Sortie à l'opéra pour aller voir Falstaff. Il arrive, fier dans sa chemise rose trop grande pour lui et une immense cravate grise au cou.
-Regarde Ensaignant, ça m'a coûté six piastres pour les trois morceaux! Ça coûte pu cher maintenant se mettre chic!
Je l'ai complimenté. Il a rentré sa chemise dans son pantalon et à serrer un peu sa cravate.
Puis je suis retourné à ma page web qui annonçait des spéciaux pour des systèmes de cinéma-maison.
samedi 16 novembre 2013
mercredi 23 octobre 2013
Pourquoi enseigner? (notes éparses)
-L'enseignant, mon fils me dit que vous lui avez enlevé son lecteur de MP3. Pouvez-vous lui remettre s.v.p.?
-Je vais lui remettre mais à la fin de la semaine seulement, comme convenu avec lui.
-C'est qu'il ne peut s'endormir le soir sans écouter sa musique.
-...
Pis après ça, on s'étonne qu'il ne garde pas le silence lors des périodes de lecture. "Le silence tue", doit-il se dire.
***
On nous demande à nous, les profs, de faire tout ce que les parents n'ont pas le temps de faire à la maison. Et du temps, il en manque partout dans les familles. On doit les former comme futurs gardiens, les amener en sorties, leur montrer comment on fait un bébé et surtout, comment on n'en fait pas, leur montrer à prendre les bonnes décisions (il existe un tas de programmes là-dessus, c'est suprenant!), à se tasser lorsqu'on croise une personne âgée sur le trottoir afin qu'elle n'ait pas besoin de grimper la clôture pour ne pas se faire piétiner, à ouvrir son cadenas au secondaire (le stress passé par tous les intervenants du passage primaire-secondaire, c'en est pathétique)...
En plus de...
Les avertir quand mettre du déo, comment ne pas mettre trop de Axe, comment manger proprement, comment pisser dans la bol...
En plus de...
Toutes les affaires scolaires, quand il nous reste du temps.
***
-L'enseignant, mon fils n'a pu faire ses devoirs hier soir car nous sommes revenus tard de chez sa tante.
-Votre soeur?
-Bien non, sa tante.
-La soeur de son père?
-Non, sa tante à lui.
-...
Essayer de comprendre les familles d'aujourd'hui et leur constitution, c'est plus compliqué que d'apprendre les lois régissant les états américains.
***
Les 7 où l'on ne travaille pas sont perçues ainsi, selon le prof et sa résiliance:
- 7 semaines de vacances
- 7 semaines de mise à pied forcées (on n'a pas de 4%, non?)
- 2 semaines de convalescence et 5 semaines de vacances (on est les seuls à rusher au travail au 21e siècle)
On devrait apprécier chacune de ces journées, avec l'interdiction formelle de faire l'un de ces trucs-là:
- Revenir en septembre et se plaindre de la température (peut-être penser un peu plus à ceux qui ont seulement 2 semaines et qui ont eu autant de marde que nous sur la tête).
- Se plaindre en chorale le 22 août au soir et faire chier nos "amis" Facebook qui eux, on encore une fois eu 2 semaines de vacances.
- Arrêter de se plaindre que les pubs du début août nous rappellent notre retour prochain au travail (qui sera fait trois semaines plus tard, soit une semaine de plus que ceux qui, toujours, n'ont que deux semaines de vacances) .
Mais l'essentiel auquel je veux en venir, à travers mes multiples parenthèses, c'est que si nos conditions de travail étaient un peu moins intéressantes, ces deux trucs-là se produiraient:
- Les gens arrêteraient de nous envier et commenceraient à respecter les exigences de notre travail et ce, même devant leurs enfants.
- La rapace qui nuit à notre réputation (lire: les profs qui n'ont aucune aptitude en gestion de classe, aucun instinct de pédagogue ET aucun charisme) se sauverait du métier au lieu d'attendre leur 70% de pension.
***
- C'est normal qu'il n'aime pas l'école. Je n'ai jamais aimé ça moi non plus!
-Et vous lui avez dit?
-Bien certain! Il faut être honnête avec nos enfants!
-Vous lui dites, parfois, que vos journées sont longues en pyjama?
-...
Celle-là, elle vient de ma tête. Mais ça fait du bien...
***
Pourquoi enseigner? Parce que j'aime ça encore. Est-ce que j'adore ça, comme avant? Non. Un peu comme un vieux couple. Un amour tranquille dans lequel se pointent parfois quelques printemps.
Un peu comme un blogue, à bien y penser. ;-)
mercredi 16 octobre 2013
La quarantaine
On pense qu'on vieillit un peu chaque jour mais c'est faux. On vieillit par bourrées. Des coups de vent qui nous rappellent que le temps vient de faire un bond.
Je faisais ma tournée des vins annuelle récemment. J'arrive devant une jeune fille pas trop belle, pas trop moche, your average girl. Elle me sourit. Elle vend du fromage. J'aime le fromage.
-Si vous voulez l'essayer, on a le fromage en grain, le fromage au basilic et le fromage au romarin.
Je saisis l'occasion. Blondinette est à côté de moi mais sait que j'aime bien faire rire les gens. Les charmer un tout petit peu. Pas comme dans "je-te-charme-et-on-fait-l'amour". Plutôt comme dans "je-te-charme-et-je-suis-quelqu'un". Long à expliquer, même pour un mercredi matin.
Donc, roulements de tambour....
-Du fromage au romarin?
Elle me regarde, les sourcils légèrement froncés.
-Mais oui, le romarin, l'épice...
Êtes-vous prêts à apprendre du maître? Voici:
-Ah, l'épice. Je pensais rat marin, le rongeur.
C'est là, drette là que j'ai vieilli. J'aimerais vous dire qu'elle m'a regardé en me souriant, sous le charme de ma vivacité d'esprit mais non. Elle m'a regardé, sèchement.
-On me la fait toujours, celle-là.
C'est ça, la quarantaine. De "Blagueur Brillant", tu passes à "Mononcle pis ses Jokes". Tu passes de baisable potentiel à gentil quadragénaire.
Mais c'est pas grave, pas à en faire une crise en tout cas.
Et de toute façon, elle mentait. Je suis certain que c'était la première fois qu'elle l'entendait.
Jeune poule écervelée!
Je faisais ma tournée des vins annuelle récemment. J'arrive devant une jeune fille pas trop belle, pas trop moche, your average girl. Elle me sourit. Elle vend du fromage. J'aime le fromage.
-Si vous voulez l'essayer, on a le fromage en grain, le fromage au basilic et le fromage au romarin.
Je saisis l'occasion. Blondinette est à côté de moi mais sait que j'aime bien faire rire les gens. Les charmer un tout petit peu. Pas comme dans "je-te-charme-et-on-fait-l'amour". Plutôt comme dans "je-te-charme-et-je-suis-quelqu'un". Long à expliquer, même pour un mercredi matin.
Donc, roulements de tambour....
-Du fromage au romarin?
Elle me regarde, les sourcils légèrement froncés.
-Mais oui, le romarin, l'épice...
Êtes-vous prêts à apprendre du maître? Voici:
-Ah, l'épice. Je pensais rat marin, le rongeur.
C'est là, drette là que j'ai vieilli. J'aimerais vous dire qu'elle m'a regardé en me souriant, sous le charme de ma vivacité d'esprit mais non. Elle m'a regardé, sèchement.
-On me la fait toujours, celle-là.
C'est ça, la quarantaine. De "Blagueur Brillant", tu passes à "Mononcle pis ses Jokes". Tu passes de baisable potentiel à gentil quadragénaire.
Mais c'est pas grave, pas à en faire une crise en tout cas.
Et de toute façon, elle mentait. Je suis certain que c'était la première fois qu'elle l'entendait.
Jeune poule écervelée!
jeudi 10 octobre 2013
Post sans réaction
Ce matin, Jeune Élève Parfaite me tend un journal plié en deux.
-Tiens, c'est pour toi. Ça parle de massage suédois.
J'ouvre le quotidien gratuit. La première page s'intitule: "Massages érotiques: services illicites remboursés".
Ah ben coudonc...
-Tiens, c'est pour toi. Ça parle de massage suédois.
J'ouvre le quotidien gratuit. La première page s'intitule: "Massages érotiques: services illicites remboursés".
Ah ben coudonc...
lundi 7 octobre 2013
Le Petit
Je ne l'avais pas vu au début. Tous mes grands de sixième année étaient arrivés en classe. Certains assis, ceux qui très rapidement passeraient inaperçus et puis il y avait ceux qui n'étaient pas à leur place. Ceux qui ne seraient jamais à leur place. On surestime toujours l'influence de l'enseignant sur le savoir-vivre des élèves.
Et puis, il y avait lui. Tout petit. Les cheveux bleus, le chandail en lambeau mais surtout, tout petit. C'est ce qui sautait aux yeux en premier. Je me suis approché. Pour le voir. En faisant bien attention de ne pas lui marcher dessus.
-Salut, bienvenue dans ma classe. Je me nomme Ensaignant et je suis ton prof pour cette année.
J'aurais bien voulu qu'il me réponde mais mon souffle l'avait projeté plus loin tellement il était léger. À travers le brouhaha des autres, on aurait juré une plume dans une envolée de cailloux. Je l'ai laissé reprendre son souffle, avaler l'attention que je lui avais donné. On fait trop facilement d'indigestions quand on est petit comme lui.
Les mois ont passé. Les devoirs non-faits s'accumulaient, les échecs se répétaient. À chaque jour, je m'approchais un peu plus. Lui parlais un peu plus. Il était mon renard.
On fait souvent la gaffe de parler trop fort près de ces gens-là. On veut tout savoir tout de suite parce qu'après, on n'aura plus le temps. Parce qu'après, il sera trop tard. Vite, vite, un jugement, surtout si c'est différent. On est des pédagogues, certes, mais on est aussi juge et jury. Si ça ne rentre pas dans le cadre, c'est que c'est trop... ou forcément, pas assez...
Mais j'ai respecté son rythme. Pour une fois, j'ai suivi une cadence qui n'était pas la mienne. Me suis même demandé si ce n'était pas mon propre rythme que je retrouvais.
Quand les premiers flocons sont tombés, il m'a sourit pour une première fois. J'ai fait un pas vers lui, voyant une ouverture mais son sourire a disparu aussitôt.
En revenant des vacances de Noël, il faisait partie du groupe qui s'était précipité vers moi, heureux de me retrouver dans la cour d'école. Il se tenait un peu en arrière mais il était avec eux.
À Pâques, juste après le deuxième bulletin, il a pleuré. J'aurais voulu le consoler mais je n'ai pas osé l'approcher. Je lui ai seulement fait mon plus beau sourire, de loin. Il n'a pas souri mais je jurerais que ses yeux ont dit merci.
À la remise des diplômes, au dernier jour de classe, il s'est approché timidement quand j'ai nommé son nom. Du bout des doigts, il a pris le bout de papier que je lui tendais. Il irait au secondaire, en CPF. Je n'avais pas le choix. Les coups de vent sont forts en CPF mais il résistera. Ou il s'envolera à jamais.
Juste avant de descendre du podium pour aller rejoindre les autres, il s'est retourné et m'a souri, les yeux remplis de larmes. Je lui ai souri. J'aurais pu m'approcher et entrer dans sa bulle mais je n'en ai rien fait. Car entre ses dents, j'étais le seul à pouvoir entendre ces mots qu'il me chuchotait sans parler.
-On s'aime de loin mais on s'aime, non?
Ma gorge s'est nouée.
-Oui, on s'aime.
Même de loin.
Et puis, il y avait lui. Tout petit. Les cheveux bleus, le chandail en lambeau mais surtout, tout petit. C'est ce qui sautait aux yeux en premier. Je me suis approché. Pour le voir. En faisant bien attention de ne pas lui marcher dessus.
-Salut, bienvenue dans ma classe. Je me nomme Ensaignant et je suis ton prof pour cette année.
J'aurais bien voulu qu'il me réponde mais mon souffle l'avait projeté plus loin tellement il était léger. À travers le brouhaha des autres, on aurait juré une plume dans une envolée de cailloux. Je l'ai laissé reprendre son souffle, avaler l'attention que je lui avais donné. On fait trop facilement d'indigestions quand on est petit comme lui.
Les mois ont passé. Les devoirs non-faits s'accumulaient, les échecs se répétaient. À chaque jour, je m'approchais un peu plus. Lui parlais un peu plus. Il était mon renard.
On fait souvent la gaffe de parler trop fort près de ces gens-là. On veut tout savoir tout de suite parce qu'après, on n'aura plus le temps. Parce qu'après, il sera trop tard. Vite, vite, un jugement, surtout si c'est différent. On est des pédagogues, certes, mais on est aussi juge et jury. Si ça ne rentre pas dans le cadre, c'est que c'est trop... ou forcément, pas assez...
Mais j'ai respecté son rythme. Pour une fois, j'ai suivi une cadence qui n'était pas la mienne. Me suis même demandé si ce n'était pas mon propre rythme que je retrouvais.
Quand les premiers flocons sont tombés, il m'a sourit pour une première fois. J'ai fait un pas vers lui, voyant une ouverture mais son sourire a disparu aussitôt.
En revenant des vacances de Noël, il faisait partie du groupe qui s'était précipité vers moi, heureux de me retrouver dans la cour d'école. Il se tenait un peu en arrière mais il était avec eux.
À Pâques, juste après le deuxième bulletin, il a pleuré. J'aurais voulu le consoler mais je n'ai pas osé l'approcher. Je lui ai seulement fait mon plus beau sourire, de loin. Il n'a pas souri mais je jurerais que ses yeux ont dit merci.
À la remise des diplômes, au dernier jour de classe, il s'est approché timidement quand j'ai nommé son nom. Du bout des doigts, il a pris le bout de papier que je lui tendais. Il irait au secondaire, en CPF. Je n'avais pas le choix. Les coups de vent sont forts en CPF mais il résistera. Ou il s'envolera à jamais.
Juste avant de descendre du podium pour aller rejoindre les autres, il s'est retourné et m'a souri, les yeux remplis de larmes. Je lui ai souri. J'aurais pu m'approcher et entrer dans sa bulle mais je n'en ai rien fait. Car entre ses dents, j'étais le seul à pouvoir entendre ces mots qu'il me chuchotait sans parler.
-On s'aime de loin mais on s'aime, non?
Ma gorge s'est nouée.
-Oui, on s'aime.
Même de loin.
jeudi 3 octobre 2013
Tiré du néant
Pourquoi repartir tout ça? Parce que le silence, je ne connais pas.
Même sans plume dans les mains, les phrases se construisent, les images
se dessinent. Mais elles restent dans ma tête. Et ça fait un homme
distrait à table, qui boit son steak et qui mastique son vin.
-Chéri, à quoi tu penses? Te souviens-tu que tu as une famille? me demande Blondinette.
Les enfants pleurent de chaque côté de moi. Je ne l'avais même pas remarqué. La Loutre fait le même bruit qu'un ballon qui dégonfle lorsqu'elle pleure. Je n'avais jamais remarqué non plus. Et c'est cute, d'une étrange façon.
-Je ne pense à rien... Je suis simplement dans la lune.
L'Héritier est à ma gauche et tripote ses légumes. Mon Koala d'amour dort la tête renversée, la bouche ouverte. C'est l'hiver dehors. François Legault est au pouvoir. Bon, j'exagère à peine.
-Tu sais, si tu penses encore ton écriture de %!$%, je te jure que je te soude un clavier dans les paumes et que je te rentre la souris dans le ...
-C'est un hamster qu'on rentre là, chérie. Pas une souris.
-Ta gueule. T'es vraiment un sale con.
C'est un peu pour ça que je décide de revivre ici. Pour revivre dehors.
-Chéri, à quoi tu penses? Te souviens-tu que tu as une famille? me demande Blondinette.
Les enfants pleurent de chaque côté de moi. Je ne l'avais même pas remarqué. La Loutre fait le même bruit qu'un ballon qui dégonfle lorsqu'elle pleure. Je n'avais jamais remarqué non plus. Et c'est cute, d'une étrange façon.
-Je ne pense à rien... Je suis simplement dans la lune.
L'Héritier est à ma gauche et tripote ses légumes. Mon Koala d'amour dort la tête renversée, la bouche ouverte. C'est l'hiver dehors. François Legault est au pouvoir. Bon, j'exagère à peine.
-Tu sais, si tu penses encore ton écriture de %!$%, je te jure que je te soude un clavier dans les paumes et que je te rentre la souris dans le ...
-C'est un hamster qu'on rentre là, chérie. Pas une souris.
-Ta gueule. T'es vraiment un sale con.
C'est un peu pour ça que je décide de revivre ici. Pour revivre dehors.
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