Il s’est dessiné dans la grisaille du trottoir ce matin, au coin de deux rues anonymes d’un quartier que personne ne connaît. En faits, personne ne veut connaître le quartier que je traverse chaque matin en grande partie à cause de gens comme lui.
Il claudiquait, se retenant de tomber par terre à chaque enjambée en s’appuyant sur sa canne. Sa barbe n’était pas entretenue et ses vêtements semblaient disparaître un peu plus à chaque pas. Il ne craignait pas la pluie car son crâne était protégé par un chapeau en forme de grenouille, la langue et les yeux globuleux en relief. Je suis certain que si la radio de mon ensaignantmobile avait été fermée, je l’aurais entendu croasser.
La désinstitutionalisation a vraiment fait des ravages sur nos rues et nos parcs, non? Leur permettre de vivre en liberté dans nos espaces publics, quelle honte. Ils parlent seuls comme ceux de la maison de transition à un coin de rue de chez nous. Ils fument, fument et fument, s’allumant avec une cigarette pas encore terminée. Ils nous fâchent quand ils crient à chaque coin de rue et nous font échapper notre Ipod ou marcher dans une flaque d’eau avec nos souliers trop chers.
Et parfois, dans nos classes, apparaissent les futurs marginaux de notre société. Ils sont jugés incompatibles par les élèves normaux, ceux qui écoutent les High School Musical à la chaîne et fredonnent tous les mêmes chansons pour mieux se fondre avec les autres afin de créer les fondations de notre société d’un métal trop uniforme, trop propre et pas même solide.
Ils ne peignent pas leurs cheveux le matin, connaissent les chansons de Joe Dassin par cœur, rougissent lorsqu’on leur adresse la parole trop directement et ensuite, nous lance en pleine figure une phrase incompréhensible lorsqu’on s’y attend le moins. Ils parlent tout seul dans la cour d’école et dans les cours de maths et surtout, surtout, viennent déranger parce que pas pareils, pas des copies conformes à ce qu’on définit comme un futur adulte responsable. Et enfin, ils ont leur propre code de vie, souvent à cent lieux de celui de leur école.
Pourtant, je les envie. Sans eux, finie la classe bicolore. Qu’une même couleur, fade et qui ne pourrait fâcher les adeptes du sur place et du conservatisme. Si j’avais un peu plus de courage, je les accompagnerais dans leur folie, s’ils daignaient m’en partager un peu.
Et peut-être à bord de votre voiture, passeriez-vous aussi par ce quartier anonyme un bon matin et seriez surpris de voir un vieillard déguisé en grenouille accompagné d’un Ensaignant en déguisement de souris partis à la recherche de gruyère et de quenouilles.
-Pauvre eux, serait peut-être votre pensée. Ils sont si différents.
C’est que vous n’auriez pas vu notre sourire…
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5 commentaires:
C'est romantique.
Mais j'ai quelques réserves quant à la liberté, puisqu'anticonformiste, que l'on peut ressentir lorsqu'on entend des voix dans sa tête. Que nos fils connectent mal ou qu'on n'a pas d'inhibitions. Je ne pense pas que cela soit si Jojo que ça.
Pis tsé.
Etre conforme, ce n'est pas une tare. Faire son chemin lorsqu'on en a la lucidité versus traverser la rue sans regarder parce qu'on ne saisi pas le concept d'un code de la route... c'est pas plus facile.
J'pense que je vais partir un mouvement. Le FRAC! Le Front Révolutionnaire des Anonymes Conformes.
;-)))
Comme toute bonne littéraire qui se respecte, je partage votre vision romantique de la folie (lié bien souvent avec le génie créateur), ou du moins je l'ai partagé longtemps, par contre, il ne faut pas oublier que leurs problèmes vont au-delà des simples différences vestimentaires et du "non-conformisme" (bien involontaire, soyez-en sûr), car la vie quotidienne de ces personne en est une de souffrance principalement et ces souffrance ne sont pas issues nécessairement du mépris que peut leur porter autrui.
Dans mon quartier, il y a une vieille dame asiatique habillée moitié poupée(des gros ronds rouges sur les joues) moitié prostituée. Elle ne parle pas aux gens mais ne semble aller nulle part, je ne sais pas ce qu'elle pense... je lui dirais "bonjour " la prochaine que je la croise, en pensant à ton billet.
Bonne journée.
Pichman
Peste: Ouais, tu parles. En fait de conformiste, je me débrouille pas mal non plus et j'embarque dans ton mouvement. Peut-être as-tu besoin d'un visse-président.
Pour ce qui est du jojo, je ne sais pas. Sûrement pas. Mais c'est le côté liberté qui m'a allumé. Un peu simpliste et réducteur comme mode de pensée mais ça me décrit bien. ;)
Belle Lurette: La souffrance des êtres semblables ne doit pas être facile à gérer, c'est certain.
Mais le Mr. Grenouille en question, que j'ai revu ce matin encore une fois, me semble être simplement un joyeux luron. Et si c'est le cas, j'envie encore cette "folie", peut-être pas prise au pied de la lettre.
J'ai passé une partie de ma vie à tenter de me conformer pour... pour... pourquoi au juste? Je connais la réponse mais bon, ce n'est pas de cela dont il est question.
Disons que ce billet était à la fois un exercice de style et une vision bien étroite du sujet.
Peut-être pas habile mais bien honnête pour qui sait lire entre les lignes bien grasses. :)
M.Lacolère: Tu as ta folie que j'ai souvent envié, tu sais. Un certain soir d'élection. En plein le genre de comportement qui t'a rendu intéressant à mes yeux, immédiatement.
Allez, bon brin de jasette!
Great posst thanks
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