Je crois que notre amitié a commencé sur un terrain de baseball. Deux gars issus de la même campagne, différents de la majorité des garçons de notre âge. Peut-être juste une envie un peu plus forte de refaire le monde ou encore un intérêt vers les poètes ou les chanteurs qui avaient essayé avant nous, allez savoir. Tout ça entre deux "flyballs". Moi au champ gauche, lui au deuxième but.
Puis vint les rencontres à l'église pour honorer la tradition chrétienne de nos parents. Lui était protocolaire, moi non. Je crois qu'il appréçiait plus que moi ces moments de recueillement. Nous avons tôt fait de nous rencontrer à la messe de la chapelle de l'hôpital, celle qui ne durait qu'un petit vingt minutes avec en prime de la musique qui nous faisait toujours attraper des fous rires interminables.
Notre amitié s'est solidifié avec comme base nos intérêts communs mais surtout, une passion qui se développait: la lutte! Moi, j'étais plus Hulk Hogan ou Randy Savage. Lui, il était tout à fait Rodddy "Rowdy" Pipper, un méchant à la langue bien pendue. Toujours amant des mots, il se régalait devant ses envolées lyriques contre les bons. Puis, il y eut le hockey. J'étais Habs, il était et est toujours resté "Big Bad" Bruins. Je l'ai toujours soupçonné d'être surtout anti-Canadiens, tellement il détestait cette équipe. Combien de fois a-t-il mis le fait qu'ils repêchaient les trois meilleurs joueurs québécois à l'époque comme raison principale pour leurs succès dans les années 50, 60 et 70? D'interminables prises de becs avec aucun gagnant en bout de ligne.
Le début de la vingtaine allait marquer la fin de notre relation proche. Les sorties dans les bars et nos longues marches, de retour du centre-ville alors que les oiseaux nous rappelaient qu'il était tard, ou tôt. Avec CArthasis, combien de fois avons-nous titubé jusqu'à la maison, tentant du mieux que l'on pouvait de suivre les lignes tracées par le trottoir?
Puis, il est parti pour Québec et moi, pour Montréal. La distance a fait son oeuvre, comme elle réussit toujours. Il s'est marié, j'ai continué à sortir. Il a suivi la ligne et j'ai erré un peu plus.
Et voilà que ce soir, je vais faire un tour sur son profil Facebook et j'aperçois des messages de sympathie de ses amis. Je le savais condamné depuis trois semaines, à la suite d'un incident qui a décelé que son cerveau était atteint. Virtuellement, il était déjà parti. Plus de billets sur son blogue, plus de transactions dans le pool de baseball dans lequel nous aspirions aux grands honneurs, plus de coucou sur MSN... Le cancer a fait une autre job sale et rapide.
En faits, je ne l'aurai pas vu depuis une dizaine d'année. Quelques occasions ratés, volontairement ou non. Je n'aurai jamais vu ses enfants et lui, les miens. Depuis quelques mois, nous nous attrapions régulièrement sur MSN, le temps de se donner des nouvelles. Il me parlait de son cancer, de hockey, de football. On avait l'habitude de s'attrapper chaque dimanche après-midi durant les matchs de la NFL pour faire nos gérans d'estrade. Et toujours des "lol" à profusion. Nous rêvions d'écrire une série télévisée ensemble, c'était notre dernier projet. Il m'avait envoyé un premier essai auquel je n'ai pas donné suite, trop occupé à mon roman. On avait le temps, non? Non.
Avec lui, aujourd'hui, c'est une partie de mon enfance qui s'en va. Exit, les guerres contre des blocs de glace que nous détruisions à grands coups de pieds, tous les artistes qu'il m'a fait connaître, surtout Richard Desjardins dont il m'avait fait entendre la chanson "Et j'ai couché dans mon char...", enregistré sur une cassette avec six autres chansons afin de bien me réveiller lorsque j'étais camelot, les "lavaronis" concoctés avec des ingrédiens louches (vous n'avez pas idée!) avec quelques copains en revenant de veiller, le porte-à-porte pour la campagne de sa maman aux élections municipales et surtout, surtout, toutes ces occasions de refaire un monde à notre image que nous aurons finalement laissées passer.
Pour la première fois de ma vie, lorsque je regarde mes puces et mon poux, je peux te dire, mon Benoit, que j'espère que nous nous reverrons dans très longtemps. En attendant, je veux bien te faire une confidence qui saura te réjouir, j'en suis certain: tu avais raison pour le Canadien. Les joueurs québécois l'ont toujours bien aidé. Tu ne l'avais pas vu venir, hein?
Je t'aime.
"C'est rentré comme un clou
Un couteau dans' patate
La souture a tenu l'coup
Well, let's drink to that!"
-Richard Desjardins, Et j'ai couché dans mon char
25 commentaires:
Les mots me manquent...
Toutes mes sympathies
xxxx
J'en pleure.
La vie ne tient qu'à un fil. La vie est fragile. J'espère de tout coeur que celle de ton ami a été riche, remplie de bonheur, malgré cette fin prématurée et si injuste. Il vivra toujours dans le souvenir de ceux qui l'aiment, et à travers ses enfants. C'est la seule consolation qui soit...
Câlin et tape sur l'épaule pour toi xxxx
Tu as réussis. Ce billet "est" beau. C'est les yeux remplis d'eau et la gorge nouée que je me dis que tes mots pourraient être (seront) les miens dans quelques années, quelques mois, quelques jours... Je t'offre mes condoléances...
Beau billet tout comme une belle amitié. Pas besoin de proximité physique quand les coeurs se rejoignent.
J'allais sur son blogue plusieurs fois par jour. Il n'écrivait plus. Dans le fond, je gardais espoir;me disant qu'il n'avait plus le goût d'écrire comme moi. J'essayais de me convaincre que ce n'était que ça.
Tu me donneras les coordonnées, j'irai lui dire un dernier bonjour.
Toute mon amitié
xxx
Un héritier, un héritage... on dira que c'est le cycle de la vie. Foutaise. Tous les vieux vous le diront : la vie est trop courte. Il devient alors tellement illégal de la quitter quand on est jeune, quand on a des enfants qui ont tant besoin de nous. Maudite cochonnerie de maladie. On se pense supérieur, invincible, on est encore au Moyen-Âge.
Le blogue de Benoît m'a toujours troublée. D'abord par son côté provocateur de la maladie, sa façon de souligner qu'il était pas "cancérologiquement" correct. Mais également par les deux issus possibles de ce blogue : la rémission ou la défaite.
Le blogue se ferme sur un changement de pansement en attendant le verdict d'un bilan médical. On suppose que c'est ce bilan qui a fermé le rideau. Quand le verdict tombe, il n'y a de place qu'à l'essentiel, qu'à l'urgent.
J'espère seulement que ses enfants lui ont murmuré : tu peux t'en aller.
Comme la vie est précieuse, mais qu'est-ce qu'on fait à tant la gaspiller ?
Je suis désolée.
Pas de mots. Si peu de mots.
:-|
Catherine
Bel hommage, pour un homme grand et sensible. Je souhaitais tellement une autre fin. Mes sympathies, l'ami.............
Je suis allée sur son blog avant de lire ton billet. C'est écrit : "Pour que mes enfants sachent ce que leur papa adoré a vécu et qui il était". J'ai trouvé ça vraiment triste. Puis..j'ai lu ton billet. Ça me touche beaucoup, mes sympathies..
Mes pensées t'accompagnent, toi qui n'a pas peur de dire ces paroles qui donnent du sens à la vie et par lesquels tu termines ton hommage.
Garde bien dans ton coeur tous ces merveilleux souvenirs.
Zed
C'est une belle amitiée couchée en mots que t'as décrit là mec.
Mes sympathies xx
Très bel hommage que vous avez rédigé.
(...) le cancer, une hantise,un voleur sournois, un briseur de vie.
C'est un billet écrit avec le coeur et c'est très touchant.
Mes sympathies...
Mes sympathies
xxx
Mes sympathies
Le 18 juillet un bébé prématuré est né. Le 19 juillet une personne très âgée est décédée. Est-ce là l'équilibre de la vie?
ce billet est très touchant; il rend bien hommage à ton ami, celui qui est parti t'attendre sur un nuage..
Mes sympathies à toi.. XXXX!
Je ne serai pas original en disant que je te présente mes condoléances! Une pensée toute spéciale pour ses enfants... Maudit que c'est plate!
:(
Toutes mes sympathies.
Mes sincères condoléances.
Tous ces souvenirs sont touchants, très touchants.
Merci à tous et à toutes pour les souhaits. Ça fait chaud au coeur. La blogosphère est un univers tissé beaucoup plus serré que l'on pense. :)
Je prends connaissance de ce billet maintenant, avec bien du retard, et j'ai le gros motton, pour toi, pour ses proches, pour les simples mortels que nous sommes. Le cancer me met toujours en colère, mais ça, c'est une autre histoire...
Mes sincères condoléances. Vraiment.
Nous nous sommes souvent croisés chez Ben, entre deux commentaires laissés ici et là.
Je viens tout juste d'apprendre la nouvelle et j'ai l'impression d'avoir perdu un ami.
Je pleure mon ami virtuel que j'aimais visiter et je tends la main à tous ceux qui l'ont connu.
Une pensée de tendresse pour son ami l'En Saignant dont Ben parlait souvent...
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