lundi 9 février 2009

R.I.P. Bagoo

Une voix lointaine se fit entendre.
-En Saignant, En Saignant! Réveillez-vous! Nous avons une grande blessée dans la salle d'opération 4!
Mes yeux à peine ouverts peinaient à reconnaître le décor. Un beige avec des toiles représentant des paysages qui semblent n'avoir inspiré que le peintre couvraient le mur.
-J'arrive, gromelai-je.
***
Pourquoi blogue-t-on? Il existe tellement de raisons. Parfois, c'est pour tromper l'ennui, d'autres fois, c'est pour embellir un quotidien. Pour partager, parce que notre bouche ne fournit jamais assez ou parce qu'elle ne contient que des légèretés, gardant les vérités bien à l'abris. Et ces vérités doivent sortir de notre tête, où elles tournent en rond.
***
Je n'avais pas encore vu la civière mais je devinais déjà qui s'y trouvait.
-Elle se prénomme Gooba! annonça une infirmière en petite tenue avec un beau bonnet blanc et des bas faisant sembler ses jambes comme deux... oups, je m'égare.
-Non, elle ne s'appelle pas Gooba. Vous avez inversé les lettres. C'est Bagoo!
L'infirmière à la poitrine invitante (merde!) me montra le dossier.
-Eh bien, c'était vraiment Gooba! Je n'en reviens pas!
***
Pourquoi arrête-t'-on de bloguer? Encore là, allez savoir. Parfois, c'est parce qu'on n'a plus rien à dire et que ce qu'on avait à dire, on l'a déjà dit trois fois de trois façons différentes. Ou encore, c'est parce que la vraie vie nous appelle. Et lorsqu'elle nous appelle, elle le fait fort, en criant. Comme si c'était la seule façon de nous enlever de devant notre écran. Peut-être se tanne-t-on et se décide-t-on un bon matin que c'en est assez, tout simplement. Tout simplement.
***
Je parcours le dossier des yeux.
-Tiens, il est écrit qu'elle ne désire pas être réanimée! annonçai-je d'une voix feignant la surprise.
-Mais les deux dernières fois qu'elle a essayé de mettre fin à ses jours, vous l'avez réanimé! annonça la plantureuse infirmière, les cheveux secoués par une fine brise (remerde!!!)
Ces épisodes me revinrent en mémoire. Je partis dans mes pensées, encore une fois.
-Docteur? Que fait-on? Est-ce qu'on la réanime? demanda Natasha en déboutonnant son habit (merde, merde, merde et remerde!)
Je la regardai l'air sérieux.
***
Qui sommes-nous dans la vraie vie? Des gens avec des enfants ou sans. Avec des amoureux ou sans. Dans le fond, toute la mosaïque y est représentée. Avec ses vérités et ses mensonges et le gouffre immense qui se trouve entre les deux. Sur le net, on s'invente des histoires et on en embellit d'autres. On rapetisse notre nez trop long et on change la couleur de nos humeurs. On peut tout faire. Pourvu qu'on ne se prenne pas au jeu d'y croire un peu trop.
***
-Non, laissez-la aller! répondis-je, la voix rauque.
L'infirmière déposa ses instruments sur la table. Ceux-ci consistaient en un masque à oxygène, un scalpel et un dildo grand comme... (oh non!!!)
-Vous êtes certain? demanda-t-elle de sa voix sensuelle.
-Oui, elle a assez souffert.
L'infirmière passa sa douce main dans la chevelure de Gooba.
-Elle me manquera!
-À moi aussi, elle me manquera, annonçai-je, solenellement. Je l'aimais... virtuellement.
***
Pourquoi la mort de Gooba m'affecte-t-elle autant? Je ne sais pas. Peut-être parce que j'ai envie de croire que notre amitié a été vraie, aussi fragile qu'un réseau informatique. Peut-être que j'ai le goût de croire qu'elle fait vraiment les plus grandes bulles du monde avec sa gomme. Ou que l'innondation dans sa cour a été le coup fatal. Ou que ses enfants grandissent et qu'elle a le goût de passer plus de temps avec eux. Ou un mélange de tout ça.
Ou encore parce qu'elle pose la question de sa plume taquine, sans même y avoir pensé...
Et toi, Globule, pourquoi continues-tu? Pour tout ça, Gooba, et un peu pour toi...

7 commentaires:

Drew a dit…

Les raisons de cesser de bloguer sont nombreuses et celles de rester sont moindres...

La principale dans mon cas c'est de plancher mes niaiseries pour en rire encore dans 10 ans sinon je les oublierais.

Magnifique billet en passant mec! (J'ai l'impression que ça fait la millième fois que j'te dis ça mais bon... C'est sincère que veux-tu!)

Yano a dit…

Un texte d'adieu digne de cette mythique blogueuse!

Anonyme a dit…

Hé, coeur tendre... c'est gentil comme tout. Ça me rappelle des souvenirs, ce genre de billet!

Je suis allée lui laisser un commentaire. Effectivement, c'était clair, même avant l'annonce officielle.

Bises, Zed

L'ensaignant a dit…

Drew: Merci beaucoup. Et je suis d'accord pour les niaiseries ou toutes ces fantaisies qui vivent à l'intérieur de nous et qui nous rendraient fous si elles ne sortaient pas. (comme l'infirmière...)

Yano: J'aime bien mythique. Ou en tout cas, elle le sera dans quelques années, lorsque l'expression "mythe" lui sera consacré.

Zed: Des souvenirs... Je sais. Parfois, le temps nous joue des tours. Il me semble que c'était encore hier que nous échangions des commentaires qui pouvaient être plus volumineux que le billet tel quel.

Je crois que nous aurons raté une belle occasion, par ma faute, entre autres.

Anonyme a dit…

Non. Je ne crois pas que Googoo serait contre...

La vie a de ces surprises. Regarde-toi aller... Tu sais où me trouver.

Zed xox

Gooba a dit…

Laisse-moi le temps de digérer ça et je te reviens...

Gooba a dit…

Ce fut long à digérer, mais c'est fait... L'électrocardiogramme a même eu quelques soubresauts à la lecture de ton billet. T'as un don, toi...

Et puis pour le mythe, vous repasserez. C'est têteux... mais c'est gentil pareil! :o)