment, c'était plus une tragédie qu'une comédie. Mais on finit toujours par en rire...

Drew a dit…

Tut-tut-tut!

Faut pas rejeter la faute sur l'alcool. Parce que c'est bon l'alcool :P

Alors pourquoi pas blâmer n'importe quelle théorie à la place!

¤Enidan¤ a dit…

va falloir que t'arrête de fumer !!! :oP