Le premier soupir, la première impression d’entière satisfaction, c’est sûrement contre le cœur de notre mère qu’ils sont arrivés. On ne s’en souvient pas. Trop jeune, avec le cœur qui voyait à peine. Mais déjà, il savait.
Puis sont arrivées les années de découvertes. Découverte de l’autre et surtout, des autres. Plus souvent qu’autrement, des membres de notre famille qui nous demandaient l’impossible : renoncer à la satisfaction immédiate et surtout, rejoindre les autres dans la file d’attente. Prendre notre rang derrière certains cœurs gourmands et devant d’autres plus discrets. Et se mesurer. Et toujours se mesurer jusqu’à se définir. Et toujours cette impression que l'on vaut plus que l'attention qui nous est accordée.
Puis vinrent les premiers amours libres, celles qu’on choisissait ou qui venaient à nous tout simplement, apparaissant au hasard et nous éclairant l’intérieur ou quittant sans oublier de d’éteindre la lumière pour un temps. Et en dedans de nous, toujours cette recherche de satisfaction. Et, ça va de soi, toujours cette frustration qui criait en murmurant : « Je suis exceptionnel, unique et je mérite d’être traité ainsi ».
Rendu adulte, le cœur croit savoir ce qu’il vaut. Certains chanceux ont un cœur en or, d’autres un cœur d’argent. Enfin, d’autres, comme moi, se sont forgé un cœur de cuir, extensible mais qui peut rétrécir si trop arrosé de larmes. Un cœur comme une antre où habitent des créatures plus mystérieuses les unes que les autres, qui se tapissent derrière les non-dits, les non-exprimés et surtout, les non-ressentis. Une grotte dont l’entrée est partiellement bloquée, un tuyau de cuivre où les résidus ne permettent qu’à un fragile filet d’eau de circuler.
Puis un jour, comme ça, souvent à la fin d’une journée banale, comme les autres, on comprend ce qui nous manque. On tombe sur un texte délicieux d’où émanent des éclats de rire et des câlins. On le lit, en enviant le contenu et non pas le contenant comme il nous arrive souvent de le faire face aux talents de son auteure. Non, cette fois-ci, c’est sa description d’un bonheur pur qui fait mal. Et à nouveau, c’est cette frustration qui remonte en nous, nous murmurant en criant : « Je suis exceptionnel, unique et je mérite d’être traité ainsi ».
Commence alors la construction d’une armoire où l’on peut déposer les trucs servant à nous réparer doucement. Un long travail de rénovation de notre organe vital, afin qu’elle cesse de nous sembler comme un organe fatal. On pose sur ses tablettes des sourires, des « je t’aime », tous les soupirs de l’être aimé, même ceux des nuits folles. Et doucement, tout doucement, au fil des mois, des années, notre cœur comprend qu’il a une deuxième chance et qu’il est le locataire de quelqu’un d’exceptionnel et d’unique.
Et puis, on y prend goût à ces travaux. Tellement que lorsque deux petites fillettes viennent nous rejoindre dans ce monde parfois bizarre, on commence tout de suite la construction de leur armoire en s’assurant d’y mettre des portes pour la pudeur mais que jamais elles ne soient fermées à clé.
Et vous, votre armoire est-elle avancée?
mercredi 9 juillet 2008
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6 commentaires:
Puisque tu me poses si gentillement la question (à moi seule et unique hihi), mon armoire a grandi d'un coup cette année ! J'ai remplacé quelques planches pourries par du bois franc et fait un peu de ménage sur les étagères.
Ça fait du bien n'est-ce pas ?
Ton texte me touche beaucoup. Merci. J'ai relu le mien grâce au lien que tu as créé. J'avais déjà oublié certains détails. Merci de m'avoir permis de faire le détour.
Tu sais, l'Armoire n'a pas toujours été pleine. Pas du tout. Si tu savais....
J'ai toujours cru au choix. Au choix d'être heureux. Quand on en a marre d'être habitée par l'ombre et le négatif, on peut se redresser de dire que c'en est assez. On tourne le dos au passé et on ne s'y retourne plus. Je crois que lorsque tout est liquidé, on n'a plus de raison d'y revenir. On ne veut plus l'emprise de ce passé qui a grugé le bonheur. On l'a vomi jusqu'au sang.
C'est ainsi qu'un jour, j'ai décidé de dire non au négatif et un vrai non. J'ai quitté des gens, j'ai changé certains aspects de ma vie, j'ai tourné le dos aux manipulateurs et j'ai décidé de choisir ce qui ME convient maintenant. Donc, pour moi, je choisis de voir le beau et le bon. Ça "énarve" certaines personnes qui croient voir un moi une illuminée etc. Mais je préfère la lumière à la noirceur. Puis j'ai décidé d'envoyer promener ceux à qui ça dérange, ceux qui me rendaient malheureuse.
Parce qu'on a une seule vie à vivre.
Mon armoire est ouverte. Parfois, il y a des bonbons trop sûrs dedans, des bonbons "éventés" comme dirait ma mère, mais je ne les mange plus. Je les crucifie dans la poubelle à bout de bras.
Et j'essaie de guider mes filles en ce sens.
Le temps est précieux.
J'ai fait le choix de vivre maintenant et de tourner le dos au P.A.S.S.É.
Merci encore, En Saignant... Encore une fois, je suis très touchée...
Oui, tu mérites d'être traîté ainsi. Tes fillettes et ta Blondinette aussi. Alors, garnissez votre armoire sans perdre une seule seconde!
Le bois franc, Madame Calliopé, j'adore. Et que ça sent bon et ça se mêle bien à ta petite maison.
ES, ce que tu décris, c'est exactement ce désir de l'échelle pour que le ça (narcissique, principe de plaisir, oui, qui vient de la toute petie-enfance et dont la première peine énorme sera le complexe d'Oedipe) et l'idéal du moi ou moi idéal ou surmoi (pas nécessairement définis de la même manière mais je suis encore dans mes lectures : moralité, idéologies, éthique, buts inatteignables en grande partie, anxiogène, imposé par les autres, la société, soi) soit atteignable, enfin, ce qui est impossible.
C'est pour cela que je préfère m'adresser au moi, de toi, que tu nous suggères via ton histoire car c'est de toi dont tu parles à travers tout ça. Et au moi du Prof masqué!
Moi (tu y reconnaitras ton CUIR):
« 3. PSYCHANAL. ,,Partie de la personnalité consciente et préconsciente, distincte du ça et du surmoi`` (Méd. Psychanal. 1971). Le moi normal est souple, flexible; il n'a pas de mécanismes de défense rigides. Le moi névrotique est faible, craintif devant la force des pulsions ou la sévérité du sur-moi (Sill. Psychol. 1980).
REM. 1. » (dico CNRTL)
J'aime beaucoup ce moi-là, que tu te fais peu à peu, celui que Calliopé se fait, celui que pas mal de gens se font, à force d'efforts. J'aime même le mien, tu sais, celui que tu as contribué à me faire faire quand tu as sonné à ma porte, des fleurs à la main.
Assez de sérieux, là, je VEUX ma salade. Okééé.... S'il te plait. :DDDDDDDDD
Zed xoxox
Calliope: Je crois que le ménage s'imposait, moi qui a suivi ta mésaventure avec intérêt.
Bravo pour le chemin parcouru, même s'il était loin d'être le "plus fréquenté".
Souimi: J'y crois. Et volontairement, je garderai cette réponse toute simple: c'est à toi que je dis merci.
Zed: C'est vrai que tu es témoin de tout ça depuis le début. Ce "moi" dont tu parles, il est seulement bien caché, voilà tout. Et il cherche à sortir de plus en plus.
Enlever la crasse, faire le ménage comme le dit si bien Cassiope, est un travail qui est proportionnellement ardu au nombre d'années durant lesquelles elle s'est accumulée. Et crois-moi, la mienne était là depuis des lunes et des lunes.
Merci pour tout. Tu m'aides à y voir clair.
C'est l'armoire avec tous ses trésors.
Zed :))) Je vais travailler, là. Bonne journée!
En Saignant,
un autre texte fabuleux. J'aime tellement ces métaphores ! Je préfère ne pas parler de mon armoire chambranlante et pleine de fissures, mais j'admire le travail de reconstruction de celles qui ont laissé des commentaires; la seule et unique Calioppe, Souimi, et Zed. Quel incroyable courage il faut avoir !
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