Jean regarda autour de lui. Personne à l'horizon. Au loin, on pouvait entendre des cris aigus provenant de manèges à l'air louche. Une odeur de popcorn cheap avec une montagne de beurre pour en camoufler le goût tournait dans l'air. Caché derrière une clôture de métal amovible rouillée, il était certain que personne ne pouvait le voir. Il s'accroupit, faisant du mieux qu'il le pouvait pour se fondre parmi les hautes brindilles qui l'entouraient. Enfin, il dévissa sa tête doucement, pour être bien certain de ne pas se blesser.
Une fois sa tête de chat enlevée, il put enfin respirer. La sueur coulait sur son front, laissant dans sa bouche un goût salé.
-Ostie qu'y fait chaud! dit-il, d'une voix sèche, plus résignée que colérique.
Il rentra son bras droit dans son costume dont le poil dégageait une odeur d'urine de félin. Il fouilla, tâtant ses pectoraux, ses cuisses et enfin ses fesses. Il y trouva son paquet de cigarettes et le ressortit à côté de sa tête, l'attrapant avec ses dents. Il remit ensuite son bras à sa place et commença à ouvrir son paquet de ses doigts malhabiles.
Tout d'abord, il l'écrabouilla, tentant de sortir la languette du carton. Ensuite, il entra son index de félin dans le paquet et réussit à libérer les cigarettes, qui tombèrent toutes au sol, se cachant dans l'herbe longue.
-Calvaire! maugréa t'il en soupirant.
Il se pencha et se mit à quatre pattes, tentant de voir du mieux qu'il le pouvait à travers le cou de son costume qui avait remonté sous l'effet de la gravité. Le soleil plombait sur sa tête, rendant sa nuque brûlante.
Une à une, il les ramassa, en écrasant la moitié de ses doigts énormes. Il entendit des pas rapides derrière lui, accompagnés d'un long reniflement. Il n'eut même pas le temps de voir ce qui se trouvait derrière lui qu'il sentit le contact d'un museau sur son arrière-train.
-Tabarnak, crisse ton camp! hurla t'il, à l'intention du golden retriever qui déguerpit aussitôt.
Dans son énervement soudain, il échappa toutes les cigarettes qu'il tenait maladroitement dans sa patte gauche.
-Ostie! C'est l'boutte d'la marde! dit-il faiblement.
Il se laissa lourdement tomber sur les fesses, écarta les deux jambes et prit une cigarette qu'il réussit à se mettre dans la bouche. Il réalisa que son briquet n'était pas dans sa main droite.
-Sacrament! dit-il, les dents serrées.
Il se releva lentement, après être retombé sur les fesses trois fois. De nouveau, il entra son bras droit dans son costume. Ils se tâta à nouveau les pectoraux, puis les cuisses et enfin les fesses. Là, sa main trouva ce qu'il cherchait. Ses doigts humides laissèrent cependant tomber le briquet jusque dans sa jambe gauche jusqu'à son talon.
-Câlisse! fut le seul mot qu'il lâcha.
Il remit son bras dans son costume et essaya d'attraper la fermeture éclair située dans son dos afin de se libérer de sa fourrure mais n'y parvint pas. Manque de souplesse? Peut-être. Fatigue? Sûrement.
-Ostie de sacrament! lâcha t'il, en devinant ce qu'il lui restait à faire.
Il se mit debout, s'appuya le dos contre la roulotte derrière lui, leva les bras aux ciels et se laissa glisser dans son costume, contrevenant du même coup à la règle numéro cinq de la charte des mascottes.
Dans cet univers poilu, il pencha sa tête en rentrant son cou entre ses épaules, tentant de se faire le plus petit possible. Il réussit tant bien que mal à passer l'angle droit et ainsi, rapprocher ses bras de ses pieds. Du bout du majeur, il touchait l'objet tant convoité. Un tout petit effort encore et ce serait gagné. Il se pencha un peu plus.
Ce n'est que le soir venu qu'une vieille madame qui promenait son chien le retrouva, couché sur le côté, enfoui dans son costume de chat. Il fut transporté à l'hôpital où il fut traité pour déshydratation.
Il raconta son histoire à Armand le Toucan et Igor le Castor, qui ne comprenait pas un mot de français. Tous les deux hochèrent la tête à chaque rebondissement. Ils furent les seuls à ne pas rire des mésaventures de notre héros. C'est en hochant la tête de stupéfaction qu'ils remirent leurs couvre-chefs afin d'aller distraire les grands brûlés du troisième étage.
L'U.Q.M., l'Union Québécoise des Mascottes, se contenta d'un communiqué prévenant son personnel des multiples dangers du tabagisme.
Ainsi se termina la triste histoire de Marcotte la mascotte.
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4 commentaires:
Chapeau pour ce texte sublime, que j'ai eu grand plaisir à lire! On en veut encore! :)
Ce fut un grand plaisir M.L'Éponge. Merci!
Dure dure la vie de Mascottes... :o))
Mais c'est vrai que s'il n'avait pas fumé, il n'aurait pas eu de problème :o))
Mais ça aurait été tellement moins drôle :o))
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