mardi 29 avril 2008

100 questions, aucune réponse (vol.2)

Je me demandais, juste comme ça...

1) Si l'appétit va, tout va, pourquoi est-ce que je me sens plus ou moins bien quand je mange un sac de chips pendant une partie de hockey?

2) Pourquoi le coeur se décide t'il à parler, après tant d'années de silence?

3) Et pourquoi n'arrête t'il jamais de parler à partir de ce moment?

4) Pourquoi la vie traite t'elle certaines personnes ainsi?

5) Notre orientation sexuelle est t'elle vraiment importante pour être touché(e) par ceci?

6) Pourquoi y a t'il certaines activités comme celles-ci qui nous rendent jaloux?

7) Qui a inventé cette histoire que "tout fout le camp", après avoir bu "rouge sur blanc"?

8) Pourquoi n'a t'il aucune émotion, même quand vient le temps de m'annoncer qu'il déménage dans deux jours?

9) Pourquoi est-ce que ça me fait de la peine?

10) Pourquoi est-ce que deux petits cartons comme ceux-ci nous en disent plus sur le genre de prof qu'elle est que n'importe quel billet?

11) Pourquoi ai-je de la difficulté à vous donner un lien vers cette excellente idée, sans sembler vous dire de voter pour moi?

12) Pourquoi suis-je si compliqué?

13) Pourquoi aller lire ses humeurs devient-il comme une obligation journalière pour moi?

14) Comment peut-on, en si peu de mots, me faire rire autant?

15) Comme un mot si simple peut-il devenir un si beau billet?

16) Pourquoi les petits drapeaux du Canadien sur toutes les autos, au lieu de me paraître quétaines, ressemblent-ils plus à un projet rassembleur?

17) Pourquoi refuse t'il d'avouer publiquement que son vrai nom est Nicole?

18) Pourquoi n'ai-je toujours pas reçu mon 5 kg de farine Five Roses, ni ma carte du monde gratuite, tels que promis ici?

19) Pourquoi n'ai-je aucune réponse à ses questions?

20) Pourquoi serais-je inquiet si j'en avais?

21) Pourquoi, sur sa photo, a t'il l'air d'un vieux sage et un peu moins sage quand on lit ses commentaires?

22) Pourquoi suis-je certain que ça lui fait plaisir de lire cela?

23) Pourquoi ma voisine a t'elle appelée sa chienne Maggie, soit le même nom que la petite fille de ma locataire d'en haut, alors qu'elle la connaissait?

24) Pourquoi est-ce autant une preuve de son grand talent que de solidarité que l'on retrouve souvent sur la blogsphère?

25) Pourquoi est-ce je ri tout seul à l'idée d'imaginer la face des AUTEURS et AUTEURES en très grosses majuscules devant cette victoire?

26) Y a t'il vraiment un seul sujet à son épreuve?

27) Pourquoi cela a t'il été réconfortant de lire ceci?

28) Pourquoi est-ce toujours en période d'examens que je commence ce genre de billets?

29) Que signifie "glousser" pour un être humain?

30) Que signifie "tousser" pour une dinde?

31) Comment rend-il ses dialogues si intéressants?

32) Pourquoi suis-je certain que jamais, je ne réussirai à écrire un tel billet?

33) Est-ce qu'on appelle cela être conscient de ses limites?

34) Pourquoi est-il bloqué par le proxy de la CSDM?

35) Pourquoi cela coûte t'il 30$ aux parents pour que leur fille porte un costume consistant à deux petites ailes d'oiseau en fausses plumes à un spectacle de danse?

36) Pourquoi un imberbe que je connais bien est-il incapable de se faire pousser un "pinch" des séries sans que ça ait l'air d'une demi-lune sous le menton?

37) Devrait-on lui payer des cours de dessin ou une psychanalyse?

38) Devrais-je lui dire que mon nom ne s'écrit pas comme ça dans sa liste de liens?

39) Près de deux heures de travail pour 39 questions, ça veut dire combien de temps pour 100 questions?

40) La réponse serait-elle différente si c'était un blog chinois?

41) Combien faut-il d'amour dans un coeur pour écrire des mots si beaux?

42) Et puis, le Canadien en 6?

43) Si je rencontre un Serge dans une ruelle sombre, pourquoi suis-je certain qu'un d'entre nous y restera?

44) Pourquoi n'ai-je pas tiré des leçons de l'investissement qu'un tel projet demande?

45) Elle me manque et vous?

46) Si vous allez la saluer, ne lui dite pas "à l'eau"!

47) Comment lui dire que je suis si heureux pour elle?

48) Pourquoi ne serai-je plus jamais capable de voir Soeur Angèle de la même façon?

49) Réalise t'elle qu'elle vient de créer avec ce tout petit billet une vague de confessions pour le moins troublantes?

50) Si le Canadien jouait réellement mieux que les Flyers, n'auraient-ils pas gagné les deux dernières parties?

51) Pourquoi est-il impossible, année après année, de déchaumer mon terrain sans avoir l'impression que le gazon que j'enlève ne reviendra plus jamais?

52) Cela aurait-il un rapport avec ma calvitie naissante?

53) Dites, une petite pause, le temps de danser un peu, ça vous dit?

54) Est-ce normal que ce soit peut-être la cinquième fois que je danse à jeûn dans ma vie?

55) Blagues à part, n'est-ce pas là un exemple parfait de billet que vous auriez aimé faire vous-même?

56) Pourquoi y a t'il des vérités comme celle-là qu'on ne peut se permettre de dire tout haut au Québec?




57) Je sais que je suis en train d'en faire une obsession mais n'est-ce pas magnifique?

58) Suis-je le seul à m'ennuyer des Expos et des billets à 1$ des estrades populaires?

59) Pourquoi, après avoir essayé ça, vous surprendrez-vous à l'essayer une deuxième fois en vous disant: "Hey, je connais ma géographie mieux que ça!"?

60) Avez-vous du plaisir?

61) Vous sentez-vous parfois dépassés par les évènements?

62) Maintenant, trouvez-vous que dans le fond, votre situation n'est pas si pire que ça?

63) Ne trouve-t'on pas, dans ce merveilleux billet, toute la tendresse d'une mère envers son fils?

64) Réalise t'il à quel point il est chanceux?

65) Pourquoi les interdits sont-ils toujours plus attirants?

66) À leur place, pouvez-vous croire que j'aurais "capoté ben raide"?

67) Sortez-vous sur le balcon, le matin, nu(e), remerçiant le soleil d'être venu nous rendre visite?

68) Vous faites-vous regarder d'une drôle de façon par vos voisins le reste de la journée?

69) Comment composer une question à ce numéro sans qu'elle soit vulgaire?

70) Connaissez-vous cela?

71) Est-ce possible de comprendre sans avoir vécu?

72) Et si les mots et les livres, parfois, n'était pas assez?

73) La ressemblance entre les inquiétudes qu'il soulève dans ce billet et sa personnalité, disons, "troublante", est-elle accidentelle?

74) Et puis, les Yul, vous vous êtes risqués(ées)?

75) L'hypocrisie n'est-il pas le pire défaut, surtout chez des enfants?

76) Pourquoi certains gestes posés par d'autres me font-ils autant de bien?

77) Est-ce qu'un tag aura été déjà si intéressant à lire?

78) Serait-ce le billet le plus, comment dire, immature que j'ai écrit jusqu'à maintenant?

79) Devrais-je abandonner l'idée d'en faire un sur les Backyardigans, sur les Princesses ainsi que sur Toupie et Binou?

80) Pourquoi certains billets nous touchent-ils plus que d'autres?

81) Pourquoi passez-vous autant de temps à lire les blogs?

82) Est-ce que les blogs sont aux livres ce que la télé-réalité est à la télévision?

83) Qui, d'entre nous, n'a jamais pensé abandonner son blog?

84) Suis-je le seul nom de site qui pourrait être récupéré par Héma-Québec?

85) Certaines histoires vous font-elle croire que vous y êtes?

86) Vous êtes-vous rendus(ues) jusqu'ici en lisant chaque question?

87) Si oui, êtes vous compulsifs ou courageux?

88) "88 questions, aucune réponse" aurait fait un bon titre, vous ne trouvez pas?

89) Est-ce que Circé sera assez courageuse pour faire comme dans ces commentaires?

90) Quel est votre blogue mal écrit, complètement niaiseux, à part le mien, vers lequel vous ne pouvez vous empêcher de retourner chaque jour?

91) Avez-vous vous un instant cru que je vous dévoilerais le mien?

92) Certains textes semblent-ils écrits juste pour vous?

93) Réalisez-vous tout le bien que vous me faites?

94) Un marathonien s'est-il déjà effondré à 6 km du fil d'arrivée?

95) Pourquoi suis-je peut-être le dernier blogueur à découvrir ce site-là, juste au moment où j'écris cela?

96) Y'a t'il toujours des explications pour chaque phénomène?

97) Qu'on soit d'accord ou pas, c'est toujours plaisant à lire, non?

98) Est-ce seulement les nomades qui ont ce genre de regard sur la vie?

99) Le sujet de l'examen de français du ministère n'est pas si pire cette année, non?

100) Vous avez vraiment lu jusqu'au bout?

dimanche 27 avril 2008

Une vie comme Dora

Pour Loutre, Koala, Émile, Victor, Laurie-Ève, Léanne, Victoria et tous les autres que je ne connais pas...
Je suis inquiet pour vous parfois. Je crois que ça vient avec le rôle de parents. Je m'inquiète et vous envie souvent. Pour vous, rien n'est plus important que l'instant présent. Vous babounez lorsque votre soeur a pris la seule robe de princesse qu'il y avait dans le panier à déguisement mais vous vous réconciliez aussitôt que vous avez trouvé la couronne. Ou quand le camion que vous aimez tant est en possession de votre petit frère, juste au moment où vous vouliez jouer avec, je sens votre douleur présente et intense, comme si vous aviez perdu quelque chose à jamais. Pourtant, quand vous retrouvez ce vieux casse-tête que vous n'avez pas touché depuis de des lunes et surtout, des arc-en-ciels, votre sourire réaparaît.
Et en même temps, j'ai peur car je sais que la vie est plus compliquée que cela. Et je sais que vous n'y échapperez pas. Je ne sais quoi vous souhaiter, bien souvent...

Je vous regarde et ne peux m'empêcher de vous souhaiter une vie comme celle de Dora l'Exploratrice.

Votre vie sera remplie d'aventure, beaucoup plus palpitantes que les siennes. J'espère que vous pourrez les goûter toutes jusqu'au dernier morceau avec la même appétit qu'elle. Regardez-la allez, défiant les sorcières sur leurs balais, les lutins grognons et leurs ponts. Elle a parfois peur mais qu'un temps. Mais avant de vivre ces aventures, elle se prépare.À qui demande t'elle lorsqu'elle doit aller quelque part? À la carte, bien sûr! Vous devrez faire de même vous aussi. Mais ne craignez rien, votre carte, c'est dans votre tête qu'elle se trouve. Elle est remplie de tous vos souvenirs, drôles et tristes, que nous aurons vécu ensemble. Certes, certains voyages prendront beaucoup plus que trois étapes avant d'y arriver, contrairement à Dora, mais ce sont ces épreuves tout au long du chemin et non l'objectif qui vous fera le plus grandir. Un peu plus tard, je vous parlerai de la rose du Petit Prince mais c'est trop tôt maintenant.

Pourtant, ce n'est pas à cause qu'on sait où on s'en va que tout est facile, loin de là. C'est pourquoi, tout comme Dora, vous aurez un sac à dos.

Et tout comme Dora, il sera bien rempli. Vous y trouverez toutes nos valeurs, toute notre définition personnelle de la vie. Il vous sera très utile car quand vous serez devant une falaise qui vous paraîtra infranchissable, nous y aurons mis quelque chose pour vous aider. Et même quand nous ne serons plus là, car cela aussi arrivera un jour, vous pourrez continuer à le remplir à votre guise.

Mais, même ainsi équipée, vous ne pourrez pas tout faire seul. C'est pourquoi vous aurez besoin d'amis tels que Babouche.

Et vous saurez le trouver, cet ami fidèle, à travers toutes les personnes qui se retrouveront sur votre route. Vous n'aurez qu'à écouter votre coeur car lui, il ne ment jamais. Et cet ami sera pour vous un confident, une béquille, quelqu'un qui nous aide et surtout, que l'on aide en retour. Des personnes telles que vous auront l'embarras du choix, ne vous en faites pas. On vous a préparés du mieux qu'on pouvait.



Et si un jour Chippeur le Renard se met sur votre chemin, ce ne sera peut-être pas aussi simple que dans les émissions pour s'en débarasser. Mais persévérez et surtout, croyez en la vie comme nous avons essayé de vous montrer. Et vous verrez alors tout ce qu'elle a à vous offrir, obstacles ou pas.

Et à la toute fin, vous pourrez vous demander, comme dans l'émission, quel a été votre moment préféré. Vous savez quel sera le mien? Celui de vous avoir vu grandir et continuer à vivre à travers vous.

jeudi 24 avril 2008

Huguette, Richard et moi

Risin' up, back on the street
Did my time, took my chances
Went the distance, now I'm back on my feet
Just a man and his will to survive

Chaque fois que j'entends ces paroles, je pense à Huguette, notre prof d'anglais lorsque j'étais en cinquième année. Elle nous avait demandé de choisir une chanson qu'elle traduirait avec nous pour nous intéresser à la langue de Shakespeare. Et ça a fonctionné, un bout.

It's the eye of the tiger, it's the cream of the fight
Risin' up to the challenge of our rival
And the last known survivor stalks his prey in the night
And he's watchin' us all in the eye of the tiger

Et tous les garçons de la classe se prenaient pour Rocky. Si seulement on avait pu trouver quelqu'un pour nous faire un oeil au beurre noir, ça aurait idéal. Mais bon.

Huguette a perdu un peu de sa crédibilité le jour où le gros Marchand lui a demandé ce qu'était une "bra". Elle lui a répondu que c'était un soutien-gorge. Il a joué la carte de l'innocence, qui était un naturel pour lui et lui a dit qu'il ne connaissait pas cela. Elle l'a pris en pitié et a déboutonné sa chemise devant tout le groupe pour nous montrer sa "bra". Le coeur naïf d'une grand-mère dans le corps d'une enseignante, pas toujours un mélange harmonieux.

Pourquoi je vous raconte cela? Parce que cette semaine, je commençais un sujet arride pour mes élèves, surtout mes garçons: la poésie. Avec la pudeur des pré-ado pour tout ce qui touche aux sentiments, qu'ils commencent eux-mêmes à ressentir, ça me prenait quelque chose pour les accrocher. Alors, je me suis demandé quel poête pourrait les accrocher et leur donner le goût d'explorer ce monde où les mots deviennent fantaisie. Un seul nom m'est venu en tête: Richard Desjardins, un immortel dans la maison En Saignant.

Je me suis souvenu d'Huguette, de Survivor, de Rocky et d'un groupe de gars motivés et j'ai foncé, tête baissé, dans son univers, en espérant qu'ils me suivraient. Pour ce faire, j'ai branché les hauts-parleurs sur mon portable et ai démarré ITunes qui contient tous les disques que j'ai acheté depuis l'arrivée du CD. Les premiers mots ont résonné dans ma classe.

Ton dos parfait comme un désert
Quand la tempête a passé sur nos corps
Un grain d'beauté où j'm'en vas boire
Moi j'reste là les yeux ouverts
Sur un mystère pendant que toi tu dors
Comme un trésor au fond de la mer

Je leur ai demandé leurs commentaires. Ils ne savaient pas trop quoi dire. Ils ne voulaient pas me décevoir, je crois bien. Mais j'avais leur attention, n'est-ce pas là l'important? Heureusement, j'avais aussi un plan. Je leur ai donc expliqué que Desjardins possédait, selon moi, au moins trois types d'écriture. Et que s'ils n'avait pas compris toutes les images cette fois-ci, ils comprendraient sûrement les deux prochaines. J'amène maladroitement mon index sur le "pad" qui me sert de souris vers la chanson suivante.

J'ai roulé 400 milles
Sous un ciel fâché.
Aux limites de la ville
Mon cœur a clenché.
Les gros flashes apparaissent
Dans mon âme égarée,
Les fantômes se dressent
À chaque pouce carré.

Là, l'intérêt a grandi. J'ai demandé aux élèves le sujet de la chanson, selon eux et ils ont très bien compris que ça parlait du retour d'un homme dans sa ville. Bon, on était bien partis. De nouveau, maladroitement, j'essaie et réussit finalement à sélectionner la chanson suivante.

Y ont d'mandé des ventilateurs
à cause du gaz dans le smelter :
" On veut d'l'eau chaude, on veut aussi
un peu d'soleil avant la nuit.
R'montez la cage avant cinq heures. "

Ils ont embarqué à fond dans l'histoire des "fros" et du prix à payer pour des sans-papiers qui ont des revendications salariales. Et je leur ai annoncé que Richard Desjardins pouvait aussi être comique. Ils ont eu l'air surpris. Avec mon doigt qui tremblait à nouveau, partant dans toutes les directions, j'ai finalement réussi à trouver la chanson que je cherchais.

Bienvenue au Boomtown Café
Tout le monde est arrivé
Le show peut commencer
Ouvre tes yeux, ouvre ton cœur
C'est ben mieux de retourner allège
Dehors y a une grosse tempête de neige

Les claquements de mains accompagnaient le rythme rapide et festif de la chanson. On est revenus sur certaines paroles, certains choix de rimes et on en a discuté ensemble. Prochaine chanson.

J'aurais dû, ben dû, donc dû farmer ma grand'yeule
Chus barré tout partout,
chus cassé comme un clou,
toudoudou, je suis un voyou, voyez-vous

Encore là, claquements de main avec, en plus, quelques éclats de rire bien sentis. Bon, ok, ça paraît bizarre d'entendre les élèves chanter le refrain ensemble mais ils commençaient vraiment à comprendre toutes les possibilités de la poésie.

Je me sens alors excité comme quelqu'un qui montre sa maison à des visiteurs pour la première fois. Faire découvrir Desjardins à un groupe d'élèves qui n'a pas le choix d'écouter? Le rêve de tout passionné de musique. Sans trop réfléchir, je mets une de mes chansons préférées.

Avec ma face de game over
l'cordon du cœur traînait dans 'slotche.

Oh, attendez, les paroles me reviennent. Qu'est-ce que j'ai pensé? Je mets mon index sur le "pad" mais ne suis pas capable d'atteindre le bouton pause.

Ça m'prend un ticket, un ti-ketchose,

Je réussis finalement à immobiliser le curseur de ma souris sur le "pause" mais le bouton gauche de la souris ne répond pas. Nous y voilà!

O.K. pompier! fait que suce ma hose.

Rire généralisé. Sauf moi. Je souris bien devant eux, m'excusant de mon erreur, leur expliquant que je ne me souvenais plus des paroles de la chanson mais bon, le mal était fait. Ils ont voulu entendre la suite et j'ai refusé. Un gros clown...

L'an prochain, ce sera Céline suivie de Wilfred avant de finir par Marie-Élaine!

mardi 22 avril 2008

Le coeur tricolore

La cour d'école était déserte lorsqu'il arriva. Seuls quelques goélands se chamaillaient pour les dernières miettes de la veille, remplissant l'air de cris stridants. Ses pas résonnaient si forts que pendant un instant, il eut l'impression qu'il avait 22 ans, deux fois son âge.

Il était arrivé tôt pour que la journée passe plus vite. Presser les minutes pour que les secondes sortent plus rapidement.

-Si je commence une heure plus tôt, peut-être que l'école se terminera à 14h30 et que le match commencera à 18h00, se dit-il à lui-même, sans grande conviction.

Peu à peu, la cour se remplit de chandails bleus, blancs et rouges. On se serait cru à l'époque du Rocket, personnage mythique que son grand-père n'arrêtait pas de vanter. Lui, il avait vu le film et il trouvait qu'il ressemblait beaucoup à Roy Dupuis, sans plus. Lentement, des cris commençaient à monter des petites et grandes bouches autour de lui.

"Go, Habs, go! Go, Habs, go! Go, Habs, go!"

Il n'était plus Ti-Cul, il était devenu Saku Koivu. Sous les cris des spectateurs, il s'avançait vers la clôture qu'il s'imaginait le but adverse. Il déjoua quelques élèves de troisième année qui jouaient à la tag, se cogna contre Amélie avec ses cheveux à l'odeur de lavande et déjoua l'élève de maternelle qui fut très apeuré de voir courir vers lui Ti-Cul. La cloche retentit, mettant fin à la période.

Dans le rang, en montant à sa classe, il s'imaginait rentrer au vestiaire sous les applaudissements des fans. Lorsqu'il tendit les mains pour toucher les leurs, les autres élèves le regardèrent bizarrement, comme à l'habitude.

Mme Cournoyer avait vétu un t-shirt du Canadien cette journée-là. Il épousait ses courbes et Ti-Cul la trouva plus belle que jamais, ce qui n'était pas peu dire. Elle était son premier amour. Son père lui avait expliqué qu'il n'avait aucune chance mais lui s'en foutait. Que pouvait-il savoir des histoires d'amour, lui qui n'avait même pas été foutu de garder sa mère près de lui?

Il s'approcha d'elle et pris une grande respiration. Elle sentait le pop-corn, le ciment et la foule du Centre Bell. C'était son chandail. Lorsqu'elle portait sa robe fleurie, il pouvait sentir les marguerites. Quelques fois, il se trouvait même couché avec elle dans les champs, la tête appuyée contre son sein, bien au chaud. Et ils regardaient les nuages et rêvaient ensemble des voyages qu'ils feraient.

-Ton papa m'a dit que tu allais au match ce soir? demanda Mme Cournoyer, passant la main dans ses cheveux blonds.

-Oui, il a réussi à avoir des billets, avoua Ti-Cul, d'une voix gênée.

-Le septième match, ce n'est pas rien! lui dit-elle. S'il ne peut pas y aller, tu m'ammèneras?

Il voulut répondre mais son clin d'oeil lui indiqua que c'était une blague. De toute façon, pour pouvoir y aller avec lui, il aurait fallu trouver une gardienne pour ses enfants et surtout, expliquer à Mr Cournoyer la raison de son absence. Et Ti-Cul savait très bien qu'il ne valait pas tous ces ennuis.

La journée passa à pas de tortue. Lors de la leçon de mathématique, il s'imagina que Kovalev passait la rondelle à Komisarek qui marquait. Durant le cours d'histoire, le Rocket lui fit un clin d'oeil lorsqu'ils parlèrent de la Révolution Tranquille. Et chaque cloche qu'il entendit fut la fin d'une période, jusqu'à la fin de la troisième prolongation.

Il sortit de l'école en courant, accompagné de plusieurs élèves qui firent de même. Il s'imagina patinant à toute vitesse vers la rondelle libre en compagnie des joueurs des Bruins qui l'entouraient. Il devait à tout prix toucher à la rondelle en premier pour éviter un hors-jeu. Il réussit! Les autres élèves le regardèrent d'un air bizarre lorsqu'il leva les bras au ciel en signe de célébration. Comme d'habitude...

Ils partirent tôt vers le Centre Bell. Son père avait décidé de prendre le métro pour s'y rendre car c'était plus économique que de se trouver un stationnement. En plus, il lui avait promis de manger à la Cage aux Sports située dans le building, question de se mettre dans l'ambiance. Et là-bas, de l'ambiance, il y en avait.

Alors qu'il mangeait sa troisième aile de poulet, il remarqua une fille qui ne devait pas avoir plus de vingt ans assise face à lui, à l'autre table. Elle portait un chandail blanc avec le signe du Canadien qui se dessinait à l'avant, mis en relief par sa poitrine généreuse. Le regard de Ti-Cul passait du visage au CH et de retour vers le visage. Elle s'était dessiné un petit signe du Canadien sur chaque joue et pourtant, c'était dans le vert de ses yeux qu'il allait se réfugier. Lorsqu'elle lui fit un sourire bienveillant, un côté de la bouche montant plus haut que l'autre, il cessa de la regarder.

-Elle me regarde comme un enfant alors que moi, je la regarde comme un homme! se dit-il à lui-même en soupirant.

Ils terminèrent leur repas et partirent dans les escaliers du Centre Bell. Son papa voulut lui tenir la main mais il s'en libéra.

-Un homme, ça regarde les femmes, ça sent leur odeur, ça remarque les beaux chandails et les reliefs sous les beaux chandails, ça ne tient pas la main de son papa, se dit-il.

Lorsqu'il pénétra dans l'amphithéâtre, il eut le souffle coupé. Les joueurs pratiquaient sur la glace mais on aurait dit que c'étaient les 10 000 partisant qui étaient sur la glace avec eux tellement l'ambiance était survoltée. Les pancartes, les chandails, les casquettes et même quelques tuques, tout était bleu, blanc et rouge. Et ce bruit, bourdonnement incessant qui faisait deviner l'excitation de la foule.

Lors des hymnes nationaux, Ti-Cul se leva avec la foule en faisant semblant de chanter le "Ô Canada" avec eux. Il fit bouger ses lèvres en suivant celles d'une jeune fille assise dans la rangée juste en-dessous de lui. Alors qu'il l'observa, elle se tourna et vit qu'il s'agissait de la même fille qu'au restaurant. Il prit son courage à deux mains et lui fit un clin d'oeil, tentant d'insuffler dans ce geste tout le désir qu'il ressentait. Elle lui fit un clin d'oeil à son tour, un sourire en coin et se retourna vers l'avant.

Les trois périodes se déroulèrent à un rythme d'enfer. Il lui sembla s'asseoir sur son banc simplement pour pouvoir se lever plus rapidement. Il vivait le match avec Koivu, passait la rondelle à Kovalev et déjouait le gardien avec Streit. Il tremblait avec eux, il ressentait chaque mise en échec et goutta l'euphorie de la victoire à la fin en leur compagnie. Heureusement, il ne glissa pas sur la patinoire en échangeant des données de main avec les Savard, Thomas, Chara et autres Bruins. Ils avaient travaillé fort, ils méritaient bien ses félicitations.

Ils sortirent du Centre Bell parmi une foule survoltée, chantonnant des chansons et criant plus fort que tout. Pour Ti-Cul, c'était sa parade de la Coupe Stanley. Il lui semblait que tous les passants LE regardaient passer, le trophée à bout de bras. Son père tenta encore une fois de lui prendre la main mais il s'en libéra encore.


-Un champion de la Coupe Stanley, ça ne tient pas la main de son papa! se dit-il.


Un coin de rue puis un autre à se frayer un chemin à travers la foule. Il vit trois jeunes près d'une poubelle et le plus grand sortit une allumette de sa poche et mit le feu dedans. Inquiet, il se tourna vers son père mais ce dernier avait disparu. Ti-Cul avait marché tellement rapidement, tentant de répondre aux demandes de photos incessantes des partisans qu'il en avait oublié l'homme qui l'accompagnait. Et maintenant, il y avait trop de gens et trop de bruit pour le retrouver.

Ti-Cul se dépêcha à s'éloigner de l'incendie et remonta vers Ste-Catherine, le pas rapide. Il se souvenait qu'il étaient descendus par une bouche de Métro sur cette rue, la seule qu'il connaissait dans le Centre-Ville. Autour de lui, les cris des partisans se mélangeaient peu à peu avec d'autres cris, d'une autre nature. La célébration semblait tourner à l'émeute et il était inquiet. Il chercha une nouvelle fois son père sur le trottoir en s'arrêtant près de la vitrine du Foot Locker et évita de peu une brique qui siffla à ses oreilles pour aller fracasser la vitre.

-Es-tu correct? lui demanda une voix angélique près de lui.

Il se tourna et vit l'ange du Centre Bell. Elle lui tendit la main et il la prit. Ils firent quelques pas plus loin et elle lui sourit avant de le quitter. Elle entra dans le magasin de souliers et juste avant de disparaître à l'intérieur, elle lui adressa un sourire qui sembla lui dire:

-Tu comprends, l'occasion est trop belle...

C'est bizarre, il n'avait pas remarqué les cornes qui dépassaient de sa tête. C'est comme ça quand on a un trop beau sourire, on fait oublier le reste aux gens qui nous regardent.

-Ah, tu es là! lui cria une voix familière, paniquée.

Son père surgit devant lui et lorsqu'il voulut lui prendre la main, Ti-Cul la prit et la serra de toutes ses forces. Ils marchèrent en silence et passèrent à côté d'une voiture de police qui brûlait, entourée de jeunes criant: "Go, Habs, Go! Go, Habs, Go!"

Arrivés à la maison, ils prirent un chocolat chaud accoudés ensemble au comptoir de la cuisine. Son père le regardait avec un sourire que Ti-Cul avait de la difficulté à lui retourner.

-Tu as aimé ta soirée, mon grand? lui demanda son père.

-Oui..., répondit en hésitant Ti-Cul.

-Que dirais-tu si j'achetais des billets pour la finale, si le Canadien se rend jusque là? dit son père.

-Je ne sais pas...

Ti-Cul revoyait les partisans du Canadien dans le Centre Belle et sur le trottoir, la fille qui lui souriait au restaurant et dans les estrades et qui pénétrait dans le magasin par la vitre fracassée...

-Non, je crois que je n'y retournerai pas, papa! dit-il.

-Ah bon! Pourquoi? demanda son père d'un air surpris.

Ti-Cul le regarda, d'un air timide, le coeur à l'envers.

-Certaines choses sont plus belles de loin, tout simplement...

lundi 21 avril 2008

Un après-midi avec les danseuses

Avez-vous déjà remarqué que l'art nous touche plus facilement lorsque le moral n'y est pas? On dirait qu'on devient hyper-sensibles à tous les chatouillis, en particulier ceux du coeur. C'est ce qui m'est arrivé hier.

Ceux qui viennent souvent me rendre visite savent que la danse est une forme d'art que j'apprécie de plus en plus. Sans comprendre la technique exigeante qui se retrouve derrière chaque mouvement, il y a un petit quelque chose qui me touche profondément dans la façon qu'a le corps de bouger pour exprimer, tout simplement.

Donc, j'avais acheté des billets depuis un certain temps pour le spectacle de dimanche. Nous étions quelques courageux à être venus se perdre dans l'amphithéâtre en cette belle journée ensoleillée. Nos attentes étaient élevées, je le devinais par les murmures provenant de la salle. Un mélange d'excitation et de nervosité devant ce que le public allait voir.

Le premier numéro fut beau, sans plus. Les danseuses avaient de la difficulté à suivre la musique et nous avons tout de suite compris que nous avions affaire à des amateurs. Le bon vouloir des artistes l'emportait cependant sur la technique, déficiente à plusieurs égards. Le public célébra quand même à la fin du numéro.

Pas que les autres performances furent mauvaises mais deux numéros retinrent mon attention malgré tout. C'est qu'il y avait une danseuse qui m'accrochait le regard. J'avais beau tenter de regarder l'ensemble de la chorégraphie, je n'y arrivais tout simplement pas. Même Blondinette, à mes côtés, m'avoua qu'elle aussi, elle se sentait pareille. Imaginez sa beauté et sa grâce...

Elle avait les cheveux blonds et les yeux verts. J'ai eu un coup de foudre. C'était de loin, n'en déplaise aux autres danseuses, la plus jolie d'entre toutes. Elle était un peu timide mais s'assurait que chacun de ses mouvements réflétaient ceux qu'elle avait pratiqués. Son visage était un exemple de concentration et de détermination. Elle semblait y avoir accroché un sourire qui aurait fait fondre le coeur de n'importe quel homme dans la salle.

Non, je ne fus pas surpris de voir Blondinette si peu jalouse de l'attention que je portais à cette danseuse. Sommes-nous libertins? Échangistes? Voyeurs? Nan... C'était simplement à cause du nom de cette danseuse, le plus beau d'entre tous: Loutre.

Le soir, alors que j'allais l'embrasser dans son lit, je lui dis:

-Bonne nuit, ma danseuse préférée. Papa est très fier de toi, tu sais?

Sa réponse? La plus belle d'entre toutes. Celle qui ne se dit pas avec des mots mais avec un sourire où on retrouve toute la satisfaction et la fierté d'une petite fillette de 4 ans qui a compris, l'instant d'un moment, toute l'amour qui lui était réservée dans le coeur de son papa...

samedi 19 avril 2008

Le naufrage

Il y a deux ans, j'en ai bavé. Non, je n'en ai pas bavé, j'en ai craché. Assurément le moment le plus creux de ma carrière. Récit d'un naufrage et d'un sauvetage.


Vous auriez du les voir entrer dans ma classe au mois de septembre. De beaux grands ados charmants, remplis d'humour et ne demandant autre chose que de créer un lien solide avec leur prof. Et j'étais l'heureux élu. Quel bonheur.

Les autres enseignants me regardaient et m'enviaient, ne réalisant pas que je semblais toujours être le chanceux, année après année. Même parfois avec les mêmes élèves qui leur en avaient tellement fait baver. Pourtant, je ne faisais pas de miracles, seulement deux ingrédients que je considère toujours essentielles à un bon climat de classe: le respect de l'enfant dans tout ce qu'il est et l'ouverture aux différentes personnalités qui font de ma classe 24 individus à part entière plutôt qu'un groupe.


Noël arrivait à grands pas et les résultats scolaires étaient plus que satisfaisants. Les rires étaient toujours présents dans ma classe. Le soleil y avait élu demeure en permanence, ce qui était un peu bizarre dans cette école nuageuse au possible. LA classe que l'on se souhaite à chaque année.


C'est donc avec regret que je partais à la fin janvier afin de profiter de mon congé de paternité de cinq semaines qu'on avait décidé, Blondinette et moi, de jumeler avec la semaine de relâche. Je ne pensai presque pas à eux durant ce temps, occupé à passer du bon temps avec ma jeune famille.


Je revins durant la deuxième semaine de mars, heureux malgré tout de les retrouver. Comme quelqu'un qui a peur de l'eau mais qui se dit que tant qu'à faire un tour de bateau, on est aussi bien sur un bateau de croisière. Eux m'attendaient d'un pied ferme.


Le groupe qui était tellement uni lorsque je l'avais quitté n'était plus l'ombre de lui-même. Les conflits développés durant les cinq semaines avec le suppléant n'avaient pas eu assez d'une semaine pour guérir. Les éclats de rire avaient fait place aux couteaux qui virevoltaient dans les yeux de certains, dans le dos de d'autres moins chanceux. Un climat pas seulement malsain en surface mais pourri jusqu'à l'os. Une fracture qu'un plâtre ne suffirait pas à guérir.


Je n'y échappai pas moi non plus. Mes blagues ne provoquaient plus de rire. Je ressemblais à un clown dépassé qui essaie encore de faire rire la foule. Pathétique. Ils m'en voulaient, je le sentais au plus profond de mon être et je n'y pouvais rien. Le champion de la gestion de classe goûtait au tapis pour la première fois de sa carrière.


J'avais besoin d'un projet rassembleur et je pensai à organiser mon deuxième spectacle en carrière. Ils me regardèrent avec un haussement d'épaule mais bon, j'avais besoin de ce défi peut-être encore plus qu'eux. Ils voulaient faire du théâtre, je leur ai donc écrit une pièce qui saurait décrire leurs bobos et surtout, qui les laisserait l'exprimer à leurs parents. Une courte pièce d'une demi-heure environ avec comme seul décor un banc de parc et leurs coeurs à vifs.


Ils avaient beaucoup aimé la chanson "Évangéline", version Marie-Jo Thério, j'ai donc trouvé quatre chanteuse parmi eux et surtout, deux danseuses extraordinaires qui acceptèrent de créer avec moi un ballet et de camper les rôles d'Évangéline et Gabriel. Tous les élèves furent mis à contribution dans la finale du dernier couplet où ils faisaient une fresque humaine.


À cela furent rajoutés une entrée où chaque élève récitait une ligne du poème "Liberté" de Paul Éluard, un numéro de Gumboots par tous les élèves, la chanson "Le Coeur est un oiseau" de Desjardins et finalement, un vers de leurs crus sous le thème de la liberté, qui devint rapidement le thème du spectacle.


Mais le temps de pratique manquait. Quelques embûches avec la directrice m'empêchaient de profiter pleinement de la scène de l'école secondaire durant les quelques jours qui me furent réservés. C'est alors qu'ils décidèrent de prendre le spectacle sur leurs épaules.


Ils me demandèrent à quel moment ils pouvaient arriver à la salle le soir du spectacle. Je leur expliquai que sur la feuille d'autorisation parentale, il était inscrit six heures. Ils me demandèrent à quelle heure je serais présent. Ils savaient que des derniers tests de son et d'éclairage étaient nécessaires. Je leur répondis que je serais là à cinq heures. Lorsque j'arrivai vers les 16h45, qui m'attendait dehors? TOUS mes élèves. Des larmes me montèrent aux yeux pour la première fois.


Quelques minutes avant le spectacle, les élèves étaient assis dans la salle, plusieurs avec un lecteur MP3 sur les oreilles, tous silencieux pendant que les élèves de la classe d'immersion anglaise couraient partout en criant dans les allées. Les miens, cancres reconnus de la classe régulière (lire: épurée), en faisaient pas honneur à leur réputation de trouble-fêtes.


J'étais entouré de plusieurs proches en arrière-scène venus donner de leur temps pour s'assurer que l'entreprise serait un succès. Pourtant, quand le spectacle commença, je ne voyais plus rien, ému par la performance de mon groupe. Le gumboots avait donné des frissons à tous les spectateurs tellement les TRÈS nombreuses heures de pratique avaient porté fruit: on aurait dit qu'il y avait un seul danseur tellement leurs mouvements et leurs claquements de pieds et de main étaient synchronisés.


J'avais la coeur plein et la tête vide, plus capable de réfléchir aux accessoires nécessaires aux différentes scènes de la pièce. C'est alors que le leader de mes garçons me regarda et me dit de ne pas m'en faire, que tout le monde avait assez été préparé que je pouvais regarder le spectacle comme les gens dans la salle. Une larme coula.


Tout le spectacle se déroula à un train d'enfer. "Évangéline" toucha tellement les quelques 400 parents et amis présents dans la salle qu'on entendit renifler jusque dans les coulisses. Des larmes de fierté, pour la plupart.


Les félicitations abondèrent durant le spectacle, plusieurs parents me disant qu'ils étaient désolés que je quitte l'école cette année-là, car leur plus jeune était en cinquième année et qu'il ne m'aurait pas comme enseignant. Je les pris tous, les commentaires, comme cadeau d'adieu.


Le lendemain était la dernière journée d'école. Lorsque j'arrivai vers les 9h30 car les élèves avaient eu une dérogation pour rentrer à 10h00, je les retrouvais TOUS, encore une fois, dans le parc avec les petits dont ils s'étaient occupés une partie de l'année. Encore une fois au rendez-vous. Des cancres? Pffftttt...


Ça m'acheva. Je partis vers l'école, incapable de les regarder. Ils étaient tellement beaux, dans tout ce que la jeunesse a à nous donner d'extraordinaire. J'avais la gorge serrée comme dans un étau, incapable de parler à mes collègues qui me virent entrer dans l'école, s'inquiétant de mon état.


Encore aujourd'hui, bientôt deux ans plus tard, je me souviens encore de tous ces moments comme une série de photographies. Je peux encore vous dire qu'il faisait soleil cette journée-là, que mon élève handicapé m'avait jeté ce regard en coulisse lorsqu'il avait pris la pause durant la fresque, les yeux d'une maman remplis de larme pour venir me remercier avec son fils, de Poquée qui me prenait dans ses bras avant de quitter, s'accrochant à moi comme à une bouée de sauvetage... Et pour une fois, je n'espère pas que des élèves se souviendront de moi.


Je le sais, tout simplement.

Oui, j'ai vraiment failli y laisser ma peau professionnelle cette année-là. La secrétaire s'est inquiétée de moi durant un bon deux mois. Les autres? Ils n'ont rien vu car je ne leur ai rien laissé voir. Un véritable naufrage du coeur. Et ce fut finalement MES élèves qui me rescapèrent...

mercredi 16 avril 2008

Le 60ième

Je vous imagine derrière votre ordi, lisant ces mots. Vous n'avez pas de visage mais parfois, avez un café sur le bureau. Nous fumons parfois une cigarette ensemble lorsqu'on est présents au même moment ici.


Peut-être nous sommes-nous croisés sur un trottoir, quelque part. Peut-être avez-vous klaxonné ma "Saignantmobile" alors que j'étais perdu dans mes pensées sur le coin d'une rue. Peut-être m'avez-vous même fait un doigt d'honneur que je vous ai renvoyé aussitôt, allez savoir.


À l'extérieur, on ne se connaît pas mais pourtant ici, on se connaît de mieux en mieux. Je découvre peu à peu votre personnalité ou ce que vous voulez bien laisser transpirer. Il y a les habitués avec lesquels j'ai une complicité que je n'ai pas avec beaucoup de gens à l'extérieur et les visiteurs, venus m'observer dans ma cage virtuelle. S'ils aiment ce qu'ils y observent, ils reviendront. Sinon, ça sera l'exercice des libertés individuelles. Et j'aime ça...


Je vous imagine, souriant parfois devant mes peintures abstraites un peu folles ou un chaton dans la gorge devant mes toiles plus sombres. Jamais de toiles à numéro cependant, je m'en fais un devoir.


Si je prends plaisir à écrire ici, c'est grâce à vous. À part pour quelques billets plus personnels, j'essaie de provoquer chez vous un petit quelque chose et de rendre votre petit cinq minutes passé ici agréable. Si je vous surprends à l'occasion, vous m'en voyez heureux.



Soixante billets, une cinquantaine de sujets, des centaines de merveilleux commentaires plus tard, je suis toujours là, toujours entre le désir de continuer et l'impression que je fais du sur place.



Alors, à vos claviers. Même si lire ces commentaires sera sûrement une épreuve pour mon manque d'estime personnelle, je vous demande un petit quelque chose. Si vous passez par ici aujourd'hui ou demain, laissez-moi une trace.



Si vous avez peu de temps, écrivez simplement "présent(e)", après tout, vous êtes à la bonne place, sur un blogue de prof... et ça me permettra d'avoir une meilleure idée de qui vous êtes, y compris les "petits doigts". Ça me ferait tellement plaisir de voir quelques anonymes sortir de leur anonymat!



Si vous avez un peu plus de temps, permettez-moi de vous poser la question suivante: "Que venez-vous chercher sur ce blogue? Pourquoi y revenez-vous?". Vos réponses seront lues avec attention et me permettront d'avoir le courage de continuer pour un autre soixante...



Dans tous les cas, merci d'être là. Sans vous, tous ces mots resteraient dans mes petits cahiers noirs...

lundi 14 avril 2008

Un En Saignant à la maternelle (7e station)

Pour lire l'épisode précédent, qui date déjà un peu, aller ici.

Je suivis donc la directrice, la queue entre les jambes, comme un chien qui s'est fait prendre à fouiller dans les poubelles. Les néons qui éclairaient le corridor s'allumaient et s'éteignaient, au rythme de nos pas. Je me sentais comme lorsque j'étais jeune et que j'avais lancé une balle de neige derrière la tête du gros Mondoux. J'avais eu beau expliquer à la directrice du moment que je visais à côté mais qu'il était tellement gros que je l'avais attrapé, ça n'avait pas passé.

La directrice ouvrit la porte et me laissa entrer en premier. Ce que j'apperçu dans son bureau me scia les jambes.

Je venais de pénétrer dans le musée des gogosses. Partout, sur toutes les étagères, trônaient des vieilleries, toutes plus cheaps les unes que les autres. Il n'y avait pas un espace d'inoccupée sur toutes les surfaces planes de la pièce. En marchant vers la chaise que je peinais à voir, je dû enjamber une bonne quinzaine de trolls, de pouliches et de bouteilles vides de vin d'épicerie. Les murs étaient tapissés de centaines, voir de milliers de dessins d'enfants. Je ne pouvais même plus percevoir la couleur originale du mur, qui devait être jaune moutarde ou vert rhume, comme c'était la mode dans les écoles.

Arrivé à ma chaise, ébloui devant tant de cochonneries, je ne regardai pas où je posais mes fesses.

-Pfffffffffffffffffffffffffffffffftttt! entendis-je.

-Oh, Mr.En Saignant a de la difficulté avec ses intestins, il me semblerait bien! me lança la directrice, un sourire de satisfaction accroché aux lèvres.

-Mais que dites-vous là! dis-je, en me replaçant sur ma chaise. Pfffffffffffffffffffffffttttttttttt!

-Oh, Mr. En Saignant a mangé quelque chose que ses boyaux ne tolèrent pas! me lança maintenant la directrice.

Je soulevai mes fesses une à une, émettant du même coup une série de bruits d'air aigus, qui semblaient créer une symphonie ou plus vraisemblablement, une cacophonie. Je mis la main sous mon popotin et y trouvai un coussin ressemblant à une bouillotte qui faisait des bruits d'un goût douteux. Je la lançai, frustré. La bouillotte se dirigea aussitôt vers une étagère où habitaient une collection de pouliches. La première tomba sur la deuxième, qui tomba sur la troisième et ainsi de suite.

-Désolé! dis-je à la directrice.

-Hmmmm, gémit-elle. Bon, venons-en aux faits. Il semblerait que votre stage soit plutôt une catastrophe en ce moment, non?

J'avais entendu sa question mais je ne pouvais quitter du regard les dominos à crinières qui s'allongeaient un à un sur la tablette du haut.

-Ouais, peut-être qu'un regard extérieur pourrait penser cela mais en regardant de plus près, disons que certains détails semblent dire le contraire, répondis-je.

La dernière pouliche fut touchée et tomba sur la tablette inférieure, celle où une imposante tribue de trolls semblaient attendre en ligne au salon de coiffure. Le premier troll tomba et le manège recommença. Des sueurs apparurent sur mon front.

-Oh, je vois. Et quels seraient ces détails? me demanda t'elle.

Un troll plus solide que les autres sembla pendant un instant stopper l'hémoragie mais non, après quelques pas de danse qui me rappelaient mes soirées bien arrosées, il tomba sur l'autre.

-Bien, disons que je suis en train de créer des liens avec certains élèves, lui dis-je.

-Vous parlez de véritables liens où des trois élèves que vous avez ligotés dans les toilettes durant votre première prise en charge? me demanda t'elle.

-"Ligotés" me semble un mot bien lourd dans les circonstances, vous ne trouvez pas? lui demandai-je.

-...

-Et puis, ma maître-associée, elle m'avait dit de commencer serré et de donner du lousse ensuite, c'est bien ce que j'ai fait, non? m'essayai-je.

Le dernier troll, incapable d'endurer cette débâcle, sauta dans le vide et atterit sur un ballon qui roula vers la porte d'un rythme certain.

-Disons que certaines paroles ne doivent pas être prises au pied de la lettre, Mr. En Saignant! hurla la directrice.

-Ouais, surtout si c'est un O, lui répondis-je, fier de moi.

-Un O?!? demanda la directrice.

-Oui, un O. On ne peut pas prendre au pied de la lettre un O car ça n'a pas de pied, seulement une base courbe, intéressant, non? lui dis-je avec un sourire.

Le ballon heurta de plein fouet la patte d'une table où étaient posés des porcelaines toutes aussi laides les unes que les autres. Le cataclysme fut immédiat.

-Vous êtes vraiment un être pathétique, dit-elle, d'une voix trop calme pour être sympathique, découpant chaque son avec une précision chirurgicale, comme pour être bien sûre de frapper au bon endroit.

Les éclats de porcelaine volèrent dans tous les sens, y compris celui d'un grand vase rempli de ballons gonflés à l'hélium qui volèrent en éclat. On se serait vraiment cru au Vietnam.

-Mais qu'est-ce que tout ça? demandai-je en pointant les vieilleries autour d'elle, tentant de changer le sujet de conversation.

-Ce n'est pas important et je ne suis surtout pas disposée à vous le dire, mon cher tout petit monsieur, me répondit-elle.

-Allez, dites-moi. Je suis ici pour apprendre! lui dis-je, sortant mes yeux de piteux pitou.

-Ce sont tous les souvenirs de ma carrière que les élèves m'ont donné, ce qui ne risque pas de vous arriver, n'ayez crainte, me répondit-elle sur un ton agacé.

-Oh, je vois.

Je regardai autour de moi et des larmes apparurent aux coins de mes yeux.

-Vous avez raison, ça ne risque pas de m'arriver. Vous avez remarqué le petit soldat auquel il manque une jambe, là-bas, dis-je en pointant le G.I. Joe tout sale, sur l'armoire en arrière d'elle.

-Bien sûr, c'est un de mes préférés. Il m'a été offert par un garçon qui n'était vraiment pas doué pour autre chose que faire des conneries. Mais il faut croire que mon travail a porté fruit car aujourd'hui, il est le propriétaire de "Sloppy Burgers"! dit-elle avec fierté.

-Alors, travaillez avec moi et vous verrez, je deviendrai moi aussi un propriétaire. Le propriétaire d'une vie normale, enseignant dans une classe normale. Vous ne le regretterez pas! Je ne ferai peut-être pas de hamburgers sur le grill mais j'aurai mes munchkins à moi.

-...

-Et si vous n'avez pas jeté ces cochon..., je veux dire ces marques d'affections capitalistes, vous n'avez pas droit de me jeter. Je peux y arriver, dis-je, le poing levé vers le ciel.

La directrice me regardait, semblant peser le pour et le contre de mon discours. Mes mots avaient peut-être porté fruit, je ne pouvais savoir. Je me levai donc et me dirigeai vers la porte, tentant d'éviter les éclats de verre autour de moi. Je mis la main sur la poignée, résigné à aller chercher mes effets personnels dans la classe de maternelle.

-En Saignant, vous avez oublié quelque chose! me lança t'elle.

Elle me lança le G.I. Joe et me dit, d'une voix maternelle.

-Une semaine, pas plus. À vous de faire vos preuves...

Je sortis de son bureau le coeur léger, sifflant une chanson enfantine. J'avais donc réussi à m'acheter une autre semaine. J'arrivai devant la classe mais décida de passer tout droit. Je n'avais que trois chiffres en tête: 1, 2 et 4. Peut-être y trouverai-je les réponses à mes nombreuses questions.

Un jour, peut-être pas si lointain, la huitième station: En Saignant console les filles de Jérusalem.



samedi 12 avril 2008

Expertise parentale

Les repas sont toujours un peu imprévisibles chez la famille En Saignant. Autant par la grande variété des succulents plats que prépare Blondinette, parfois aidée de son cuistot de copain que par le contenu des conversations. Ce soir-là n'a pas fait exception à la règle.

Koala est toute "barbée" de sauce tomate, semblant prendre la sauce pour de la peinture et sa cueillère, pour un pinceau. Une artiste à l'oeuvre, dans le chaos qui lui est propre. Loutre la regarde et dit:

-Regarde, Papa, Koala a la face toute sale!

Je lui souris, prend une autre bouchée et soudainement, ses mots se frayent un chemin jusqu'à mon cerveau.

-Qu'est-ce que tu as dis, Loutre?

-Elle a la face toute sale! répète t'elle.

-Comment ça, la "face"? On dit le visage tout sale, ma belle! lui dis-je.

-Bien non, la face, c'est correct! me dit-elle.

Je regarde Blondinette qui me fait ce sourire, mais ce sourire qui veut dire: "Tu t'es embarqué là-dedans, mon grand, alors sors-toi en!" Pour le support, on repassera...

-Tu as appris cela à la garderie? lui dis-je.

-Oui! répond-elle, fière d'elle.

-Qui est l'ami qui dit cela?

-Ce n'est pas un ami, c'est Substitut Parental! m'annonce t'elle.

Substitut Parental est une des deux éducatrices de ma grande. Une femme qui fait l'unanimité dans mon couple: on ne l'aime pas beaucoup. Pour différentes raisons trop longues à expliquer ici. Mais ma fille, elle, elle l'aime...

-La face, ce n'est pas très beau ma chouette. Ici, on dit le visage, lui expliquai-je.

-Mmmmhhh..., réfléchit-elle.

Je regarde Blondinette, fier de mon coup. Heureusement que je peux souvent apporter mon expertise parental dans l'éducation de nos filles. Quelques mots bien placés et voilà, tout est réglé!

-Je lui dirai demain, alors! dit Loutre, en me regardant droit dans les yeux.

-Dire quoi? À qui? lui demandai-je.

-Je vais dire à Substitut Parental qu'elle ne doit plus dire le mot face car ce n'est pas beau! me dit-elle, détachant chaque syllabe pour être certaine que j'ai bien compris, comme si j'étais de langue étrangère.

J'implore Blondinette du regard. Son sourire grandit en même temps que mon embarras.

-Mais non, tu ne peux pas lui dire ça, dis-je à Loutre.

-Pourquoi? demande t'elle.

-Parce que ce n'est pas parce qu'ici, on utilise le mot visage que le mot face, dans une autre maison, n'est pas correct. Écoute, je veux seulement ne plus t'entendre dire cela, lui expliquai-je, doucement.

-O.K., Papounet, me répond-elle.

Ce n'est pas que je sois "snob" mais il y a des mots qu'on n'aime pas voir prononcés dans la maison et il en fait partie. Ça me rappelle trop les expressions: "J't'aime pas la face!" ou encore "J'vais t'arranger la face!" C'est ainsi.

Un peu plus tard, après le souper, Blondinette, Loutre et Koala s'amusent à se courir après. Ce court moment entre le repas et le bain en est souvent un de folie dans la maison. Je suis en train de faire la vaisselle lorsque j'entends Loutre crier à sa maman:

-C'est capotant!

Oups! Je vais me chercher une cigarette d'un pas rapide, cherche mon briquet sur le comptoir.

-Où est-ce que tu as entendu ça, Loutre? demande Blondinette.

Ah, voilà mon briquet. Plus que quelques pas et je suis sur le balcon. Allez, vite...

-C'est papa qui dit ça! annonce fièrement Loutre.

La porte est ouverte, je sors sur le balcon et, juste au moment de refermer la porte, j'entends, d'un ton de voix sans équivoque:

-En Saignant!

Ah, le bon air... J'ai donc bien fait de construire ce "perron" là!

jeudi 10 avril 2008

Je suis possédé

Gémissante, elle s'est avancée vers moi. Je ne l'ai pas vu, ni entendu, à peine sentie. Elle m'a embrassé sans que je m'en rende compte vraiment, juste une petite sensation à l'intérieur qui me disait qu'il se passait quelque chose.

À mesure que la journée avançait, je me sentais défaillir. Je pensais seulement à elle alors qu'elle prenait possession de mon corps tout doucement comme elle l'avait fait pour tant de gens auparavant. Mon corps en était tout remué. La concentration était impossible car je la savais en moi.

Si je n'avais pas été à l'école, je me serais couché avec elle. Non pas que je la chérisse mais c'était comme une fatalité. Je la goûtais, la respirais. Mes sens était sans dessus-dessous.

Tous mes élèves me regardaient, ne pouvant comprendre ce qui m'arrivait. Mes sautes d'humeur, mon manque d'énergie, tout cela à cause d'elle. Pourquoi l'avoir laissée approcher alors? Parce que c'était inévitable. Elle était comme une amante impossible à satisfaire, allant chercher tout ce qu'il y a de mieux en moi.

Rien ne put masquer mon désarroi à mesure que la journée avançait. Même les plus lointaines connaissances s'apercevaient que quelque chose ne tournait pas rond. Les ressorts de mes jambes étaient coupés. Qu'en penserais Blondinette à mon retour à la maison?

"Ou bien il est rendu fou, ou bien il fait un suicide amoureux et littéraire", vous dites-vous sûrement. Mais non. Je suis un gars honnête. La moindre des choses que l'on peut faire lorsqu'on est à ce point épris d'un autre, c'est de dire son nom à notre conjointe afin qu'elle connaisse l'ennemi. Et puisque je suis en congé aujourd'hui et que cette inconnue profitera de moi toute la journée, je veux bien vous divulguer son nom à vous aussi, chers lecteurs. Vous n'avez qu'à prendre la première lettre de chaque paragraphe, d'oublier les accents et vous saurez à votre tour qu'elle est de retour...

lundi 7 avril 2008

Moi et moi

-Mais pourtant, la personne que vous êtes dans la vraie vie et la personne que vous êtes dans ce que vous écrivez, il s'agit bien de la même personne, non?


Ça, c'est ma psy. Elle m'a posé cette question, derrière ses lunettes de secrétaire des années 80, ses petits yeux inquisiteurs posés sur les miens, comme à son habitude. Une question à cent dollars posée pendant une séance d'une heure à quatre-vingt! C'est clair, j'aurais fait vingt piastres si j'y avais répondu!


-Quand j'ai lu ton blog, j'avais l'impression de lire les paroles d'une autre personne. Je me suis dit: "Bien voyons, c'est pas En Saignant, ça!". C'est vraiment touchant ce que tu écris.


Ça, c'est ma belle-soeur. Une personne vraie, remplie de tendresse dont je suis incapable. Une perle, qui me regardera surement d'une autre façon la prochaine fois qu'on se verra. Et moi, qui suit tellement pâle dans le monde réel, j'aurai peur de la décevoir. Ce n'est pas que je sois ennuyant, il me manque seulement quelques pixels.


-Hey, y'étais bon ton billet hier!


Ça, c'est PMT. Des paroles que je chéris, malgré toutes nos guerres de mots tellement virtuelles. Il écrit depuis tellement longtemps que d'entendre de tels commentaires sortir de sa bouche, c'est un peu comme recevoir un "seal of approval". Mais si je tente de lui dire, je me mets les pieds dans la bouche.



-C'est drôle, tu écris de tellement de façons différentes. Chaque fois que l'on va sur ton blogue, on ne sait jamais ce qu'on va y trouver!

Ça, c'est Blondinette. Le coeur grand comme l'océan, toujours la main tendue vers moi. Si elle aime un billet, il est merveilleux. Et jusqu'à maintenant, elle a eu la gentillesse de ne pas nommer ce qu'elle n'aimait pas...

Tous ces gens qui me connaissent dans mes deux univers, qui ont parfois de la difficulté à faire le lien entre les deux "moi". Et tous ces rencontres futures qui tenteront, à leur tour, de faire des liens entre ce qu'ils lisent et ce qu'ils entendent doivent avant tout savoir une chose toute simple et qui leur permettra de rendre leurs attentes réalistes et ainsi, de ne pas me faire fuire devant la pression d'être toujours "le plus meilleur":

J'écris mieux que je parle

Et si jamais je vous trouve dans la foule où il m'arrive de vous chercher, au hasard d'une rue ou dans un centre d'achat, souvenez-vous en et je dépasserai vos attentes.

samedi 5 avril 2008

Imaginez la Seine!

Un jeune homme se promène sur le bord de la Seine, en plein milieu de Paris. Il observe les bateaux avec envie, les ayant toujours vus comme un symbole de liberté. Il s'arrête devant l'un deux, l'observant du trottoir où des commerçants vendent des livres, des chandails et autres souvenirs destinés à attraper les touristes. Deux homme y travaillent, l'un avec la moppe et l'autre faisant de chaque bout de corde un serpent enroulé sur lui-même.

-Vous avez un très beau bateau, s'écrie le jeune homme d'en haut.

Mais les deux hommes ne l'ont pas entendu, trop occupés qu'ils sont à astiquer, à nettoyer, à frotter cette merveille. Un bateau long d'une vingtaine de mètres et large comme une rue étroite de la Ville-Lumière. La sueur perle sur leurs fronts et donne des teintes foncés à leurs chandails.

Le jeune homme hésite, puis décide à descendre les périlleuses marches qui mènent vers le canal, ne pouvant s'aider de la rampe qui n'existe pas. "L'inégalité du sol n'a pas son pendant dans l'eau, à part quelques vagues mais bon..." se dit-il en gardant l'équilibre d'une manière agile.

Plus il s'approche du bateau, plus les regrets l'envahissent. Comme il aurait aimé en posséder un si imposant, pour défier les eaux et être quelqu'un, même sous-payé.

-Votre bateau est vraiment très beau! tente t'il encore, rendu à quelques pieds des travailleurs.

Un des deux hommes lève la tête, comme il l'aurait fait si une mouche était venue le déranger. Il regarde le jeune homme de la tête au pied, éponge son front à l'aide d'un vieux foulard trouvé dans sa poche arrière et daigne bien lui répondre.

-Merci, gamin! N'est-ce pas qu'il est gigantesque? lui dit-il en souriant.

-Oh oui, votre barque est vraiment magnifique! dit le jeune homme.

Le sourire discret dans le visage du vieil homme disparaît tout d'un coup. Le deuxième marin, beaucoup plus jeune, lève la tête comme si une abeille l'avait piqué. Leurs regards fixent maintenant le jeune homme avec dégoût.

-Une barque? Avez-vous bien regardé, jeune homme? dit le vieil homme en colère.

Les cris attirent l'attention des piétons qui s'arrêtèrent sur leur chemin pour observer la scène, attirés par les voix qui montaient.

Le jeune homme se sentait pris au piège. Lui qui voulait seulement être gentil s'était retrouvé à choquer les deux hommes qu'il voulait complimenter.

-Je suis désolé si je n'ai pas le bon terme pour désigner une si belle embarcation. Me donnez-vous droit à un deuxième essai ou aimez-vous mieux que je continue mon chemin vers la Tour Eiffel? dit-il.

Les deux hommes se regardèrent, hésitant. Le travail qui attendait était important et ils ne pouvaient se permettre de le faire tarder. Cependant, ils avaient bossé durant de longues heures sans même s'arrêter pour casser la croûte et le soleil était vraiment éreintant.

-Vas-y, gamin. Une dernière chance. Réussis à bien nommer ce que tu vois et nous t'apprendrons plusieurs choses sur ce sujet qui semble tant te passionner, dit le plus jeune des deux, grattant sa barbe de plusieurs jours de ses ongles noirçis.

Le jeune homme hésite longtemps en observant le bateau qui danse au gré des petites vagues qui secouent le canal.

-Ce n'est pas un bateau-mouche, c'est certain. Il n'est pas couvert. Ce n'est pas une gondole car il est beaucoup trop large et un homme ne pourrait le manoeuvrer seul, c'est certain, se dit-il à lui-même.

Les ouvriers le regardent fouiller dans sa tête en esquissant des sourires radieux. De voir le jeune homme mettre tant d'efforts pour nommer la chose les remplis déjà de fierté. Cela leur donne toute l'importance qu'ils pensent mériter.

-Je crois que j'ai trouvé, dit le jeune homme, un sourire radieux aux lèvres.

-Vas-y mais souviens-toi, ce sera ta seule chance! lui annonce le vieil homme, sous le regard amusé du barbu.

-C'est.... une PÉNICHE! annonce fièrement le jeune homme.

Les ouvriers sourient en entendant ce mot, tout contents que leur outil de travail n'ait pas été dénaturée.

-Bravo, alors, que veux-tu savoir sur ma magnifique PÉNICHE? lui dit le vieil homme.

Le jeune homme hésite longuement. Il a tant de choses à apprendre sur les PÉNICHES. Comment trouver les questions justes qui se bousculent dans sa tête? Les ouvriers sont maintenant appuyés contre les côtés du bateau, attendant de l'informer.

-Premièrement, vous devez être fier de posséder une si grosse PÉNICHE! dit le jeune homme au vieillard.

-Je n'ai aucun mérite, c'est de famille, lui répond le vieux avec un sourire en coin. Mon grand-père avait la plus longue PÉNICHE de Paris il y a de celà au moins cinquante ans. Mon père a hérité de cette énorme PÉNICHE lorsque son père mourut. Et maintenant, c'est moi qui a l'honneur de posséder cette gigantesque PÉNICHE.

-Quelle chance vous avez! lui dit le jeune homme. Vous devez chercher à la montrer au plus grand nombre de passants possible? lui demande le jeune homme.

-Étrangement, non! lui répond le vieillard. Je ne sais pas si c'est par pudeur mais je n'aime pas montrer ma PÉNICHE aux étrangers. Ça peut paraître stupide mais j'ai un peu peur que leurs regards la fassent rapetisser, comme par magie. Cette PÉNICHE est mon orgueil, tant par sa longueur que par sa dûreté. Et en plus, les gens qui s'en approchent veulent toujours toucher à ma PÉNICHE. Et ça, je n'aime vraiment pas celà! Je perds le contrôle lorsqu'on touche à ma PÉNICHE!

-Vous voulez dire que ça vous met en colère? lui demande le jeune homme.

-Non, pas vraiment de la colère. C'est que les gens sont toujours étonnés de voir une si vieille PÉNICHE qui daigne encore se mouiller. Ils pensent tous qu'elle devrait être remisée aux hangards à l'âge qu'elle a, alors que c'est loin d'en être le cas.

-Pourquoi dites-vous celà? lui demande le jeune homme.

-Vois-tu, les jeunes d'aujourd'hui, lorsqu'ils passent devant moi avec leurs petites PÉNICHES beaucoup plus rapides que la mienne me regardent de haut. Eux, ils ne pensent qu'à l'esthétique. Ils enlèvent les algues autour de leurs PÉNICHES en s'imaginant qu'elle paraîtra plus attirante, aux yeux des dames en particulier. Ils n'ont jamais compris que ce n'est pas la longueur de la PÉNICHE qui importe mais plutôt son vécu et l'expérience de l'homme qui la conduit.

-Et vous, dit le jeune homme, s'adressant au jeune barbu, avez-vous une PÉNICHE? demande le jeune homme.

-Oui, répond le jeune barbu, le regard vers le sol.

-Allons, ne sois pas timide! lui lance le vieillard. Il se tourne vers le gamin.

-C'est que sa PÉNICHE est plus petite que la mienne, alors, ça le gêne à chaque coup! Il est rendu qu'il n'ose même plus la montrer à quiconque se promenant sur les quais. L'autre jour, j'ai vu une femme très jolie qui, de son regard insistant, aurait tellement aimé monter sur sa PÉNICHE mais il ne l'a même pas vu, l'idiot! lance le vieillard.

-Et vous, vous embarquez parfois des passagers sur votre PÉNICHE? demande le jeune homme, plein d'espoir.

-Oui, il m'arrive de le faire. On ne peut pas être propriétaire d'une telle PÉNICHE et espérer la garder pour nous tout seul. De toute façon, quelle serait l'intérêt de l'astiquer ainsi si ce n'était pas pour en faire profiter les gens. Une si belle PÉNICHE mérite d'être montée par un paquet de gens.

-Vous pensez que... comme le jeune homme.

-Non, oublie ça! Je n'ai jamais permi à un homme de monter sur ma PÉNICHE. Seule les plus belles femmes de France ont ce droit. Hier, encore, deux d'entre elles sont montées sur ma PÉNICHE ensemble pour une belle randonnée. Elles n'ont pas été déçues! dit le vieillard.

-Merci d'avoir pris de votre temps. J'en connais maintenant beaucoup plus sur les PÉNICHES! lance le jeune homme.

-Y'a pas de quoi! lance le vieillard. Je dois maintenant retourner la frotter!

Le jeune homme remonte les escaliers, tout fier d'en savoir maintenant plus sur ces monstres du canal. C'est le sourire aux lèvres et l'envie plein le coeur qu'il visitera la Tour Eiffel...

mercredi 2 avril 2008

L'insulte de ma vie

Nous sommes à la bibliothèque et il y a plus de mouvements et de bruits qu'à l'habitude. La raison? La date: le 1er avril. Alors, puisque c'est la dernière heure de la journée, je laisse du lousse à ma laisse et ils en profitent pour se coller des poissons "cheap", découpés à la sauvette, qui n'ont plus l'air de poissons du tout. Bah, on s'en "fish"!

Une de mes six beautés africaines vient me voir avec ce que j'imagine qui devait représenter un poisson. Bon, ça ressemble plus à une croquette de poulet par sa forme et sûrement son goût mais je ne me suis pas laissé tenter.

-Regarde, En Saignant, ce qui est écrit dessus! me dit-elle, brandissant la masse informe devant elle.

Il y est inscrit "kick-moi". Wow, jamais je n'aurais pensé à écrire celà. Non, mais si je réussis à trouver lequel de mes ti-culs a écrit celà, c'est certain, il aura de très bon commentaires dans la compétence transver-sale "Mettre en oeuvre sa pensée créatrice". Je fais donc un appel à tous.

-OK, qui a collé celà dans le dos de ma sombre amie? que je demande, la voix assez forte pour qu'on m'entende jusque dans le coin des encyclopédies.

-C'est Baboune! me répond Stool.

-Baboune, viens me voir! que je dis.

Il s'avance vers moi, prenant ses airs de dur à mesure qu'il s'approche de moi. Un regard à la limite de la caricature, une posture qui lui vaudra sûrement quelques traitements de chiro un jour, vous voyez le genre?

-Est-ce toi qui a posé celà dans le dos de ma sombre amie? que je lui demande.

-... répond-il.

-Excuse-moi, c'est la deuxième syllabe qui m'a échappé. Pourrais-tu répéter? que je lui dis.

-Euh? qu'il me répond.

-C'était une blague! Il n'y avait pas de deuxième syllabe, tu n'avais rien dit! que je lui dis.

-De quoi, une salade? me demande t'il.

-Oh boy.... Ok, laisse faire. Est-ce toi qui a collé celà dans le dos de ma sombre amie? que je lui demande à nouveau.

-Ben non! C'est 50-livres-de-nerfs! qu'il me dit.

Je le laisse partir et repart mon appel.

-50-livres-de-nerfs, viens me voir s.t.p.! que je l'appelle.

Il s'approche de son pas nerveux, les yeux clignants à un rythme effarant, la bouche commençant déjà à s'accrocher dans les mots qu'il n'a même pas encore prononcé.

-Oui, oui, oui, En Saignant? Qu'est-ce qu'il y a, qu'est-ce qu'il y a, qu'est-ce qu'il y a? déblatère t'il, aussitôt arrivé devant moi.

-Tout d'abord, calme-toi! que je lui dis. Respire avec moi. Un, deux, un, deux...

Il respire avec moi. Le pire, c'est que vous croierez surement que j'invente cette partie de mon anecdote mais c'est vrai. Si je ne le fais pas, il tente de répondre et sortent de sa bouche une série sons qui ne vont simplement pas les uns avec les autres. Il est tellement nerveux qu'il n'a pas les nerfs en boule, il a les nerfs en billes.

-Est-ce toi qui a collé ce poisson dans le dos de ma sombre amie? que je lui demande

Un silence, juste assez long pour être incriminant, est le seul son qu'on entend.

-C'est beau, je crois que ça veut tout dire! lui dis-je. Tourne-toi s.v.p.

Je ne peux m'empêcher de penser que si j'avais enseigné 100 ans avant aujourd'hui, cette parole l'aurait horrifié.

-Tiens! lui dis-je en lui collant le poisson-kick-moi dans le dos. Si tu as été capable de le coller, tu es capable de l'endurer.

Il s'en retourne à sa place et tente de le décoller mais n'est pas tellement souple. Ça le choque encore plus. Il me regarde maintenant d'un regard qui, j'avoue, m'aurait fait peur s'il avait pesé 250 livres de plus et qu'il avait porté autre chose qu'un petit duvet au-dessus de la lèvre supérieure (mes amis d'enfance, des gars d'une classe douteuse, appelaient celà un pubis!).

Plus les minutes avancent, plus il devient frustré.

-Et puis, aimes-tu mieux t'asseoir dos à un mur avec des mots pareils dans le dos? que je lui lance.

Il fulmine. J'avoue, j'en mets épais. C'était la rencontre de parents la semaine dernière et sa mère lui avait parlé de ses yeux en l'air, de ses réponses respectueusement faibles et de tout le reste. Je croyais qu'il avait compris mais non, ça n'a jamais cessé depuis. Alors, je le travaille un peu...

Je retourne à mon boulot de correcteur jusqu'à temps que Baboune vienne me voir.

-En Saignant? me dit-il.

-Qui ose venir me déranger pendant que je vous évalue? Qui? Qui? que j'ironise.

-Euh... Ben... C'est moi, Bab! qu'il me répond.

-Je sais, je niaisais! que je lui dis.

-Moi, je trouve ta blague plate. J'aime seulement les blagues de Will Fer...

-Qu'est-ce qu'il y a? que je l'interrompts.

-50-livres-de-nerfs t'a insulté, qu'il m'annonce.

Je regarde dans sa direction et son regard allant du livre à moi et de moi au livre sans arrêt me fait dire que Bab dit la vérité.

-Qu'est-ce qu'il a dit? que je lui demande.

-Que tu étais blanc! qu'il me répond, le sourire aux lèvres, fier de son coup.

-Pardon? que je lui demande, l'air éberlué.

-Il a dit que tu étais juste un blanc! qu'il me répète.

Dans ma tête, c'est le vide. L'absence de réaction la plus totale. Comme si j'étais tombé dans la lune pendant une leçon de maths et en avait profité pour demander à mes quatre ti-culs s'y trouvant de revenir en classe.

-Mais... que je commence.

-Mais quoi? me lance 50-livres-de-nerfs de l'autre bout de la biblio, le regard défiant.

-Mais... que je recommence.

-Mais quoi, mais quoi? Awoye! Mais quoi? claironne t'il.

-Mais, TU ES BLANC!!! que je lui lance.

Son sourire disparaît car il lit tout le mépris que j'ai dans mes yeux, maintenant grands comme des sous-verres.

-TU ES BLANC! que je lui répète, tenant de bien saisir l'ironie de la situation. TU... ES... BLANC!!!

-Ok, j'ai compris! qu'il me lance.

Ma sombre amie s'approche de moi, entourée de ses amies de la même couleur, toutes aussi magnifiques les unes que les autres (demandez à PMT) et me lance:

-Il me semblait bien que tu dansais mal pour un noir!

Tout le monde se met à rire, moi le premier. Enfin, presque tout le monde. 50-livres-de-nerfs ne rit pas.

Il n'a pas eu de conséquences. Que vouliez-vous que je lui donne? Soupir...

Sur le chemin du retour, je pensais à Blondinette et à la face qu'elle ferait lorsque je lui annoncerait que finalement, son couple n'était pas multiethnique. Mais bon, je crois qu'un minuscule détail m'avait déjà trahi.