Un jeune homme se promène sur le bord de la Seine, en plein milieu de Paris. Il observe les bateaux avec envie, les ayant toujours vus comme un symbole de liberté. Il s'arrête devant l'un deux, l'observant du trottoir où des commerçants vendent des livres, des chandails et autres souvenirs destinés à attraper les touristes. Deux homme y travaillent, l'un avec la moppe et l'autre faisant de chaque bout de corde un serpent enroulé sur lui-même.
-Vous avez un très beau bateau, s'écrie le jeune homme d'en haut.
Mais les deux hommes ne l'ont pas entendu, trop occupés qu'ils sont à astiquer, à nettoyer, à frotter cette merveille. Un bateau long d'une vingtaine de mètres et large comme une rue étroite de la Ville-Lumière. La sueur perle sur leurs fronts et donne des teintes foncés à leurs chandails.
Le jeune homme hésite, puis décide à descendre les périlleuses marches qui mènent vers le canal, ne pouvant s'aider de la rampe qui n'existe pas. "L'inégalité du sol n'a pas son pendant dans l'eau, à part quelques vagues mais bon..." se dit-il en gardant l'équilibre d'une manière agile.
Plus il s'approche du bateau, plus les regrets l'envahissent. Comme il aurait aimé en posséder un si imposant, pour défier les eaux et être quelqu'un, même sous-payé.
-Votre bateau est vraiment très beau! tente t'il encore, rendu à quelques pieds des travailleurs.
Un des deux hommes lève la tête, comme il l'aurait fait si une mouche était venue le déranger. Il regarde le jeune homme de la tête au pied, éponge son front à l'aide d'un vieux foulard trouvé dans sa poche arrière et daigne bien lui répondre.
-Merci, gamin! N'est-ce pas qu'il est gigantesque? lui dit-il en souriant.
-Oh oui, votre barque est vraiment magnifique! dit le jeune homme.
Le sourire discret dans le visage du vieil homme disparaît tout d'un coup. Le deuxième marin, beaucoup plus jeune, lève la tête comme si une abeille l'avait piqué. Leurs regards fixent maintenant le jeune homme avec dégoût.
-Une barque? Avez-vous bien regardé, jeune homme? dit le vieil homme en colère.
Les cris attirent l'attention des piétons qui s'arrêtèrent sur leur chemin pour observer la scène, attirés par les voix qui montaient.
Le jeune homme se sentait pris au piège. Lui qui voulait seulement être gentil s'était retrouvé à choquer les deux hommes qu'il voulait complimenter.
-Je suis désolé si je n'ai pas le bon terme pour désigner une si belle embarcation. Me donnez-vous droit à un deuxième essai ou aimez-vous mieux que je continue mon chemin vers la Tour Eiffel? dit-il.
Les deux hommes se regardèrent, hésitant. Le travail qui attendait était important et ils ne pouvaient se permettre de le faire tarder. Cependant, ils avaient bossé durant de longues heures sans même s'arrêter pour casser la croûte et le soleil était vraiment éreintant.
-Vas-y, gamin. Une dernière chance. Réussis à bien nommer ce que tu vois et nous t'apprendrons plusieurs choses sur ce sujet qui semble tant te passionner, dit le plus jeune des deux, grattant sa barbe de plusieurs jours de ses ongles noirçis.
Le jeune homme hésite longtemps en observant le bateau qui danse au gré des petites vagues qui secouent le canal.
-Ce n'est pas un bateau-mouche, c'est certain. Il n'est pas couvert. Ce n'est pas une gondole car il est beaucoup trop large et un homme ne pourrait le manoeuvrer seul, c'est certain, se dit-il à lui-même.
Les ouvriers le regardent fouiller dans sa tête en esquissant des sourires radieux. De voir le jeune homme mettre tant d'efforts pour nommer la chose les remplis déjà de fierté. Cela leur donne toute l'importance qu'ils pensent mériter.
-Je crois que j'ai trouvé, dit le jeune homme, un sourire radieux aux lèvres.
-Vas-y mais souviens-toi, ce sera ta seule chance! lui annonce le vieil homme, sous le regard amusé du barbu.
-C'est.... une PÉNICHE! annonce fièrement le jeune homme.
Les ouvriers sourient en entendant ce mot, tout contents que leur outil de travail n'ait pas été dénaturée.
-Bravo, alors, que veux-tu savoir sur ma magnifique PÉNICHE? lui dit le vieil homme.
Le jeune homme hésite longuement. Il a tant de choses à apprendre sur les PÉNICHES. Comment trouver les questions justes qui se bousculent dans sa tête? Les ouvriers sont maintenant appuyés contre les côtés du bateau, attendant de l'informer.
-Premièrement, vous devez être fier de posséder une si grosse PÉNICHE! dit le jeune homme au vieillard.
-Je n'ai aucun mérite, c'est de famille, lui répond le vieux avec un sourire en coin. Mon grand-père avait la plus longue PÉNICHE de Paris il y a de celà au moins cinquante ans. Mon père a hérité de cette énorme PÉNICHE lorsque son père mourut. Et maintenant, c'est moi qui a l'honneur de posséder cette gigantesque PÉNICHE.
-Quelle chance vous avez! lui dit le jeune homme. Vous devez chercher à la montrer au plus grand nombre de passants possible? lui demande le jeune homme.
-Étrangement, non! lui répond le vieillard. Je ne sais pas si c'est par pudeur mais je n'aime pas montrer ma PÉNICHE aux étrangers. Ça peut paraître stupide mais j'ai un peu peur que leurs regards la fassent rapetisser, comme par magie. Cette PÉNICHE est mon orgueil, tant par sa longueur que par sa dûreté. Et en plus, les gens qui s'en approchent veulent toujours toucher à ma PÉNICHE. Et ça, je n'aime vraiment pas celà! Je perds le contrôle lorsqu'on touche à ma PÉNICHE!
-Vous voulez dire que ça vous met en colère? lui demande le jeune homme.
-Non, pas vraiment de la colère. C'est que les gens sont toujours étonnés de voir une si vieille PÉNICHE qui daigne encore se mouiller. Ils pensent tous qu'elle devrait être remisée aux hangards à l'âge qu'elle a, alors que c'est loin d'en être le cas.
-Pourquoi dites-vous celà? lui demande le jeune homme.
-Vois-tu, les jeunes d'aujourd'hui, lorsqu'ils passent devant moi avec leurs petites PÉNICHES beaucoup plus rapides que la mienne me regardent de haut. Eux, ils ne pensent qu'à l'esthétique. Ils enlèvent les algues autour de leurs PÉNICHES en s'imaginant qu'elle paraîtra plus attirante, aux yeux des dames en particulier. Ils n'ont jamais compris que ce n'est pas la longueur de la PÉNICHE qui importe mais plutôt son vécu et l'expérience de l'homme qui la conduit.
-Et vous, dit le jeune homme, s'adressant au jeune barbu, avez-vous une PÉNICHE? demande le jeune homme.
-Oui, répond le jeune barbu, le regard vers le sol.
-Allons, ne sois pas timide! lui lance le vieillard. Il se tourne vers le gamin.
-C'est que sa PÉNICHE est plus petite que la mienne, alors, ça le gêne à chaque coup! Il est rendu qu'il n'ose même plus la montrer à quiconque se promenant sur les quais. L'autre jour, j'ai vu une femme très jolie qui, de son regard insistant, aurait tellement aimé monter sur sa PÉNICHE mais il ne l'a même pas vu, l'idiot! lance le vieillard.
-Et vous, vous embarquez parfois des passagers sur votre PÉNICHE? demande le jeune homme, plein d'espoir.
-Oui, il m'arrive de le faire. On ne peut pas être propriétaire d'une telle PÉNICHE et espérer la garder pour nous tout seul. De toute façon, quelle serait l'intérêt de l'astiquer ainsi si ce n'était pas pour en faire profiter les gens. Une si belle PÉNICHE mérite d'être montée par un paquet de gens.
-Vous pensez que... comme le jeune homme.
-Non, oublie ça! Je n'ai jamais permi à un homme de monter sur ma PÉNICHE. Seule les plus belles femmes de France ont ce droit. Hier, encore, deux d'entre elles sont montées sur ma PÉNICHE ensemble pour une belle randonnée. Elles n'ont pas été déçues! dit le vieillard.
-Merci d'avoir pris de votre temps. J'en connais maintenant beaucoup plus sur les PÉNICHES! lance le jeune homme.
-Y'a pas de quoi! lance le vieillard. Je dois maintenant retourner la frotter!
Le jeune homme remonte les escaliers, tout fier d'en savoir maintenant plus sur ces monstres du canal. C'est le sourire aux lèvres et l'envie plein le coeur qu'il visitera la Tour Eiffel...
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22 commentaires:
Magnifique!!! Tu as dû t'amuser beaucoup en écrivant ça! :D
Tordant! :) Vous savez bien manier le verbe, mr ensaignant! :)
je ne regarderai plus jamais les péniches de la même façon! ;)
Pouhahaha! Astiquer, nettoyer, frotter... Au début, je me disais que j'pensais croche, que t'es un gars sensible et qu'il y aura sûrement une leçon de vie dans ce billet...
Très belle allégorie. Tu écris vraiment habilement et ça ne me dérange pas que tu me compares à un vieux marin et c'est vrai, il y a encore un jeune homme en toi.
Qui ce serait attendu à autant de talent?
On dirait qu'on en a traumatisé un dans le billet précédent... hihi !
Du Lac-St-Jean d'où je viens, on n'a pas cette chance de voir de si grosses PÉNICHES. Probablement que les eaux sont toujours trop froides pour que les propriétaires exhibent si fièrement leur safran...
Je souris d'autant plus que l'an dernier, mon cher époux a vendu son bateau... contre une "fifth wheel" !!! Ça se soigne, docteur ?
Je me suis demandé qui de tes lecteurs ou de toi avait l'esprit le plus tordu... Incroyable le nombre de double sens que t'as réussi à mettre dans ce texte :)
Je suggère aussi la tour du CN, le mat du stade olympique, mais surtout pas la tour de Pise...
Il y a une lecture psychanalytique très touchante que je ne peux m'empêcher de faire, grand coeur.
Zed ;-)
Hein? Quoi? Je comprends RIEN...
En Saignant,
Demande donc À Gooba si elle veut que tu lui fasses un dessin. Zed ;-)
Gooba, ne t'en fais pas, c'est parce que la vie est,,, un long fleuve tranquille (j'avais un directeur-adjoint qui faisait ce genre de jeu de mots et je le trouvais tellement innocent... puis là, j'fais pareil...)
Non mais, j'préfère le kayak. À l'endroit, à l'envers, en autant que le coup de rame soit rigoureux.
Quans le shah n'est pas las, les sourires pansent... :DDD
Bonjour,
C'est un peu gros, non? Quoi qu'il en soit, si vous mettez la main sur la revue Biscuit chinois, le numéro sur les tondeuses, vous verrez que votre PÉNICHE se compare bizarrement à une tondeuse, tout aussi voluptueuse...
GF
Oups,
Quand je dis que c'est un peu gros, je parle du bateau, de la PÉNICHE, pas de l'humour et de la finesse du double sens. Surtout pas de l'écriture de ce texte tout en nuances...
Bonne fin de journée.
GF
Texte subtil oui, tout en nuances. Un humour jamais vulgaire, plein de finesse. Un En Saignant qui donne le goût de retourner à l'école, de la maternelle au secondaire, espérant l'avoir comme Prof !!!
V-Ann: Oui, j'avoue. Trouver des jeux de mots sur l'appendice mâle est un de mes passe-temps préféré... :)
Merci!
La Maratre: Le problème avec mon verbe, c'est qu'il est mieux manié de façon écrite que verbale. Demandez à mes élèves. Merci!
Prof en Exil: Je crains, te connaissant, que tu ne les regardais pas de la même façon que la plupart des gens. :)
PMT: Merci. Et tu sais quoi? Je vais laisser ma réponse ainsi. Ça montrera à nos zamis blogueurs que l'on peut se parler correctement parfois.
Intellex: Commentaire savoureux. Il faudrait cependant demander ce qu'en pense les bleuets.
Pour ce qui est du "fifth wheel", faudrait demander à Zed. C'est elle, la psychanaliste ici! :)
Jhon: Je crois que tu as maintenant la réponse mais tu sais quoi? On ne leur dira pas, car je crois que ça pourrait les froisser. Faisons exception pour PMT, vu son âge, il est déjà froissé de façon permanente. :)
Zed: J'aaimerais honnêtement lire ta psychanalyse, très chère Zed. Allons, crée la controverse ici-même, je mets ma tête sur le billot!!!
Gooba: Un esprit tordu comme le tien ne rien comprendre à ce billet? Copie dix fois "Je ne mentirai plus jamais sur un blogue d'une telle pureté"... :)
Zed: Nan, les dessins, très peu pour moi. Mais par contre, PMT est assez bon pour les "pénis explosifs".
Souimi: On a tous et toutes un petit Sol qui sommeille en-dedans de nous. Laissons-le s'exprimer!!!
Plotin: Merci pour les beaux commentaires. Pour ce qui est de la revue Biscuit chinois, je serais bien embêté d'aller me l'acheter... Mais je vous fais confiance pour l'imagerie.
Bienvenue dans le zoo!
Lise: Merci beaucoup. Le genre de commentaire qui fait du bien. Mais à lire le contenu de tes commentaires, c'est peut-être moi qui t'aurait eu comme prof.
C'est au propre dessin de Gooba que je pensais. Zed
Je ne mentirai plus jamais sur un blogue d'une telle pureté.
Je ne mentirai plus jamais sur un blogue d'une telle pureté.
Je ne mentirai plus jamais sur un blogue d'une telle pureté.
Je ne mentirai plus jamais sur un blogue d'une telle pureté.
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Je ne mentirai plus jamais sur un blogue d'une telle pureté.
Je ne mentirai plus jamais sur un blogue d'une telle pureté.
Je ne mentirai plus jamais sur un blogue d'une telle pureté.
Je ne mentirai plus jamais sur un blogue d'une telle pureté.
Je ne mentirai plus jamais sur un blogue d'une telle pureté.
C'est facile, faire une copie dans ta classe, le Goutteux. :o)
Est-ce que je donne le truc à mes élèves? :)
J'aurais dû la voir venir celle-là!
:o))))))
Merci En Saignant mais je ne crois pas que je puisse En Saigner quoi que ce soit, à qui que ce soit. Je suis trop vieille. C'est moi la lectrice de 63 ans avec du poil au menton.
Blague à part, j'ai 52 ans et pas de poils au menton. J'avais une barbe, qui m'allait très bien d'ailleurs, mais avec l'interminable hiver je me suis résignée à la raser, car j'en avais assez de la coincer dans la fermeture-éclair de mon manteau.
Merci, En Saignant de me faire sourire. J'essaie de retrouver mon sens de l'humour, très très loin ces temps-ci...
Je n'aurais pas détesté Prof malgré tout, ou Gooba comme En Saignants non plus. Ni Prof Masqué, ainsi que les autres qui écrivent ici. Une formidable équipe !
tiens, j'ai offert un superbe t-shirt à un pote "enlarge your péniche" qui siérait bien à notre ami l'en Saignant...
Je suis TRÈS heureuse de t'avoir surpris!! Flattée! :o)
Lise, je pense que si les enseignants qui sont ici formaient une école à eux, ce serait la meilleure du Québec! :o) Avec moi comme directrice, ça marcherait au pas, c'te gang de rebelles! ;-)
J'ai adoré ! Mais PAR PITIÉ, plus de «celà», on écrit «cela».
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