mercredi 23 octobre 2013

Pourquoi enseigner? (notes éparses)


-L'enseignant, mon fils me dit que vous lui avez enlevé son lecteur de MP3.  Pouvez-vous lui remettre s.v.p.?
-Je vais lui remettre mais à la fin de la semaine seulement, comme convenu avec lui.
-C'est qu'il ne peut s'endormir le soir sans écouter sa musique.
-...

Pis après ça, on s'étonne qu'il ne garde pas le silence lors des périodes de lecture.  "Le silence tue", doit-il se dire.

***

On nous demande à nous, les profs, de faire tout ce que les parents n'ont pas le temps de faire à la maison.  Et du temps, il en manque partout dans les familles.  On doit les former comme futurs gardiens, les amener en sorties, leur montrer comment on fait un bébé et surtout, comment on n'en fait pas, leur montrer à prendre les bonnes décisions (il existe un tas de programmes là-dessus, c'est suprenant!), à se tasser lorsqu'on croise une personne âgée sur le trottoir afin qu'elle n'ait pas besoin de grimper la clôture pour ne pas se faire piétiner, à ouvrir son cadenas au secondaire (le stress passé par tous les intervenants du passage primaire-secondaire, c'en est pathétique)...

En plus de...

Les avertir quand mettre du déo, comment ne pas mettre trop de Axe, comment manger proprement, comment pisser dans la bol...

En plus de...

Toutes les affaires scolaires, quand il nous reste du temps.

***

-L'enseignant, mon fils n'a pu faire ses devoirs hier soir car nous sommes revenus tard de chez sa tante.
-Votre soeur?
-Bien non, sa tante.
-La soeur de son père?
-Non, sa tante à lui.  
-...

Essayer de comprendre les familles d'aujourd'hui et leur constitution, c'est plus compliqué que d'apprendre les lois régissant les états américains.

***
  Le plus beau, là-dedans, c'est qu'on ne peut pas se plaindre.  Je dis depuis longtemps que nos conditions de travail sont trop généreuses.  Et là, je sais que j'embarque sur un terrain glissant.  Mais ne vous en faites pas, je porte un casque.  Plus pour me protéger des coups sur la tête donnés par les autres profs que par peur de glisser cependant.

Les 7 où l'on ne travaille pas sont perçues ainsi, selon le prof et sa résiliance:
  • 7 semaines de vacances
  • 7 semaines de mise à pied forcées (on n'a pas de 4%, non?)
  • 2 semaines de convalescence et 5 semaines de vacances (on est les seuls à rusher au travail au 21e siècle)

On devrait apprécier chacune de ces journées, avec l'interdiction formelle de faire l'un de ces trucs-là:
  • Revenir en septembre et se plaindre de la température (peut-être penser un peu plus à ceux qui ont seulement 2 semaines et qui ont eu autant de marde que nous sur la tête).
  • Se plaindre en chorale le 22 août au soir et faire chier nos "amis" Facebook qui eux, on encore une fois eu 2 semaines de vacances.
  • Arrêter de se plaindre que les pubs du début août nous rappellent notre retour prochain au travail (qui sera fait trois semaines plus tard, soit une semaine de plus que ceux qui, toujours, n'ont que deux semaines de vacances) .
Et je pourrais en rajouter.

Mais l'essentiel auquel je veux en venir, à travers mes multiples parenthèses, c'est que si nos conditions de travail étaient un peu moins intéressantes, ces deux trucs-là se produiraient:
  • Les gens arrêteraient de nous envier et commenceraient à respecter les exigences de notre travail et ce, même devant leurs enfants.
  • La rapace qui nuit à notre réputation (lire: les profs qui n'ont aucune aptitude en gestion de classe, aucun instinct de pédagogue ET aucun charisme) se sauverait du métier au lieu d'attendre leur 70% de pension.
***

- C'est normal qu'il n'aime pas l'école.  Je n'ai jamais aimé ça moi non plus!
-Et vous lui avez dit?
-Bien certain!  Il faut être honnête avec nos enfants!
-Vous lui dites, parfois, que vos journées sont longues en pyjama?
-...

Celle-là, elle vient de ma tête.  Mais ça fait du bien...

***
Pourquoi enseigner?  Parce que j'aime ça encore.  Est-ce que j'adore ça, comme avant?  Non.  Un peu comme un vieux couple.  Un amour tranquille dans lequel se pointent parfois quelques printemps.

Un peu comme un blogue, à bien y penser. ;-)

4 commentaires:

unautreprof a dit…

La motivation me vient des élèves, en classe, dans notre petit monde. Les "tâches connexes" sont nombreuses et lourdes. Pour moi, c'est surtout la paperasse qui me tue. Faire la première communication, puis les pia, puis les bulletins... alouette! Et même quand je suis libérée, laisser la planif clairement et tout, revenir dans ma classe en sachant, au soulagement de mes collègues et élèves qu'encore une fois ça a été le bordel (physiquement je le vois aussi) , bof.

Anonyme a dit…

Je suis aussi prof de 6e et j'ai l'impression que vous avez lu dans ma tête pour rédiger votre deuxième réflexion!

L'ensaignant a dit…

On vit les mêmes trucs.. chacun dans nos coins. Bizarre, non?

Le professeur masqué a dit…

Trop généreuses, nos conditions de travail? Pour les rapaces qui polluent le métier, oui. Pour les malades qui travaillent comme des fous, non.

Le problème, ce n'est pas les conditions de travail. Elles ne le sont d'ailleurs pas tellement si les bons candidats ne viennent pas dans ce secteur. C'est qu'on peut demeurer prof et incompétent pendant des années sans que rien n'arrive.

La supervision des profs, la formation continue, voilà ce qui manque.