mercredi 18 mars 2009

Collègue Parfaite

C'est maintenant officiel. C'est arrivé au troisième point de l'assemblée du personnel, vers 15h45 aujourd'hui. Et moi, je le savais depuis une semaine. Je vous raconte.

J'ai effleuré le personnage de Collègue Parfaite à quelques reprises ici. C'est une femme que j'estime beaucoup qui est arrivée en même temps que moi dans cet établissement. Au début, elle ne m'a pas fait bon impression. Elle me paraissait froide et comme elle était ma seule collègue de niveau, je me trouvais fort mal choyé. Trois ans plus tard, nous en rigolons encore.

Lundi le 9 mars au matin, j'ai à peine le temps de mettre les pieds dans l'école qu'elle m'annonce qu'elle doit me parler tout de suite. On sort en griller une du côté du stationnement, bien à l'abris des oreilles indiscrètes. Elle m'annonce qu'elle s'est fait offrir un poste de direction-adjointe et qu'elle doit rendre sa décision avant 15h30 dans l'après-midi. Coup de massue.

Elle me demande ce qu'elle devrait faire. Je pense à elle et à la situation idéale à laquelle elle fait face. Trois mois de remplacement pour aller tâter la tâche dans un nouveau quartier. Elle est désirée, c'est évident. C'est une femme toujours prête à s'éclater dans la nouveauté et les défis.

-Je pense que tu devrais dire oui!
-Tu penses?
-Bien oui.

Et je lui explique les raisons sur lesquelles se fonde mon opinion, comme un grand. Mais je suis tout petit à l'intérieur. Minuscule. J'ai peur. J'aurais le goût de lui dire de ne pas partir, de rester quelques vies de plus à côté de moi, histoire de voir combien d'enfants nous pouvons encore rendre heureux ou pour nous raconter nos vies une centaine de fois de plus pour être bien certains de bien s'être compris.

Comme un grand, je lui ai donné la plus belle marque d'amitié possible. Penser à elle plutôt qu'à moi.

Perdre une collègue? Bien voyons, ça arrive à tout le monde, ça! Oui, et j'en ai perdu plusieurs au fil des années. Parfois, ça a fait mal, un peu. Souvent, ça ne me foutait rien car j'avais pris la peine de me protéger en créant une distance raisonnable entre nous deux avant le jour J. Me protéger, me geler, me protéger pour me geler.

Mais voyez-vous, on en parle pas d'une collègue, ici. Elle connaît ma vie comme très peu de gens la connaissent. Elle connaît mes points d'ombre et de soleil. Elle me lit comme un livre ouvert. Elle me répond sans que je lui pose de questions. Et toujours l'écoute. Et toujours la confiance. Et l'absence totale de compétition. Et le non-jugement, peu importe l'énormité de mes propos. La perle d'entre les perles.

Moi qui ait toujours besoin de repères dans les différentes sphères de ma vie, voilà que je me retrouve seul une fois de plus. Avec l'envie de me replier sur moi-même mais le souhait de m'ouvrir au suppléant afin de l'aider à bien s'acclimater.

Elle n'était pas une bouteille de champagne, ni même un grand vin dans ma vie. Elle était mon vin de semaine, celui qu'on boit à chaque jour, au rythme d'une cigarette, d'une surveillance ou d'une période de libération commune. Témoin de mon quotidien, de mes réussites, de mes angoisses et toujours là pour me ramener quand je dérapais.

Nous nous reverrons, c'est certain. Nous ne sommes pas les meilleurs pour entretenir des amitiés, ni elle, ni moi mais nous ferons des efforts. Parce que nous avons compris que des gens à qui on ne doit rien et avec qui tout coule facilement, c'est trop précieux.

Je me trompe peut-être, mais ce matin-là, quand elle m'a demandé conseil, elle se foutait pas mal de ma réponse. Ce qu'elle voulait savoir était tout simple. Est-ce que je la laissais partir?

Oui, Collègue Parfaite, tu peux partir. Et je ferai cela comme un grand, c'est promis...

Même au jour J qui s'en vient trop vite

11 commentaires:

Yano a dit…

C'est infiniment plate ces départs, même s'ils sont salutaires pour l'un des deux. Je ne suis pas encore tout à fait remis du départ du bureau de celui qui est devenu mon meilleur ami; nos pauses allongées, nos niaiseries inavouées et j'en passe et des meilleures.

Pis là il y a le foutu temps qui fait son oeuvre, petit à petit. Une chance qu'il est toujours là, lui.

Hortensia a dit…

Je ne sais pas si elle fréquente ton blogue, mais tu devrais lui faire lire ce billet. Touchant.

Drew a dit…

TOn billet me porte à penser qu'un jour dont la date m'est encore inconnue, mon grand chum le directeur-adjoint va quitter pour une autre école aussi...

J'comprends comment tu te sens mec!

Au pire viens ensaigner ici :-D

Anonyme a dit…

Quel billet touchant...

Zed

Gsawyer a dit…

Un jour , tu risques de vivre la même chose...je te vois comme directeur l'ensaignant...selon moi une équipe-école solide commence par une direction d'école solide...et non pas par une direction qui joue au gestionnaire...j'arrête là je vais saigner du nez! ( info gratuite: surnom de mon directeur '' le grand Farfadet'')

Sincèrement désolé

Maintenant, Comme Paul Arcand le dit si bien le matin l'ensaignant: '' Voici la section enigme''

Premier conseil: tu penses trop l'ensaignant....après ces quelques hints...j'espère que tu seras en mesure de savoir qui je suis et de tout simplement m'appeler.

hint number 1: tu as déjà mon numéro de teléphone.( you..ououo)

hint number 2: i'm not Irish christ i'm scottish.....'' Tu l'as sur un plateau''

hint number 3: Si ma femme était championne de bowling...son surnom serait ''Abat..rbara''.

En principe je devrais arrêter là...mais je vais continuer.

hint number 4:Dans un billet précédant tu disais ''J'ai joué au hockey toute ma jeunesse. Toujours dans le "C". Toujours un défenseur défensif. Donc à S.O.M. tu serais un 1/4/1 du nom de Garth Butcher.
Mais pour te consoler, tu venais me voir sur le perron de l'église.

hint number 5: mon père avait toujours une drôle de manière de t'accueillir à la maison...l'été... 35 C gros soleil et nous, on jouait à Strat-o-Matic. Je le site '' Saluttttttttt l'ensaignant...belle journée pour jouer au baseball.....de table.''

Christ de Normand....il me manque tellement.

apelle-moi l'ensaigant

B.O.M.

Gsawyer a dit…

oupss... 2 p dans appelle..sorry

Le professeur masqué a dit…

En saignant: ton altruisme t'honore. J'ai une collègue que j'estime qui a quitté de la sorte cette année. Ma plus grande joie est que nous continuions à déjeuner ensemble et à jaser au téléphone à l'occasion. C'est drôle: les enseignants, on est souvent très proche et la vie nous séprae comme ça, au gré des affectations ou des défis.

La Tortue têtue a dit…

J'ai une amie-collègue qui est partie depuis maintenant 5 ans. Bien sûr, on se voit encore.

Mais, les petites pauses éclair dans le vif des journées me manquent encore terriblement. Et à elle aussi.

Parfois, on s'appelle pour ventiler de nos univers respectifs.

Très beau billet; encore une fois très touchant. Assure-toi qu'elle le lise.

L'ensaignant a dit…

Yano: Toujours ces détails-là qui nous manquent déjà. Le temps, ouais, on pourrait avoir une longue discussion là-dessus...

Hortensia: Elle le fréquente sporadiquement mais je lui ai fait le message, bien humblement.

Drew: Et on n'est pas les premiers à qui ça arrive ou ça arrivera, pas vrai?

Zed: Merci beaucoup. Mais l'inspiration est encore plus touchante.

Gsawyer: Je me doutais bien. Les semaines passent, les mois passent et soudainement, la gêne et la culpabilité qui prend le dessus. Fin de semaine chargée mais je t'appelle sans faute la semaine prochaine. Merci de tes bons mots et de ta grande compréhension, l'ami.

PM: Une espèce migratoire, par survie bien souvent. Tu devrais faire un billet là-dessus... Salutations!

CAtharsis: Merci beaucoup. Toujours et encore les graines de quotidien qui viennent nous chercher. Peut-être parce que le bonheur s'y trouve après tout.

bobbiwatson a dit…

Attention aux mirages: ils n'existent pas que dans les déserts.

¤Enidan¤ a dit…

Vivant avec une affectation annuelle plutôt rocambolesque à chaque année, je connais ça les départs... et j'en ai vécu plus d'un qui m'ont fait verser une larme... on s'attache à ces p'tites bêtes là !!