mercredi 10 mars 2010

Sauter et atterrir au bon endroit

Nous sommes en 1992. Je suis assis sur le rebord de la fenêtre de ma minuscule chambre située au seizième étage des résidences de l'U. de M. Je regarde en bas et ma tête tourne...

Vous souvenez-vous de votre jeunesse? Large comme question? O.K., rétrécissons la période un petit peu... Vous souvenez-vous de votre adolescence? Disons, le secondaire?

L'apparition de l'amour dans votre petit coeur pour quelqu'un n'appartenant pas à votre famille, l'impression que votre vie débute avec son arrivée et se termine avec son départ, les frissons, les fou-rires avec les amis dans les vestiaires après les cours de gym, la première cigarette, le premier verre, ressorti quelques heures après avoir été ingurgité, les pactes de sang, à la vie, à la mort, les réussites, parfois, les échecs, souvent, les parties de football, de hockey, de volleyball, les trahisons...

Vous me voyez venir, n'est-ce pas? Vous imaginez sûrement que s'en suivra un récit de mon adolescence et de mes nombreuses conquêtes amoureuses. Ou encore un texte humoristique sur le lien entre l'apparition de l'acné juvénile et la passion pour les films d'horreurs. Nan...

En regardant mon bulletin il n'y a pas si longtemps, je me suis aperçu qu'en secondaire II, ma moyenne générale avait chuté de 30 points entre la première et la troisième étape pour ne plus jamais remonter plus haut que la ligne d'horizon. Ça m'a intrigué. J'ai questionné ma mère mais n'ai pas obtenu de réponses.

Je me suis aussitôt aperçu que mes souvenirs étaient, comment dire, rares et espacés. Certes, le premier décolleté d'Annie R. en secondaire un me marque encore, ainsi que les railleries d'un groupe de secondaire V qui avaient vu chez la tuque de ce petit cul à frickles l'opportunité de provoquer une bonne rigolade me reviennent à l'esprit sans trop d'efforts mais c'est à peu près tout. Un grand trou noir pas d'étoiles.

J'ai longtemps cherché la cause de cela, m'imaginant un drame gigantesque qui aurait créé un écran dans ma mémoire, bloquant le bon comme le mauvais. Ce n'était pas le cas. Enfin, je ne crois pas.

Je crois que la responsable de cette amnésie est la même qui a rendu compliquée une bonne partie de ma vie. Cette maudite sensibilité.

Si on place notre main sur quelque chose de brûlant, notre corps commandera à notre main de s'enlever de là au plus cr... Si j'enveloppe de ma main votre bouche et votre nez et que vous ne pouvez plus respirer, votre corps se battra avec une énergie que vous ne lui connaissiez pas pour survivre. Autant de réflexes que de menaces.

Qu'arrive-t-il si ça fait mal en-dedans, tout le temps? Si les actions, comme les souvenirs, provoquent une souffrance si grande que vous avez l'impression que vos organes veulent exploser? Que fera votre corps alors?

Black-out.

Heureusement, il y a la sérénité, enfin, un semblant de sérénité qui arrive un jour. On vit une grosse peine, on n'en meurt pas et on comprend que jamais on n'en mourra. Puis, on s'endurçit sans permettre à notre coeur de s'arrêter. On aime moins mais on survit. On se passionne moins mais on est encore là.

...d'un geste brusque, je saute... dans ma chambre. Peur de moi. Et alors que j'écoute ma Loutre me raconter sa journée à l'école où elle m'avoue, entre deux histoires naïves de petits gars, que son amie lui a fait de la peine et que ça lui a fait mal à son petit coeur, son précieux coeur, je suis content d'avoir fait le bon choix.

5 commentaires:

Prof Malgré Tout a dit…

Le black out... J'pense qu'il faut oublier pour s'en sortir. À 23 ans, je me suis souvenu que j'étais suivi par une travailleuse sociale 10 ans plus tôt. Pourtant, ma blonde de l'époque étudiait en travail social. C'était juste trop tôt pour ressortir avant ça. Pourquoi? Toutes les réponses à tes questions et aux miennes, tu les trouveras vendredi le 19 février, au 5585 De La Roche, à partir de 19h00.

Come on!

L'ensaignant a dit…

Sorry Dude, it's poker night!

Prof Malgré Tout a dit…

Quoi? Vous allez jouer sans moi?

Anonyme a dit…

La peine de celles et ceux qu'on aime efface un peu la nôtre, non? Un jour, quand c'est moins sensible,ca réapparait ou pas.

Aimer différemment...

Bonne semaine à toi! Zed ¦)

Anonyme a dit…

Ce genre de black-out doit effacer aussi une foule d'informations très utiles sur la personne que l'on est et ce que l'on veut. Quand la paix est revenu, c'est probablement une bonne idée de replonger dans le noir à la pêche aux trésors.